Sinistrose

Une sinistrose rampante et insidieuse pèse sur l’atmosphère. Elle s’exprime dans les discussions quotidiennes et s’alimente au sein des réseaux sociaux. Il ressort de la publication de comparaisons avec le passé que la société recule avec une prégnance bigote, une violence barbare et une négligence de l’environnement. La putréfaction de la viande du mouton immolé à l’occasion de l’aïd, sans aucune explication convaincante de la part des responsables et des professionnels, a contribuée encore plus à ce sentiment.

Auparavant, la rumeur avait attisé l’attente. Des mesures allaient être prises à des délais annoncés. Passé ce cap, rien ne fût comme prévu par ce tapage insensé dont l’écho se répandait à travers un champ politique en vacance ou presque. On est alors passé à véhiculer l’idée que tout va mal.

Les attitudes de sobriété et de simplicité sont devenues tellement rares qu’elles relèvent du miracle. Par contre, on ne cesse d’être informé sur les manifestations égocentriques pour pavaner, étaler sa richesse, provoquer l’ire du voisinage en faisant crisser les pneus de sa voiture de luxe à des heures indues, dégrader le bien public, user de l’arme blanche pour régler à mort ses comptes avec autrui, violer dans un autobus.Il semble ainsi qu’à Fès, un individu a été entendu par la police pour «contrefaçon» du protocole à l’occasion de l’Aïd !

Paradoxe aussi, car autant la population, à l’échelle individuelle et à tous les niveaux, loue et remercie Allah pour le bien dont elle bénéficie, autant elle estime que la société dans son ensemble se dégrade et se débauche. A regretter les années de plomb et ses hommes à poigne qui en tenaient les rênes. Le désappointement à l’égard de la politique est plus que manifeste. Les positions sont plus tranchées.Si les thèses du complot international fleurissent aussi, la palme revient à «Homo politicomarroqui» qui est la source du mal. Corrompu dans l’âme, il ne pense qu’à lui-même et à ses proches, à se faire enrichir et à préserver sa position là où il se trouve. On est loin des valeurs du sacrifice et du bien commun. La recherche du compromis positif qui permet le changement dans la continuité et par étapes est rejetée ; car, néfaste et non productive. Les extrêmes se renforcent et en leur sein même, la surenchère et la polémique stérile se confortent. Rien ne va !

Dans cette situation d’impasse, il est bon de rappeler le lien dialectique entre démocratie et développement. Et si on ne peut nier que le processus démocratique national est dans une situation de reflux, espérons que son niveau soit au plus bas; il ne peut que remonter pour se développer et évoluer «aujourd’hui plus qu’hier et moins que demain».

Les forces vives de la nation ont le devoir d’accélérer cette reprise pour s’assurer de la mobilisation des masses populaires, de leur enthousiasme et de leur participation. Elles ne peuvent le faire qu’en donnant l’exemple, non dans la pratique de la procédure et la guerre des positions ; mais par la mise en œuvre de la démocratie interne et l’explication des programmes de réforme dont ils sont porteurs. Elles ont en la possibilité puisque les congrès nationaux d’un certain nombre de partis politiques sont programmés pour bientôt ou dans le cours de l’année prochaine.

L’une des approches qui a conduit à la désaffection de l’action politique dans notre pays est sa marchandisation et l’adoption d’une démocratie interne basée beaucoup plus sur le nombre des adhérents que sur leur véritable adhésion politique. Par cette démocratie numérique, des cadres éminents se sont trouvés en marge alors que les nouveaux arrivés, forts de leur nombre, sont devenus les éléments d’une majorité prévaricatrice et malléable. Cette approche est à bannir.

S’occuper des élections pour participer dignement aux institutions ne peut permettre de vouer son existence aux connaisseurs du processus électoral, à ceux qui en ont la compétence et/ou à ses malfrats. C’est là aussi une débauche qui éloigne la consolidation du processus démocratique et encourage l’abstention et la déliquescence des organisations politiques. La représentation populaire est une responsabilité, elle ne peut devenir un objet que l’on peut acquérir par des procédés mafieux et financiers.

Participer à la gestion des affaires publiques devra permettre l’amélioration des conditions de vie de la plus grande majorité de la population et non pas «engraisser encore celles et ceux qui en profitent». De même que la modernité sera celle des masses populaires ou ne sera pas.

Au gouvernement d’agir convenablement pour que le brouillard de la sinistrose se dissipe au plutôt du ciel du plus beau pays du monde.

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