Lors d’une réunion internationale à Tanger

Ethique et responsabilité dans les médias: le benchmarking réussi du CNP

En présence d’éditeurs, de journalistes et de représentants d’organismes internationaux de régulation de la presse, le Conseil national de la presse (CNP), qui vient de souffler sa première bougie, a réuni dans le cadre d’une conférence internationale des acteurs de renom, d’imminentes figures de la profession autour de l’épineuse question de l’éthique. À l’heure du règne quasi absolu de la culture du «clic» et de l’hégémonie scandaleuse des fake news, les instances de régulation sont plus que jamais appelées à serrer la vis au niveau du contrôle de la déontologie  et du respect de l’éthique professionnelle.

Deux jours durant, du vendredi 29 au samedi 30 novembre dernier, à la Maison de la presse à Tanger, les représentants d’une douzaine d’organismes de régulation des pays d’Europe, d’Amérique  Latine et d’Afrique se sont penchés sur les moyens à même d’aider à restructurer la presse à travers l’harmonisation des systèmes éthique avec la responsabilité des médias. Un chantier monstre, mais somme toute salutaire pour sortir la profession de sa crise et redonner un sens à l’acte d’informer.

Dès la séance inaugurale, le ton a été donné par Younès Moujahid, le président du CNP, qui a placé la problématique dans son contexte local et international. A cet égard, il précisé que l’avenir de la profession dans le monde dépend de cet équilibre nécessaire entre la responsabilité des médias et les droits et protections dont ils bénéficient pour préserver la démocratie. Dans son intervention, Moujahid a également mis l’accent sur la situation économique des entreprises de presse, confrontées à un dysfonctionnement de l’ancien modèle et l’absence d’une alternative. Une situation, a-t-il précisé, qui impacte sérieusement le statut et la situation sociaux des journalistes et de tous les employés dans le secteur.

Cette séance inaugurale a été marquée également par la brillante intervention de la représentante de l’UNESCO au Maroc, Mme Golda El Khory, qui n’a pas manqué de saluer cette initiative et qui a appelé à élever la question éthique au rang de priorité mondiale.

De son côté, Anthony Bellanger, secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), a présenté le parcours de la FIJ, qui représente environ 600 000 journalistes dans le monde entier, fondée en 1926 et dont la présidence est assurée actuellement par Younes Mujahid.

Bellanger a déclaré que cette année, la fédération avait élaboré un code de déontologie international pour les journalistes, affirmant que le journalisme était «une profession qui nécessite du temps, des moyens et la sécurité morale et matérielle nécessaire à son indépendance ».

«Les internautes actifs sur les médias sociaux ne sont pas nécessairement des journalistes», a déclaré Bellanger. «J’ai un piano dans mon salon, mais cela ne veut pas dire que je suis un pianiste», a-t-il ajouté. «Un journaliste est une personne formée et payée et possédant une carte professionnelle», a-t-il indiqué.

Lors du premier atelier, qui a suivi la séance d’ouverture et qui a été consacré au « Rôle des conseils de la presse dans les systèmes de responsabilité des médias », présidé par le britannique Mike Jempson, les intervenants ont passé en revue les modèles de leurs pays et la réalité du journalisme dans un groupe de pays d’Afrique, d’Europe, d’Amérique et d’Asie. Les interventions se sont accordées à l’unanimité sur l’existence de problèmes liés au travail du journalisme dans le monde, notamment en Afrique et dans des zones de conflits, tant en ce qui concerne la réalité de la profession que la situation des journalistes.

Caroline Lusher, du Conseil canadien de la presse, a rappelé dans son intervention que l’expérience de son pays, dans laquelle elle a parlé de la confiance du public et de la façon dont les journaux et les sites d’information canadiens s’emploient à gagner et à entretenir la confiance des lecteurs à travers des sondages permanents. Elle a expliqué que le Conseil de la presse canadienne est une association de la société civile, sans aucun pouvoir coercitif, mais qui bénéficie néanmoins de 71% de la confiance de l’ensemble de la population canadienne, selon une étude réalisée par des universités canadiennes.

La porte-parole canadienne a souligné que l’auto-organisation de la profession dans son pays avait commencé par la création de ce cadre consultatif, qui comprenait des professionnels et d’autres organismes, et représentait les lecteurs eux-mêmes, le travail du Conseil devant donner son opinion sur le respect de la déontologie dans le travail des médias, tandis que les différends sont résolus par la justice canadienne.

Pour sa part, des participants d’Afrique subsaharienne ont présenté un ensemble de défis qui entravent le travail des journalistes dans leurs pays. Dans son exposé, Eric Omer Sounouvy, président du conseil du Bénin, a expliqué que la situation au Bénin est liée aux conditions sociales des journalistes.

Une situation qui relègue au second plan le débat sur l’éthique de la profession, soulignant que l’autorégulation de la profession devrait également viser à améliorer le statut des journalistes et à encadrer l’éthique de la profession, en particulier dans les pays d’Afrique où la presse souffre encore de problèmes difficiles. Les crises économiques et la main mise des États sur les médias publics empêchent toute émancipation des médias et les empêchent de jouer leur rôle dans l’édification de la démocratie et la promotion des libertés.

Lors des deux ateliers de la matinée du samedi,  l’Irlandais Michael Foley d’Irlande et l’Américain Colder Culpter ont exprimé leur optimisme quant à l’avenir de la presse, citant l’expérience du journal (New York Times), qui continue d’atteindre des taux élevés de vente atteignant plus de 5 millions d’abonnés.

En outre, les deux orateurs ont soulevé le problème des «fakes news», qui, selon eux, sont relancées par la politique de l’État et se développent dans un environnement hostile entre le pouvoir et les médias, comme aux États-Unis après la montée de Trump à la Maison-Blanche.

En ce qui concerne l’expérience marocaine, Mahtat Rakas, membre du Conseil national de la presse, est revenu sur les défis auxquels la profession au Maroc est confrontée et qui ne peuvent être résolus indépendamment de ce qui se passe dans le monde. Rakas a ajouté que l’un des principaux défis auxquels le secteur fait face aujourd’hui est la nécessité de trouver une solution aux revenus, de rechercher un nouveau modèle économique pour la presse et de s’adapter à la transformation digitale connue dans tous les domaines, y compris le journalisme et les médias. M. Rakas a tenu à rappeler que les journalistes et les partenaires doivent comprendre que l’avenir de la profession et des professionnels dépend de la pérennité des entreprises de presse et de la solidité de leurs fondamentaux économiques et financiers.

Rakas a aussi mis l’accent sur le développement de la lecture des journaux et sa relation avec  la promotion de l’éducation et l’amélioration de la lecture en général parmi les jeunes notamment. Outre l’amélioration de ses performances, il a appelé à l’adoption d’un modèle économique et de gestion moderne et la recherche d’une solution équilibrée à l’engagement pris aujourd’hui par les géants de l’Internet  qui tirent d’énormes profits de la publicité sans contribuer à la production de contenu, mais bénéficiant du contenu qui leur appartient.

Pour sa part, Meryem Oudghiri, membre du Conseil national de la presse, a révélé la réception par ce dernier d’une série de plaintes concernant l’éthique de la profession, qui concernent pour la plupart la presse électronique.

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