La qualification du sport, un levier du développement du pays

La qualification du Maroc au Mondial de Russie et sa candidature pour organiser la Coupe du monde ne résolvent pas la crise structurelle du sport. La qualification de l’équipe du Maroc de football au Mondial de Russie, après 20 ans d’absence, que tout le monde salue et applaudit, et la candidature du pays pour l’organisation de la coupe du monde de football de 2026, que l’on souhaite vivement, ne résolvent pas pour autant la crise structurelle du secteur des sports, dont la solution requiert une véritable politique sportive publique et une volonté politique pour y parvenir, a-t-on souligné lors d’une rencontre, organisée, jeudi soir au siège national du Parti du progrès et du socialisme à Rabat.

Pour le modérateur de la rencontre, le journaliste sportif Mohamed Rouhli, ce forum est organisé sous le thème : « le sport et la société » dans le cadre des débats, qui se poursuivent depuis des mois sur divers thèmes, en prélude au 10e congrès national du PPS, prévu les 11, 12 et 13 mai prochains à Bouznika, dans le but d’enrichir les thèses politiques devant être adoptées au cours de ce congrès.

Il s’inscrit aussi dans le cadre de la journée internationale du sport, célébrée le 6 avril de chaque année à l’initiative de l’ONU et dont l’idée avait été proposée en 2011 par le Maroc lors d’un forum du Comité international olympique à Genève.

En organisant cette rencontre, le PPS se propose d’attirer l’attention sur la gravité de la crise qui ronge le secteur et l’empêche de devenir comme c’est le cas dans d’autres pays une véritable industrie productive de richesses, d’emplois et de sportifs très performants.

Selon lui, il est impossible de continuer de gérer le secteur en tablant sur l’improvisation pour former des sportifs de qualité, en l’absence de financements adéquats. Par ailleurs, certains athlètes travaillent dur pour devenir des professionnels, alors que les dirigeants font du sur-place parmi les amateurs, pour se transformer, une fois que l’athlète réalise des performances mondiales, en de véritables chasseurs de primes.

Ahmed Zaki, membre du BP du PPS : Assainir le secteur

Le sport est un secteur dont l’importance est sous-estimée au niveau de l’Etat: budget dérisoire comme celui de la santé et surtout absence de toute politique sportive, improvisation à tous les niveaux, mainmise d’éléments incompétents et arrivistes sur les bureaux des différents clubs et fédérations sportives. Tel est le constat du secteur, a affirmé Ahmed Zaki, membre du Bureau politique et acteur de longue date du domaine sportif, en tant que dirigeant et analyste.

Et pourtant tout indique qu’il s’agit d’un secteur à fort potentiel, susceptible de devenir un levier du développement, à la seule condition d’en faire une véritable industrie. Les ressources humaines et les bonnes volontés existent. Elles sont de nature à lui permettre d’afficher plus de résilience, a-t-il estimé, appelant pour ce faire, à faire preuve de volonté politique requise pour développer le secteur suivant un plan bien conçu.

En lui accordant l’intérêt qu’il mérite, le sport est en mesure de contribuer à la protection de la jeunesse contre les différents maux sociaux auxquels les jeunes sont exposés (drogue, marginalisation, exclusion, précarité), a-t-il encore déclaré.

En l’absence de toute stratégie, les responsables s’appuient sur l’improvisation pour mettre en application leurs bonnes et mauvaises idées, faisant planer le flou sur le devenir du secteur, a-t-il dit, notant qu’il ne faut pas s’étonner quand le pays ne récolte que de mauvais résultats sportifs. On travaille sans plan, sans stratégie à long terme et sans aucun cadre juridique clair, a-t-il ajouté, rappelant que des lois adoptées n’ont jamais été mises en œuvre, alors que d’autres adoptées à la hâte sont dépassées par la Constitution de 2011. D’autres lois attendent des décrets d’application.

Et pourtant, le sport et la pratique sportive sont un droit reconnu au citoyen par la Constitution de 2011 qui a engagé l’Etat pour en assurer l’exercice par les citoyens, a-t-il dit. En dépit des nouvelles dispositions constitutionnelles, rien n’a changé au niveau de la vision du secteur de la jeunesse et des sports, qui continue de bénéficier d’un budget dérisoire, a-t-il déploré.

Pour changer de cap, il est donc nécessaire de prévoir des budgets consistants dans le but d’aider le secteur à surmonter la crise et à mettre fin à l’improvisation auxquelles il fait face, a-t-il dit.

Le sport est une école de la vie qui montre la valeur de l’effort et de la compétition honorable. L’Etat doit accorder aux sports l’importance qu’ils méritent en délégant aux collectivités locales, notamment et aux régions le droit de le faire et en décidant par exemple d’utiliser les établissements scolaires qui restent fermés en dehors des journées de classes pour y organiser des manifestations sportives. Ce qui devra permettre de poursuivre l’éducation des jeunes et leur permettre de dépenser leur énergie emmagasinée. Mais il faut d’abord avoir la volonté politique de le faire, a-t-il dit, appelant en fin de compte à l’adoption d’une politique intégrée avec la participation de tous les acteurs, y compris les opérateurs économiques, une sorte de feuille de route pour assainir le secteur et le gérer dans le respect des méthodes démocratiques.

Abderrazzak Akkari, chercheur dans la gouvernance sportive : le secteur manque de données fiables

Toutes les études réalisées au niveau du secteur butent sur la rareté, pour ne pas dire tout simplement l’absence de données fiables, comme cela ressort des programmes des différents partis politiques et des organismes officiels, a-t-il dit, estimant que cela est dû au fait que le secteur fait face à une profonde crise structurelle.

Selon lui, les manifestations de la crise sont perceptibles sur tous les plans, et en particulier au niveau des installations sportives, des ressources humaines, des ressources financières et de la gouvernance dont on a commencé à parler à partir de 2008.

A l’issue des deuxièmes assises nationales du sport de 2013, l’on a soulevé une série de questions au sujet notamment du sponsoring et d’autres sujets. Mais en l’absence d’une politique publique claire et cohérente, les résultats obtenus n’ont pas été à la hauteur des attentes, comme ce fut le cas à Rio de Janeiro, a-t-il rappelé. Certaines disciplines sportives comme la lutte ou autres sont menacées d’extinction dans ces conditions, a-t-il estimé.

Ce qui requiert une meilleure gouvernance, fondée sur la participation des acteurs, la transparence et une mise en œuvre du principe de la reddition des comptes. Sans cela, il est impossible d’attirer des sponsors parmi les entreprises disposées à investir dans le secteur, a indiqué Akkari.

Le sport n’a jamais été une priorité

Pour sa part, le journaliste Mohamed Abou Sahal a indiqué que les sports n’ont jamais été une priorité. Quant à la loi la loi 30-09 relative à l’éducation physique et aux sports, qui ne fait plus l’unanimité, elle a été adoptée avant la Constitution de 2011. C’est pourquoi, elle est considérée, par plus d’un, comme dépassée puisque ses dispositions ne cadrent ni avec la Constitution, ni avec les exigences des instances sportives internationales.

 Par ailleurs, les expériences de sponsoring menées dans le secteur n’ont jamais été analysées pour en ressortir les enseignements, car en fait, une telle expérience n’a  profité qu’à certains clubs au service des intérêts de certains milieux, a-t-il noté. L’Etat ne dispose d’aucune politique claire dans le secteur, dominé par l’improvisation et le manque de démocratie, ce qui se traduit par l’absence de centres de formation et de la formation des jeunes, a-t-il déclaré.

L’anarchie dans le sport :

De son côté, le journaliste sportif Jamal Stifi a indiqué que c’est le nombre de médailles olympiques qui reflète la situation du secteur dans le pays. Lors des dernières éditions des jeux olympiques (Rio de Janeiro, Tokyo ou Pékin), le Maroc s’est classé parmi les derniers, derrière des pays comme le Bangladesh. Et il ne faut pas s’attendre à ce que les sportifs marocains soient mieux classés durant les prochaines éditions des jeux olympiques, tant que la politique poursuivie se base sur l’anarchie.

Dans leurs interventions au cours du débat ayant sanctionné cette rencontre, nombreux sont les participants et journalistes qui sont revenus sur les raisons qui expliquent pourquoi l’économie du sport est encore à l’état embryonnaire au Maroc. Les investissements ne sont pas souvent le fruit d’une stratégie marketing étudiée et pensée. Dans la plupart des cas, ils sont dictés par d’autres considérations obscures et floues pour servir des intérêts personnels. Et pourtant, ce ne sont pas les investisseurs potentiels qui manquent. Leur réticence est due surtout au fait que le secteur est devenu un champ de bataille où se mêlent populisme, politique politicienne, manigances et arrivisme, ont-ils relevé, appelant à assainir le secteur pour lui permettre d’attirer le plus d’investissements dont il a besoin pour pourvoir jouer pleinement son rôle dans l’œuvre de développement du pays.

M’Barek Tafsi

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