Un siècle sur la politique sportive nationale

La bibliothèque sportive nationale vient d’être enrichie. Une nouvelle parution qui traite principalement de la politique sportive nationale durant un siècle (1912 – 2012) a récemment vu le jour. L’artisan de ce nouveau né n’est autre que notre confrère, Moncef El Yazghi, auteur de plusieurs ouvrages sur le sport au Maroc et chercheur en politique du sport. A cette occasion, nous l’avons contacté pour nous donner plus d’éclaircissements sur le contenu de son livre.

Al Bayane : Tout d’abord,pouvez-vous nous présenter votre nouvelle parution : «Un siècle sur la politique sportive nationale»?

Moncef El Yazghi : Ce livre de 646 pages se veut une thèse pour l’obtention du doctorat des sciences politiques et du droit constitutionnel de la Faculté des droits à Casablanca.Ce livre fait partie de la série BOOSPORT que je dirige et qui vient après la publication de plusieurs ouvrages dont la (Makhzanisation) du sport au Maroc (avec le football comme exemple) en 2006, la loi du sport en 2011 et le hooliganisme dans les stades en 2013.

Ce livre comprend également une documentation historique de la période d’avant l’Indépendance portant sur le volet de la gouvernance du sport, soit par la résidence française ou par les services chérifiens relevant du Palais Sultanien, en passant par plusieurs mesures de la gouvernance politique et gouvernementale…jusqu’à la procédure des désignations au sein du ministère de la Jeunesse et des Sports, le Comité National Olympique Marocain, les Fédérations Sportives ainsi que les Associations Sportives et leurs rôles joués dans la société civile puisqu’elles sont plus les proches du citoyen.

Des exemples de la gouvernance politique du sport à travers certains colloques, assises et comités provisoires ont été également exposés par ce livre qui est le premier dans son genre et qui a été élaboré après des efforts ayant duré 14 ans environ…

Peut-on dire que la recherche scientifique en matière de sport reste embryonnaire au Maroc?

Tout simplement, l’Etat ne veut pas assumer sa responsabilité dans ce domaine. Les établissements publics considèrent encore que le chercheur reste un adversaire et non un partenaire. Cela pour diagnostiquer les défaillances  et présenter les solutions. Personnellement, j’ai dû faire le parcours du combattant, j’ai énormément souffert pour avoir les données et les informations venant du ministère de la Jeunesse et des Sports. Cela en plus de l’absence totale de la couverture financière de l’impression ; j’ai contacté plus de 30 établissements publics mais en vain… Pour le moment, une grande partie des ouvrages sportifs relève soit d’une autobiographie ou d’une documentation de l’histoire de certains clubs. Seulement une petite partie est réservée aux ouvrages académiques d’une méthodologique scientifique qui exige un travail dur et colossal de la recherche…

Peut-on sincèrement parler d’une politique sportive nationale…?

Pas de politique sportive nationale au Maroc. Il s’agit seulement d’une gestion quotidienne de la chose sportive avec comme preuve ce qu’on appelle la stratégie du ministère de tutelle qui ne dépasse pas 3 ans et qui est changée juste après pour tout recommencer à zéro. La politique de l’Etat considère le sport comme un souci secondaire. Car le sport n’existait pas dans tous les plans qu’a connus le Maroc depuis 1958. En plus, le soutien financier réservé par le budget général de l’Etat au ministère de tutelle n’a dépassé le taux d’1% que 4 fois depuis 1956. Et dans la plupart des temps, le budget de la gestion dépasse beaucoup plus le budget de l’investissement. Dans l’ensemble, l’Etat n’est pas convaincu que le développement du sport ne peut pas être assuré à travers une politique fédérale (fédérations) ou sectorielle (ministère de tutelle), mais par une politique gouvernementale scientifique afin de tracer une politique générale…

Quelle relation entre le sport et les politiciens…?

 Il n’y a pas un texte de loi interdisant le politicien d’exercer dans le domaine de la gestion du sport au sein du Comité national olympique, les fédérations, les ligues… ou les clubs. La problématique c’est quand on politise le sport pour des fins ou des objectifs qui n’ont rien à voir avec le sport. A tel point que le soutien réservé aux clubs a été interrompu seulement pour cause de clivage entre le président du club et les élus. Par contre, l’implication des politiciens peut être bénéfique pour le sport quand elle est claire et entourée d’une option rentable pour le sport. Sinon, la problématique se perpétue avec ce politicien qui prend le sport comme tremplin afin de servir ses intérêts privés au détriment des intérêts publics… »

Y a-t-il une place pour le sport dans les programmes des partis politiques…?

Cette place dans les programmes des partis politiques reste saisonnière et liée aux échéances électorales. S’il y avait une absence du sport dans les 3 premiers siècles après l’Indépendance, certains partis politiques ont commencé à le mentionner dans leurs programmes lors des années 1990. Je peux dire aussi que lors des trois élections législatives en 2002, 2007 et 2011, j’ai constaté que sur 80 programmes de plusieurs partis politiques ayant participé à ces échéances, 44% ont occulté le sport alors que les autres en ont parlé d’une manière occasionnelle et fortuite. Seuls 5 partis politiques lui ont consacré un espace plus large mais qui reste tronqué par l’absence d’un véritable projet sportif ou d’une politique sportive opérationnelle au cas où ledit parti accède au pouvoir. Le pire aussi, c’est que certains partis oublient leurs programmes sportifs par la suite, ne parlant que de la coalition gouvernementale et les postes ministériels. On donne à titre d’exemple, un parti politique qui a eu le luxe d’être représenté par 5 ministres de la Jeunesse et des Sports au sein des récentes équipes gouvernementales, mais qui n’a pipé aucun mot sur le sport dans son programme électoral de l’année 2011…

Comment voyez-vous l’avenir du sport au Maroc… ?

Tout le monde aspire à un avenir prometteur au Maroc. Mais en l’absence d’une réponse claire de l’Etat sur une question principale : qu’est ce qu’on veut du sport, est-ce un sport compétitif, un sport de masse… ou un sport orienté vers le marché, le débat sur la renaissance du sport en général sera toujours répété, surtout dans les périodes de crises.

La problématique chez nous, c’est qu’on considère encore toute performance hasardeuse comme un exploit du sport national même s’il relève d’une seule discipline. On donne le football comme exemple et on dit souvent que s’il marche bien c’est le sport tout entier qui se trouve sur la bonne voie, à tel point que la qualification en Coupe d’Afrique ou au Mondial est devenue comme l’arbre qui cache la forêt des problèmes de tous les autres sports.

Aussi, il faut lever l’amalgame ou la confusion handicapant notre vision de l’avenir d’une manière objective. Il faut cesser de dire que nous sommes une nation de sport en général et de football, en particulier. Car les chiffres le contredisent bien. Il suffit de rappeler que le nombre de pratiquants dans 48 fédérations sportives ne dépasse par un 1% de la population du Maroc. Et pourtant, les infrastructures sportives affiliées aux collectivités locales et au ministère de tutelle ne répondent pas aux exigences des attentes des pratiquants bien qu’ils sont moins nombreux.

Les chiffres nous disent encore que seule une unité sportive est réservée pour 29 milles personnes alors que le budget général de l’Etat ne dépasse pas 0,7% dans les meilleures conditions.

Voilà qui confirme bien la problématique du sport national qui reste cet orphelin toujours dans l’attente d’une véritable assistance de l’Etat…

Propos recueillis par Rachid Lebchir

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