Rentrée scolaire: joindre l’action à la parole royale

Le secteur de l’enseignement du primaire jusqu’au supérieur est remis sur le devant de la scène médiatique et politique à l’occasion de chaque rentrée scolaire et universitaire.

En effet, dès que le mois de septembre démarre, la couleur de la rentrée scolaire est ainsi annoncée par la circulation des bus jaunes du ramassage scolaire, le processus d’inscriptions des petits chérubins, la réinscription d’autres, l’activité dans le marché des manuels et des fournitures scolaires, le lancement de l’opération «un million de cartables», des mobilisations au niveau des préfectures et des provinces pour assurer de bonnes conditions à ce démarrage, dont le coup d’envoi officiel est toujours donné par le Souverain, en personne, ou par le prince héritier Moulay El Hassan. C’est dire l’importance que revêt ce secteur pour l’évolution de la société, son émancipation et son développement. Voilà également et surtout pourquoi la question a toujours été évoquée et fortement soulignée par le Souverain dans ses discours adressés à la nation, depuis son accession au Trône.

«Notre attachement à cette option sociale découle de notre conviction que la dignité est bafouée davantage du fait de l’analphabétisme que de la pauvreté. D’où notre choix de valoriser les ressources humaines, sachant que le capital humain est le levier du développement et la source des richesses. Il est également le vecteur de transformation et de gestion des autres ressources et de leur intégration au processus de développement. Ceci nous a incité à veiller dès notre accession au Trône de nos glorieux ancêtres à l’élaboration de la Charte nationale de l’éducation et la formation et à l’adoption des premiers textes de loi y afférents», avait annoncé SM le Roi Mohammed VI dans le discours du Trône à l’occasion du première anniversaire de son intronisation le 30 juillet 2000. Six ans plus tard, le 30 juillet 2006, le souverain évoquera également la question avec un rappel de la problématique soulevée et son caractère d’urgence dans ses précédents discours.

«Dans chaque discours que Nous t’avons adressé, Nous avons insisté sur le caractère stratégique et urgent de la question de l’éducation et de la formation. Nous engageons, encore une fois, tous les acteurs sectoriels, les forces vives de la nation et l’ensemble des citoyens qui ont à cœur l’avenir de l’école marocaine, pour qu’ils se mobilisent davantage afin de faire aboutir le processus de réforme du système éducatif et d’aplanir les difficultés qui l’entravent». Cette problématique, toujours présente dans les discours royaux, sera encore rappelée le 20 août 2013. «Nous veillons personnellement à ce que les différentes régions du Royaume disposent des infrastructures, notamment les routes, ainsi que de l’eau, l’électricité, le logement pour les enseignants, les maisons des étudiantes et des étudiants et bien d’autres équipements de base qui viennent compléter l’action du secteur de l’éducation, afin qu’il puisse s’acquitter des nobles missions éducatives et pédagogiques qui lui sont dévolues», avait dit SM le Roi Mohammed VI dans son discours à l’occasion du 60ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple.

Et dans un message adressé aux participants à la journée nationale sur l’enseignement préscolaire, le 18 juillet 2018, le souverain a encore fortement souligné l’importance du secteur de l’éducation, en mettant, cette fois, l’accent sur le préscolaire, tout en rappelant les fondements de la Constitution dans ce sens. «La Constitution du Royaume s’est attachée à consacrer les principes fondamentaux autour desquels s’articule la question de la promotion de l’enseignement. A cet égard, elle souligne que «l’enseignement fondamental est un droit de l’enfant et une obligation de la famille et de l’Etat». Elle stipule aussi que «l’Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des citoyens […] à une éducation moderne, accessible et de qualité». Et dans le dernier discours adressé à l’occasion du 65ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, le 20 août 2018, le souverain a tracé toute une feuille de route pour assurer l’efficience de l’éducation et de la formation. Par ces stratégies, ces rappels et ces orientations, le souverainrappelle ainsi,en tant que Père s’adressant à sa Famille, l’axe fondamental de la bonne conduite et du droit chemin menant la société à sa prospérité.

Déphasage de l’Exécutif

Cependant, on a l’impression que les gouvernements qui se sont succédé sur la gestion de ce secteur n’arrivent toujours pas à concrétiser la feuille de route royale. Ainsi, la charte de l’éducation et de la formation n’a pas donné les résultats escomptés. Le plan d’urgence mis en place avec une  lourde enveloppe budgétaire pour sauver le navire a été lancé sans pour autant sortir le secteur de l’ornière. Ce qui a fait beaucoup de mal au secteur avec un impact négatif sur l’école publique marocaine. La rentrée se limite ainsi à un slogan dont le contenu s’évapore juste après le coup d’envoi officiel.

Des salles avec des effectifs de plus de cinquante élèves dans certains cas. Un manque flagrant d’enseignants. D’autres affectés pour assurer l’apprentissage des apprenants dans des matières qu’ils ne maitrisent pas. Des écoles sans équipements. Des départs à la rentraite sans remplaçants. Un triste constat. Le tableau est noir. Bref, le secteur plonge de plus en plus dans la précarité.  Cette rentrée scolaire 2018-2019, qui aura lieu ce mercredi 5 septembre, démarre sous le slogan de l’urgence? Sauver l’école publique.

A ce propos, le ministère de l’Education nationale propose un nouveau modèle pédagogique, inscrit dans la vision 2015-2030.  Il s’agit notamment de la nouvelle démarche pédagogique, communiquée dans une circulaire datant du 28 août. Le texte parle de généraliser la démarche active dans le cycle primaire de l’enseignement public.En gros, il s’agit de mettre en place concrètement la vision 2015-2030. En plus de la révision des livres scolaires qui se poursuit, la stratégie du ministère préconise le soutien aux langues à travers le renforcement de l’arabe et de l’amazigh. Cette circulaire souligne également l’appui aux langues étrangères et aux connaissances nouvelles comme la sensibilisation aux énergies renouvelables.

Une rentrée, un slogan

Au niveau théorique, le ministère semble être à la page, mais force est de constater que dans les faits on a l’impression qu’il s’agit d’une circulaire d’un autre ministre dans un autre pays. On n’entend et on ne retient que le «cri», alors que l’acte ne suit pas ou du moins pas convenablement. En fait, cette rentrée risque sérieusement d’être perturbée par l’affaire des enseignants contractuels. Après le sit-in observé à Rabat, le gouvernement tente de désamorcer la bombe, en rassurant les protestataires.Lors de sa conférence hebdomadaire, Mustapha El Khalfi, porte-parole du gouvernement, a évité de rentrer dans les détails du projet lorsqu’il a évoqué la nouvelle situation administrative de ces enseignants au niveau des académies régionales de l’éducation et de la formation (AREF). L’ancien ministre de la Communication a fait savoir que les statuts des AREF leur  garantissent la stabilité sociale et professionnelle et leur assurent tous leurs droits sociaux, à l’instar du statut de la fonction publique qu’ils réclament.El Khalfi a reconnu que leur statut actuel de «contractuel» ne leur assure ni stabilité sociale ni professionnelle. «Contrairement à la formule de contrat dans sa première configuration, très fragile, les statuts des AREF offrent plus de stabilité et de garanties», a affirmé le ministre, laissant la porte ouverte à des négociations en vue d’améliorer cette offre.

«Au cas où d’autres problèmes étaient soulevés, le chef du gouvernement examinera le dossier», a-t-il encore précisé, en soulignant la volonté du gouvernement d’agir en vue de promouvoir le secteur. C’est dire que le gouvernement reconnaît explicitement que cette politique de recrutement avait fait mal au secteur. Ainsi, un ministre vient redresser une situation résultant de la politique de son prédécesseur au lieu de s’atteler sur le fond du problème de l’éducation. C’est ainsi que ce secteur patauge. Dans le secteur privé, la situation n’est guerre reluisante. Certains établissements privés ont procédé, sans prévenir, à une augmentation de 25% à 30% des frais d’inscription et de scolarité à dater de cette rentrée.

En attendant la nouvelle loi-cadre, le ministère de tutelle ne peut rien faire. Le ministre ne le sait que fort bien puisqu’il avait, lui-même, manifesté en tant que parent contre cette situation avant de prendre les commandes du département.Il faut dire que le secteur de l’enseignement a besoin de politiques efficientes mettant en œuvre les orientations royales pour mener à bon port le secteur. Autrement, on restera dans les urgences avec des plans d’urgence ayant déjà montré leurs limites.

Belkassem Amenzou

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