Partage, diversité culturelle et respect des valeurs spirituelles universelles

la diversité culturelle et dans les respects des valeurs spirituelles communes. «Laisse brûler le jazz, à chacune de ses phrases, il nous embrase…». C’est la devise du mythique «Fès Jazz in Riad Festival» que nous raconte son directeur artistique, le chant-poète Jean-Claude Cintas. Propos.

Al Bayane : Où en êtes-vous avec le «Fès Jazz in Riad Festival» ?
Jean-Claude Cintas :
Lorsque Mohamed Kabbaj, Président de la Fondation Esprit de Fès, qui gère en son sein plusieurs festivals et en particulier l’éminent Festival des Musiques Sacrées du Monde, m’avait confié en 2008 la direction artistique du Fès Jazz in Riad Festival, nous avions l’ambition commune d’en faire, à terme, un grand festival. Rappelons, au préalable, que la fonction de cette fondation est d’être un carrefour de rencontres des hommes et des femmes de tout horizon dans la diversité culturelle et dans les respects des valeurs spirituelles communes. Par le langage de la musique, et du jazz en particulier, de provoquer un espace de partage. La ville de Fès a la spécificité d’être, tout à la fois, une capitale culturelle et spirituelle. De fait, elle accueille depuis tant de siècles les plus grands penseurs, écrivains, artistes, sages… et encore aujourd’hui.
La dernière édition a eu lieu en octobre 2010. C’était la 7e édition de ce festival. En 2011 est arrivée une nouvelle direction à la tête de la Fondation Esprit de Fès qui a ajourné le festival par manque de budget. Depuis, il semble que la conjoncture internationale n’ait fait que ralentir la réapparition de ce festival. Je trépigne et attends un signe !

Le «Fès Jazz in Riad Festival», quels sont ses espoirs et ses lettres de noblesses ?
Ses espoirs sont qu’il réapparaisse rapidement. Quant à ses lettres de noblesses, elles ne peuvent exister que si l’on répond à la demande d’un public nombreux, curieux, demandeur, passionné et passionnant qui a toujours été présent sans se faire prier. Et il a bien été là, je le confirme. Il n’était pas le seul présent puisque la presse a été très prolixe et très élogieuse. La couverture médiatique était remarquable !

Quelle est la particularité de ce festival ?
La particularité de ce festival, est qu’il se fait, comme l’indique son nom « Fès Jazz in Riad Festival », dans des lieux exceptionnels que sont les riads de la Médina millénaire de Fès. Cette Médina arabo-andalouse recèle des pépites architecturales hors du commun. Tant et si bien que chaque riad et dar sont tous différents et tous magnifiques. On est émerveillé, voire même envouté par ces lieux. Le style n’est pas ostentatoire. On se croirait dans un conte des Milles et une nuits. C’est d’un raffinement exceptionnel et les artisans qui la décorent depuis des siècles sont les meilleurs du Royaume. Les zelliges, les stucs, les zouaqs des plafonds en cèdre de l’Atlas, les portes sculptées ou peintes, les colonnes qui soutiennent ses arcades, les fontaines, les minarets… toute une tradition artisanale au service du plaisir des yeux et des sens, et du vivre ensemble qui se fait autour d’un patio ou d’un jardin andalou comme par exemple celui du Musée Batha. Chef-d’œuvre botanique où les concerts ont lieu sous ce célèbre chêne multi centenaire sous lequel tant de notes, de paroles et de silences ont résonné de beauté et de sagesse.

Sous quelles formes originales s’exerce ce festival ?
Dans les riads bien entendu, mais aussi comme par exemple par des concerts gratuits qui ont lieu sur la mythique place Boujloud. Quelle effervescence populaire et quelle joie du public ! Un public chaleureux qui aime être bousculé par la musique. Un public joyeux. Mais aussi ces concerts déambulatoires de jazzmen dans les ruelles de la Médina qui marchent tout en improvisant leurs notes de musique. Là aussi le public fassi réagit. Applaudit. Se prend en photo avec les musiciens qui jouent. Je me rappelle d’un jeune danseur de hip hop qui était venu se placer au milieu des musiciens et de la foule et avait improvisé des figures de danse remarquables durant près de 15 mn. Un musicien gnawa s’était lui aussi mêlé à la rythmique. La fête musicale et artistique battait son plein. Quel plaisir d’être ensemble et de vibrer des mêmes notes.
Mais aussi les expositions de peinture commandées à des artistes du cru autour du jazz que l’on expose dans les coursives du Palais Batha. Les conférences d’auteurs et rencontres de musiciens sur le jazz… Et puis les moments forts où artistes internationaux se mélangent aux musiciens gnawi et autres artistes de la musique traditionnelle du pays.
Bref, une effervescence d’échanges qui s’inscrivent dans le thème qui, à chaque édition, détermine le festival. Citons par exemple «le Millésime coloré et méditerranéen» de 2009, une façon de réunir les deux rives de la Méditerranée, qui associaient le jazz flamenco de Kader Fahem à la guitare électrique de David Reinhardt, petit fils du grand Django aux pieds nus, de Rhoda Scott sur le pédalier de son orgue Hammond, et à la peinture de Najia Erajaï. Citons aussi«le Millésime multiethnique» de 2010 qui associait le mythique gospel des Golden Gate Quartet aux prières incandescentes de la brésilienne Mônica Passos, à la cornemuse irlandaise du Keltic Tales et à la voix cristalline d’Atef Sedkaoui du Don Billiez Orchestra. Autant de thèmes qui permettent à chaque fois d’associer les contraires, les improbables, et provoquer encore et toujours l’ouverture sur les autres.

Que se cache-t-il derrière ce festival ?
Il y a derrière le festival de jazz de Fès un vrai parti pris de partage par la culture. Il n’y a pas seulement la volonté de faire du nombre pour le nombre, mais une volonté de faire de la qualité par le choix d’artistes, de rencontres, de conférences, d’expositions…astucieusement associés, qui donnent alors une cohérence à un festival digne de ce nom. Cela permet au public d’avoir vécu et participé à une véritable page d’histoire de jazz.

Qu’est-ce que votre festival pourrait apporter à la musique Jazz au Maroc ?

Comme ce festival a obtenu la labellisation DjangodOr (Trophées Internationaux du Jazz), la route était toute tracée pour créer les «DjangodOr marocains». C’était d’ailleurs prévu ainsi avec le soutien d’une chaine de TV. Ce trophée permettrait de récompenser chaque année les meilleurs musiciens de jazz de ce pays. Un trophée qui manque ! Car, rappelons-le, la musique traditionnelle et même classique marocaine est très fortement basée sur de grandes plages d’improvisations musicales. Et ce, de tout temps. Ce qui la rend proche du jazz puisque lui-même se construit sur cette même base. Et puis rendons à César ce qui appartient à César, n’oublions pas que le jazz prend toutes ses racines en Afrique. Ce ne serait qu’un juste retour des choses !

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