«Zéro Mika», un après…

«Zéro Mika» souffle sa première bougie. L’opération, initiée en 2016, à quelques mois de la COP22, pour éradiquer l’usage des sacs en plastique au Royaume, a-t-il réellement bousculé les habitudes et le quotidien des Marocains? Un an après, que sont devenus les fameux «Mika»? Quid des entreprises jadis spécialisées dans la production des sacs en plastique?

Il y’a un an, la Coalition marocaine pour la Justice Climatique (CMJC) lançait la vaste campagne «Zéro Mika» pour pousser les Marocains à changer leurs habitudes. A la veille de l’entrée en vigueur de la loi 77-15 interdisant les sacs en plastique, la Coalition avait diffusé des spots et capsules publicitaires pour sensibiliser les Marocains à utiliser des alternatives aux sachets en plastiques: des couffins, des paniers en palmier et en osier… Un an plus tard, quel bilan peut-on en faire?

Pour peu que l’on fasse un tour dans un supermarché, une épicerie et même dans les souks, le constat saute à l’œil. Les habitudes ont changé. Si au début, la population ripostait ouvertement contre l’interdiction de l’usage des sacs en plastique, au fil du temps, la loi semble être passée. Désormais, les Marocains sortent, munis de leurs sacs réutilisables ou encore de leurs caddies ou couffins, pour faire leurs emplettes. Si dès l’entrée en vigueur de la loi, les gens manifestaient leur mécontentement face aux prix pratiqués par les supermarchés pour l’achat des sacs réutilisables, 1H, 3DH, aujourd’hui, l’achat d’un sac réutilisable dans un supermarché est devenu une habitude. D’ailleurs, ils sont nombreux à garder ces sacs et à les réutiliser quand ils vont faire leurs courses. «J’ai acheté un sac réutilisable que je garde constamment dans mon sac, au cas où il m’arrive de faire des courses. J’en ai marre d’acheter des sacs chaque fois. C’est vrai que ça coût un dirham, mais à la longue c’est cher», nous confie une jeune femme.

Dès l’entrée en vigueur de la loi 77-15, les grandes surfaces, les supermarchés et les épiceries ont aussitôt mis fin aux sacs en plastique, en commercialisant des sacs réutilisables au prix de 1 DH et 3 DH. Certaines épiceries ont adapté leurs habitudes et utilisent désormais des sachets en papier pour emballer la marchandise de leurs clients. Si dans les grandes surfaces et quelques épiceries, on ne retrouve plus les sacs en plastique, dans certains souks, comme à  Al alia, à Mohammedia, certains commerçants utilisent d’anciens sacs plastiques portant les logos de supermarchés de la place. Dans certains souks, comme à Ibn Tachfine, le «Mika» règne encore en roi. Il a du mal à disparaitre. Les commerçants n’hésitent pas à emballer la marchandise dans des sacs en plastique, qui continuent à circuler sur le marché, malgré de vastes opérations de ramassage et d’éradication des sacs en plastique.

Et pour cause, les sacs en plastique continuent d’être détournés. On assiste à une distribution clandestine des sacs plastiques, surtout dans des secteurs de commerce non organisés et informels, comme les souks, les épiceries… Conséquence de ce laxisme de certains commerçants quant à l’usage des sacs plastique : certaines personnes n’ont pas toujours intégré l’interdiction du sac en plastique, comme cette jeune femme, rencontrée à Mohammedia, qui ne se rend compte qu’en route, en allant dans un supermarché qu’elle a oublié de prendre un sac. «Jai encore oublié de prendre un sac pour faire mes courses. Ce qui veut dire que je vais devoir encore acheter un sac à 1DH. Je crois que je vais tenir mes courses à la main», nous confie t’elle.

En dépit de la production et de l’existence de circuits de distribution clandestins, le ministère l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Economie numérique juge le bilan de cette première année «encourageant». Dans un communiqué, il avance que «ce bilan conforte la démarche déployée en vue de l’éradication totale des sacs interdits dont l’usage est encore relevé dans certains segments non organisés». Malgré la circulation frauduleuse des sacs en plastique, le ministère estime qu’une «nouvelle culture s’installe au Maroc», celle de vivre sans sacs en plastique. Ainsi, dans son communiqué, il appelle à un changement de comportement collectif et à une responsabilisation des citoyens par rapport à ce problème environnemental.

Le ministère de l’industrie dresse son bilan

 Après s’être débarrassé des sacs noirs en 2010, le Maroc a interdit la commercialisation, l’importation, l’exportation et l’utilisation des sacs en plastique en 2015. La loi 77-15 interdisant les sacs en plastique a été publiée au Bulletin Officiel le 14 décembre 2015 et est entrée en vigueur en juillet 2016. Selon le ministère, depuis le 1er juillet 2016, ce sont 2445 opérations de contrôle qui ont été menées au niveau des unités industrielles et 430 529 opérations de sensibilisation et de contrôle qui ont été effectuées au niveau des points de vente. Par ailleurs, 11 142 infractions ont été relevées et 1800 PV ont été transmis au parquet. Ce qui a permis de saisir 456 tonnes de sacs interdits et 53 tonnes de sacs de contrebande au niveau des postes de frontières et sur certains axes. Au total, ce sont 562 jugements qui ont été prononcés avec des amendes de 4,5 MDH à verser. A en croire le communiqué du département de Moulay Hafid Elalamy, l’entrée en vigueur de la loi a été marquée par le ramassage de 6.800  tonnes de sacs plastiques qui ont incinérées dans des fours de cimenteries, en collaboration avec l’Association Professionnelle des  Cimentiers.

En plus de la loi 77-15, plusieurs arrêtés et décrets ont été adoptés au cours de la première année de mise en œuvre de ladite loi, entre autres des arrêtés sur les caractéristiques techniques des sacs autorisés (sacs industriels, sacs poubelle et de congélation », pour éviter leur détournement…

Vers une révolution verte ?

Aussitôt après la publication de la loi 77-15, la problématique de la reconversion des entreprises spécialisées dans les sacs en plastique s’est posée. Ainsi, le ministère de l’Industrie a mobilisé un fonds de 200 millions de DH pour le financement et l’accompagnement à la reconversion des entreprises dont plus de 30% du chiffres d’affaires était réalisé dans la production de sacs en plastique interdits par  la loi. Ce fonds, relève le ministère dans son communiqué, a permis d’accompagner 24 entreprises impactées par la Loi 77-15. Celles-ci ont ainsi pu maintenir leurs effectifs et créer 640 nouveaux emplois. L’appui financier octroyé à ces entreprises était de 64,7 millions de DH, souligne le communiqué du ministère. En parallèle à l’accompagnement des entreprises, l’accroissement du besoin en solutions alternatives aux sacs plastique a permis l’émergence de nouvelles filières. Une année après l’éradication des sacs en plastique, ce sont 57 entreprises qui produisent des solutions alternatives avec une capacité annuelle d’un milliard de sacs tissés, 1,8 milliard de sacs non tissés, 8 milliards de sacs en papier et 1000 tonnes de produits de thermoformage.

Si le Maroc a fait un pas en avant en matière de protection environnementale, en promulguant la loi 77-15, aujourd’hui, il est nécessaire de renforcer le contrôle pour que les sacs en plastique ne soient plus détournés sur le marché. D’ailleurs, en janvier dernier, le ministère de l’Industrie a annoncé qu’un projet d’arrêté était en cours pour empêcher le circuit clandestin des sacs en plastique et pour rendre leurs possibilités de commercialisations nulles.

Danielle Engolo

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