L’Ecole des arts et métiers de Tétouan
Par: Sanae EL OUAHABI -.MAP
Imprégnée d’art et de culture, l’Ecole des arts et métiers nationaux de Tétouan constitue une merveille historique, qui s’est mise, depuis plus de 100 ans, au service de la promotion de la créativité, et de la sauvegarde et la transmission de l’héritage culturel et artistique maroco-andalou aux futures générations.
Situé en face de Bab El Okla, l’une des sept portes historiques de la Médina de Tétouan, ce prestigieux édifice se distingue par sa beauté architecturale de style andalou-mauresque, qui témoigne d’une époque faste de l’artisanat tétouanais où coexistaient des artisans juifs, musulmans et espagnols.
Créée en 1919 au temps de l’occupation espagnole et considérée depuis comme un établissement de formation unique en son genre, l’Ecole des arts et métiers, autrement appelée Dar Sanaâ, avait pour mission la préservation du patrimoine artistique andalou-mauresque, et a réussi au fil du temps donner à la ville une grande réputation dans les traditions artisanales au Maroc.
Cette structure, chargée d’histoire et de chaleur humaine émanant des créations élaborées avec soin et originalité par les artisans, qui meublent cet espace inscrit dans l’histoire contemporaine du Royaume, se distingue, à l’échelle nationale, par la manière dont elle assure la sauvegarde et la transmission de ce savoir-faire ancestral aux jeunes élèves, grâce à l’apport précieux des « Maâlems » qui participent corps et âme à l’essor de différents métiers traditionnels.
Cet édifice historique et traditionnel est composé de trois bâtiments se présentant sous forme d’une galerie d’exposition permanente, qui comporte les meilleures productions artisanales, ainsi que les trophées et prix de distinction marquant les grands exploits remportés par les élèves de l’Ecole.
Entouré d’un beau jardin doté d’une végétation luxuriante et d’une magnifique fontaine, cet établissement comporte également une administration, une bibliothèque, des galeries d’expositions, dont celle de Mariano Bertuchi et l’espace muséal de Hadj Abdeslam Bennouna, et des ateliers d’apprentissage dans plusieurs métiers d’artisanat, ainsi que l’espace Sidi Al Mandri des arts et du patrimoine, créé dans le cadre du programme de coopération internationale pour le développement entre le ministère de la Culture et le gouvernement de la région d’Andalousie.
Dans une déclaration à la MAP, le directeur provincial de la Culture de Tétouan, Ahmed Yeaalaoui, a souligné que cette Ecole prestigieuse joue, depuis sa création en 1919, un rôle important dans la formation des jeunes originaires de la ville de Tétouan et des régions avoisinantes dans les métiers de l’artisanat, en particulier ceux en voie de disparition, afin de préserver ces métiers et encourager les nouvelles générations à s’investir davantage dans l’art artisanal et à contribuer à la préservation des différentes traditions artistiques qui caractérisent la ville de la Colombe banche et font la fierté de ses habitants.
Les « apprentis-artisans » que l’établissement accueille, continuent à être formés, selon les techniques séculaires, aux différents métiers d’artisanat, a-t-il fait savoir, notant que les élèves, dont la majorité sont ceux ayant abandonné les bancs de l’école, bénéficient d’une formation gratuite sur quatre ans, à même de les doter d’une formation professionnelle diplômante, renforcer leurs compétences et faciliter leur insertion future dans le marché du travail.
L’Ecole dispose de plusieurs ateliers d’artisanat, dont la poterie, la céramique, le plâtre, le fer forgé et la broderie, ainsi que le bois incrusté et sculpté, qui sont encadrés par des maitres-artisans doués, s’efforçant de transmettre leur savoir-faire aux élèves, et à leur inculquer les méthodes de travail et l’amour de ces métiers, a relevé M. Yeaalaoui, directeur de l’établissement par intérim.
« En dépit de quelques difficultés, liées notamment au manque du personnel encadrant en raison du départ à la retraite de plusieurs maitres-artisans, sans qu’ils soient remplacés, l’établissement s’emploie, au quotidien, à transmettre le savoir-faire artisanal tétouanais aux nouvelles générations », a-t-il insisté, précisant que cette situation a provoqué la fermeture temporaire de certains ateliers, comme ceux de tissage, de tapisserie et de cuir doré, ce qui nécessite, selon lui, de donner une chance à la jeune génération, en particulier les lauréats de l’Ecole qui ont tant à donner.
A chaque année scolaire plus de 100 élèves suivent des cours dans les différentes disciplines, telles que la menuiserie, la broderie, la céramique traditionnelle (zellige tétouanais), le plâtre et la ferronnerie, a fait savoir M. Yeaalaoui, notant que le nombre d’élèves inscrits cette année dans l’établissement s’élève à environ 76, qui sont répartis en deux groupes sur les différents ateliers, en raison de la pandémie de la Covid-19.
En plus de sa vocation première de formation, l’Ecole des arts et métiers contribue activement à l’animation culturelle de la ville de Tétouan, en abritant, tout au long de l’année, des activités artistiques, des conférences, des lectures poétiques et des cérémonies de signature de livres, et ce en coordination avec les acteurs de la société civile, a-t-il ajouté, notant que cette structure constitue un espace muséal par excellence, comportant une galerie d’exposition permanente où sont étalés plusieurs anciens objets d’artisanat, d’une technicité artistique exceptionnelle, élaborés d’une main de maitre par les élèves de l’Ecole et leurs encadrants.
Le responsable a aussi mis en avant le rôle important que joue l’Ecole dans la promotion du rayonnement culturel de Tétouan aux niveaux national et international, évoquant la participation de l’établissement à de grandes manifestations culturelles et artistiques au Maroc et à l’étranger, dont la semaine culturelle du Maroc au Bahreïn en 2002, et la 5ème Rencontre des arts islamiques au Koweït (2011), ainsi que plusieurs expositions tenues à Madrid, Barcelone, Grenade et à Malaga en Espagne.
Le stand de l’Ecole a remporté le Grand prix de l’exposition ibéro-américaine qui s’est tenue à Séville en 1929, a-t-il dit non sans un brin de fierté, soulignant que les visiteurs de l’Ecole ne peuvent qu’être séduits par la beauté de son architecture et les oeuvres d’art qui y sont exposées, montrant le grand savoir-faire des artisans marocains.
Yeaalaoui a tenu, par ailleurs, à souligner l’impératif de renforcer les moyens financiers et humains mis à la disposition de l’Ecole, à même de soutenir l’encadrement et d’encourager les élèves à parfaire leur formation, rappelant que la ville de Tétouan faisait partie, depuis 2017, du réseau des villes créatives de l’UNESCO, grâce à ses monuments historiques, ses traditions et civilisation, son héritage arabo-andalou et son tissu culturel distingué, parmi lequel l’Ecole occupe une place particulière.
Pour sa part, l’encadrant de l’atelier de « Ferronnerie artistique », Mohammed El Khanchouf, a souligné que l’Ecole œuvre à transmettre le savoir-faire artisanal tétouanais aux jeunes générations et à aider les apprentis-artisans à découvrir et à forger leurs talents, ainsi qu’à développer leur esprit de créativité, afin qu’ils puissent prendre la relève comme il se doit, et contribuer activement à la préservation du patrimoine artisanal marocain, en particulier les métiers d’artisanat menacés de disparition.
Hatim Faouaj, un élève de l’atelier de ferronnerie, a affirmé que l’établissement lui a donné l’occasion de renforcer ses connaissances et compétences dans ce domaine qui le passionne tant, ainsi que de développer son sens de créativité, afin qu’il puisse maitriser parfaitement les techniques de la ferronnerie artistique et réaliser son rêve de faire carrière dans cette spécialité.
A l’occasion de la célébration de la fin de chaque année scolaire, l’Ecole organise un concours spécial avec la remise des prix et cadeaux aux Maâlems et élèves méritants, qui ont réalisé les meilleures productions artistiques. Plus qu’un établissement de formation, l’Ecole des arts et métiers de Tétouan constitue un véritable musée vivant, renfermant de grands trésors qui ne laissent pas indifférents les férus de l’histoire et de l’art artisanal.