Un visionnaire nommé Cheikh Zayed

Interview de Gilbert Sinoué

Propos recueillis par Abdelhak Najib

Gilbert Sinoué signe un nouveau roman de toute beauté en racontant la vie d’une des plus grandes figures du monde arabe, le Cheikh Zayed. Le faucon est une œuvre humaine et profonde.

Le Faucon, votre roman qui raconte une histoire pleine d’humanité sur l’une des figures arabes les plus emblématiques, Cheikh Zayed, est un grand succès. Parlez-nous de la genèse de ce nouveau livre ?

Gilbert Sinoué : J’ai découvert le personnage lors de déplacements dans les Émirats, dont le premier il y a environ 15 ans. Par la suite j’y suis souvent retourné, et à chaque fois ma curiosité n’a fait que grandir. J’ai donc commencé à m’interroger. J’ai beaucoup lu. Et, à mon grand étonnement j’ai découvert un dirigeant, mais aussi un homme, tout à fait hors du commun. Un homme que l’on pourrait sans risquer d’exagérer à Churchill ou de Gaulle. J’ai donc eu l’envie de rédiger sa biographie, mais une biographie romancée. Un pari qui n’était pas gagné d’avance étant donné le côté sacré lié à la personnalité du Cheikh Zayed. J’en ai parlé à mon éditeur qui a soumis l’idée à un homme exceptionnel. Sans lui jamais je n’aurais pu réaliser ce projet. Il s’agit de Son Excellence le Dr Ali bin Tamim, président du centre de langue arabe d’Abu Dhabi. C’est aussi, et j’allais dire, surtout, un immense poète. Il mériterait le prix Nobel si seulement ses poèmes étaient mieux connus en Occident. C’est lui qui m’a donné tous les moyens de rédiger cette biographie. Et il a pris un risque ne sachant pas ce que le résultat allait donner. Je ne le remercierais jamais assez.

Pour raconter en roman la vie d’un homme de l’envergure de Cheikh Zayed, il faut une profonde recherche doublée d’une grande connaissance de ce grand homme d’État. Parlez-nous de l’homme derrière l’Émir ?

Je vous mentirais si je tentais d’arrondir ses qualités. C’était un avant un visionnaire. Un faiseur de miracles qui a réussi en quelques années, une quarantaine, à faire jaillir du désert, non seulement une ville (Abu Dhabi) mais aussi à fonder une nation. Les Émirats arabes unis, c’est lui. Il est parvenu à unifier sept Émirats (chacune avec ses caractéristiques propres) sous le même drapeau, le même hymne, la même défense militaire, la même monnaie. Ce que nous tentons en vain d’accomplir en Europe.

Qu’est-ce qui vous a touché dans la vie et le parcours de cette grande figure du Moyen Orient pour en faire le personnage central de votre roman ?

Son incommensurable générosité, sa tolérance à l’égard des religions, sa passion pour la Culture, le rôle majeur qu’il a accordé aux femmes. Aujourd’hui, à la différence d’un pays comme le Qatar obnubilé par le football, lui a tout misé sur l’éducation ; celle des filles et des garçons. C’est prodigieux dans cette région du monde où l’on ne pense qu’à s’entredéchirer.

Cheikh Zayed a transformé le désert pour en faire une place forte de la finance, des arts et de la culture. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur les grandes mutations des pays du Golfe ?

Je vous répondrais par une critique que l’on m’a faite : « C’était facile, il avait d’énormes moyens financiers ». Certes. Mais qu’on fait les pays qui possédaient à quelque chose près les mêmes moyens ? Regardez ce qu’a accompli Kadhafi avec son pétrole. Et Saddam Hussein ? Et même la Russie qui, au lieu de s’ouvrir au monde, gaspille ses immenses ressources pour essayer de recréer un empire défunt.

Comment avez-vous pu accéder à des informations, des archives, liées à Cheikh Zayed ?

Je le redis : grâce à cet homme rare qu’est le Dr Ali bin Tamim. Il m’a ouvert les portes, il m’a même permis de rencontrer lors d’un Diwan, le fils de Cheikh Zayed, Son Excellence Mohammed ben Zayed Al Nahyane. Je dois dire que j’ai eu beaucoup de chance !

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