C’est un constat. L’action syndicale est minée de moult dysfonctionnements à bien des égards. Elle est en perte de vitesse sur toute la ligne.
De plus, la structure, qui rejette la nécessité d’insuffler une nouvelle dynamique dans le secteur, serait fatiguée, vieillie et semble épuisée. La nouvelle loi, qui devrait mieux régir le secteur et assurer plus de transparence dans la gestion des finances injectées dans ses circuits de fonctionnement, tarde à voir le jour. Les syndicats rejettent en bloc ce projet de loi et le considèrent comme un instrument permettant au gouvernement de s’ingérer dans les affaires syndicales.
Jusqu’à présent, hormis les subventions de l’Etat consacrée aux élections, les finances des syndicats échappent au contrôle. En fait, les subventions annuelles accordées aux syndicats, qui varient en fonction de leur représentativité, pour assurer leur fonctionnement, ne sont soumises à aucun contrôle, alors que le suivi et le contrôle s’imposent pour garantir et assurer la crédibilité syndicale. Cet état de fait a grandement ouvert la porte à la rente, à la culture et au mythe du «zaïm» qui reste généralement aux commandes de la structure syndicale jusqu’à ce que la maladie ou la mort le détrône. Ce qui a transformé des structures syndicales en coquilles vides qui ne représentent que des éléments qui tirent profit de la culture de la rente, des formules de «disponibilité syndicale», des promotions administratives, en restant à l’abri des contraintes du salariat, de la compétitivité et de la rentabilité au sein de l’entreprise.
Selon des statistiques, les structures syndicales ne représentent qu’environ 5% des travailleurs. Ce qui remet en cause leur légitimité. D’ailleurs, plusieurs mouvements de colère sont aujourd’hui initiés, coordonnés et supervisés par des «coordinations nationales», au moment où les syndicats restent dans l’expectative. Lors des grèves des enseignants contractuels, ayant paralysé le secteur de l’enseignement durant plusieurs semaines au cours de l’année scolaire dernière, les syndicats n’avaient aucune influence pour jouer le rôle d’intermédiaire et trouver des formules pour aboutir à un accord entre les protestataires et le gouvernement. Le constat était le même lors des débrayages des étudiants en médecine. C’est leur coordination nationale qui a maintenu le pouvoir de mener les négociations entre les deux ministères de tutelle, à savoir le département de la Santé et le ministère de l’éducation nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Lors des conjonctures de la cherté des prix, les associations de protection de consommateurs et la coordination nationale, créées dans ce sens, dament le pion aux structures syndicales. Dans les cas des malaises sociaux, notamment dans la ville d’Al Hoceima ou dans la localité de Jerada, les syndicats n’avaient aucun poids pour influencer le cours des événements. Bref, les centrales syndicales ne sont plus comme auparavant l’unique relais en matière de formulation des doléances sociales.
Moukharik : les négociations se poursuivent au niveau sectoriel
En dépit de ce constat, le secrétaire général de l’Union marocaine du travail (UMT) affiche un certain optimisme quant au rôle joué encore par l’action syndicale. «Nous poursuivons le dialogue avec les parties qui désirent dialoguer», a-t-il martelé, en précisant que «les négociations se poursuivent toujours au niveau sectoriel afin d’aboutir à un terrain d’entente entre l’Exécutif et les partenaires sociaux». Aujourd’hui, a-t-il fait savoir, «plusieurs revendications ont été obtenues par l’action syndicale dans certains secteurs socioprofessionnels dans le cadre de la concrétisation de l’accord relatif au dialogue social, alors que dans d’autres secteurs nos attentes ne sont pas entièrement satisfaites». Mais, a-t-il ajouté, l’action syndicale se poursuivra toujours afin de concrétiser les revendications de la classe ouvrière».
Dans ce sillage, le secrétaire général de l’UMT dénonce l’atteinte aux libertés syndicales et les licenciements abusifs des syndicalistes. «Dans la ville de Casablanca, il y a des atteintes aux libertés syndicales. En 2019, nous avons recensé 1507 licenciements dans la capitale économique. En fait, des entreprises mettent à la rue des employés pour leurs activités et appartenance syndicales», a-t-il déploré. Cela, a-t-il regretté, se passe dans l’indifférence des autorités compétentes. Face à cette situation, poursuit le secrétaire général de l’UMT, le mois de décembre a été décrété «mois de la colère» afin d’attirer l’attention des autorités compétentes sur ces comportements qui portent atteinte à la liberté syndicale.
Abdekader Zaïr : le malaise syndical provoqué par la crise économiqueLa crise qui secoue le paysage syndical marocain serait provoquée en grande partie par la crise générale dans laquelle plongent plusieurs secteurs d’activité, estime Abdelkader Zaïr, secrétaire général de la confédération démocratique du travail (CDT). C’est-à-dire que la situation des syndicats est fortement dominée par la situation générale qui prévaut dans le pays. Quand la situation économique du pays est en bonne santé, cela se répercute positivement sur les salariés, le pouvoir d’achat et l’ensemble de la société, a-t-il fait remarquer. Au sujet des «coordinations nationales», qui supplantent les centrales syndicales en mobilisant des catégories professionnelles pour des grèves et des mouvements de colère, le successeur de Noubir Amaoui a fait savoir que ce phénomène relève également de la crise générale qui secoue plusieurs secteurs d’activité et le sentiment de méfiance généré à l’égard des institutions du pays, pas uniquement les syndicats.
A propos du Projet de loi organique sur le droit de grève, «nous pensons que nous devons opter pour un consensus comme nous avons procédé lors de la mise en place du code du travail», a-t-il formulé. La CDT avait formellement rejeté ce Projet de loi organique sur le droit de grève, tel que préparé par le ministère de l’Emploi et de l’Insertion professionnelle avant le remaniement gouvernemental. La centrale avait critiqué l’ »approche unilatérale » dans la rédaction du texte.
Abdelilah Halouti : la perte de confiance dans l’action syndicale est un signal inquiétant
Le
secrétaire général de l’UNTM, Abdelilah Halouti, a estimé que la perte de
confiance dans l’action politique et syndicale est «un indicateur et un signal
inquiétants», mettant en garde que la dégradation du rôle de l’intermédiation
«peut conduire à des catastrophes pour la société».
Les syndicalistes «restent très attachés au
maintien de la relation de confiance avec le citoyen, en vue de contribuer à la
concrétisation d’un développement global véritable, à la création des
conditions propices à l’investissement et à la promotion de l’emploi», a
souligné le secrétaire général de l’UNTM, qui s’exprimait le 14 décembre
dernier en ouverture du septième Congrès national de l’Union nationale du
travail au Maroc (UNTM).
El Othmani : réhabiliter la confiance des citoyens dans les corps intermédiaires
Lors du même congrès, le chef de gouvernement Saad Dine El Otmani, a considéré, samedi à Bouznika, qu’il est «crucial» de réhabiliter la confiance des citoyens dans les corps intermédiaires, essentiellement les organisations politiques, syndicales et associatives.
La confiance dans ces entités est «la pierre angulaire» d’une vie publique fructueuse et saine, a relevé M. El Otmani, secrétaire général du Parti de la Justice et du Développement (PJD).
Pour ce faire, il a insisté sur la nécessité de faire montre de «sincérité et de rectitude» pour le détenteur de toute autorité morale, qu’il soit responsable gouvernemental, syndicaliste ou acteur politique appartenant tant à la majorité qu’à l’opposition.
Ils doivent, tout aussi, «transmettre l’espoir et des sentiments positifs au citoyen, qui a besoin qu’on lui envoie des signaux sur la possibilité de réformer et de parvenir à des solutions», a relevé le chef de gouvernement. «Il est de notre devoir d’écouter, de chercher à saisir les aspirations des citoyens, de maintenir le dialogue avec eux et de se hisser à la hauteur des exigences de l’instant», a-t-il dit.
Il s’est dit «conscient de l’énormité aussi bien des attentes que des déficits, mais cela n’empêche de reconnaître les réalisations majeures accomplies par notre pays, grâce à l’engagement de l’ensemble des partenaires».
Belkassem Amenzou