Qui est Abdul Ghani Baradar, le nouvel homme fort des Talibans ?

Attendons pour voir…

Nabil EL BOUSAADI

Vingt années, presque jour pour jour, après avoir été chassés d’Afghanistan par les troupes américaines qui étaient venus les punir pour avoir hébergé les combattants d’« Al-Qaïda » responsables des attentats du World Trade Center, les Talibans y ont fait un retour triomphal, ce dimanche 15 Août 2021, après le retrait des forces étrangères  et la fuite du président afghan Ashraf Ghani qui a reconnu, sur sa page Facebook, que « les Talibans ont gagné ».

Ainsi, au moment où, de Doha, au Qatar où il est installé, Mohammad Naeem, le porte-parole du bureau politique des Talibans a déclaré que « la guerre est terminée », que plusieurs hélicoptères avaient commencé à sillonner le ciel de la capitale afghane pour évacuer d’urgence les ambassades occidentales et transférer leurs personnels vers l’aéroport de Kaboul, la République islamique d’Afghanistan a disparu et les Talibans, anéantis vingt années plus tôt par une intervention militaire menée par les Etats-Unis, ont repris le contrôle du pays et de l’ensemble de ses institutions. 

C’est à ce titre que le samedi 21 Août, un haut responsable taliban a déclaré à l’AFP, qu’Abdul Ghani Baradar, le numéro deux du mouvement taliban après Haibatullah Akhundzaza mais son principal dirigeant politique et l’un de ses membres les plus emblématiques, est arrivé à Kaboul à l’effet de « rencontrer des responsables jihadistes et des responsables politiques » du mouvement et d’engager, avec eux, les négociations nécessaires à la mise en place, dans les tout prochains jours, « d’un gouvernement islamique de rassemblement ».

Mais qui est donc ce numéro deux du mouvement rapidement devenu « le visage public » des talibans qui dirigera, vraisemblablement, l’émirat islamique qui viendra en remplacement de l’ancienne république islamique d’Afghanistan ?

Cofondateur, avec le mollah Omar, du mouvement des Talibans, Abdul Ghani Baradar est une importante figure « diplomatique » du mouvement puisque c’est avec lui qu’en Février 2020, les Etats-Unis avaient discuté lors des pourparlers de paix inter-afghans de Doha qui « planifièrent » le retrait des forces étrangères d’Afghanistan mais qui évitèrent d’aborder, à dessein ou non, la question du devenir des autorités afghanes issues du suffrage universel si bien que, dès le départ des « protecteurs » américains, le gouvernement de Kaboul tomba sans coup férir ; ce qui pourrait même faire croire qu’en évitant de signer un réel accord de paix avec le gouvernement afghan, Abdul Ghani Baradar avait préparé la rapide reconquête du pays par les Talibans.

Né en 1968 dans la province d’Uruzgan, Abdul Ghani Baradar est, comme l’ancien président afghan Hamid Karzaï, un Pachtoune Durrani de la tribu Popalzai. Vice-ministre de la Défense lorsque les Talibans avaient dirigé l’Afghanistan entre 1996 et 2001, ce dernier avait fui au Pakistan après les attaques du 11 Septembre 2001 avant d’y être arrêté en 2010 lors d’une opération menée conjointement « par des agents des services de renseignement américains et pakistanais ».

Après avoir passé huit années derrière les barreaux, Abdul Ghani Baradar qui, d’après le journaliste Sami Yousaifzai, jouissait, avant sa capture, « d’un grand respect chez les talibans » et qui était devenu le numéro deux du régime après la mort du mollah Omar en 2013, sera libéré, « à la demande de l’envoyé spécial américain en Afghanistan, Zalmay Khalilzad » qui voulait le voir jouer « un rôle dans les pourparlers de paix du fait de son autorité et de sa réputation de négociateur ».

Pragmatique et loin d’être aussi farouche que ses compagnons talibans aux dires de Karim Pakzad, chercheur à l’IRIS et spécialiste de l’Afghanistan,  Abdul Ghani Baradar parviendra-t-il à donner à son mouvement le visage qui lui permettrait d’accéder à une reconnaissance internationale ? Attendons pour voir…

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