Les propositions de Jouahri pour un nouveau modèle de développement

Le wali de Bank Al-Maghrib ne cesse de le rappeler : la croissance continue d’être rythmée par les conditions climatiques. Dans son rapport annuel sur la situation économique en 2015, présenté vendredi dernier au Souverain, Abdellatif Jaouhri a indiqué que le Maroc doit le taux de croissance de 4,5% enregistré en 2015 à la performance du secteur agricole.

Les autres secteurs affichent un rythme de croissance plus lentétant restée limitée à 2,1% depuis 2013, contre une moyenne de 4,7% entre 2003 et 2012. Par branche, l’activité en 2015 s’est contractée dans l’industrie minière et le tourisme, a ralenti dans les secteurs non marchands et dans le BTP et s’est accélérée dans l’industrie de transformation. Or, «ce rythme de progression de la valeur ajoutée des secteurs non agricoles n’a pas manqué d’impacter le marché du travail», a-t-il déploré. En effet, l’économie nationale n’a généré que 33.000 emplois en 2015. Le rapport de la Banque centrale pointe ainsi une décélération du rythme de création d’emplois qui avaient atteint 129.000 postes en moyenne entre 2003 et 2014.

Face à cette situation, le wali de BAM s’est interrogé sur la capacité du modèle de développement du Maroc à continuer à répondre aux besoins et aux aspirations des citoyens. Pour le banquier central, «il est nécessaire d’adopter une nouvelle approche dans l’élaboration des politiques publiques plaçant le capital immatériel au centre des priorités». Ce qui nécessite une refonte du modèle de développement actuel. Surtout que «ce modèle, basé sur la demande intérieure comme moteur de la croissance, a montré ses limites». Outre la faiblesse de la croissance et de la création d’emplois, «la sensible détérioration des déficits jumeaux, l’aggravation du niveau d’endettement et la persistance d’un faible niveau de compétitivité de notre tissu productif sont autant de signes de fragilité qui refléteraient l’essoufflement de ce modèle». Devant le Souverain, Abdellatif Jouahri a donné le ton aux inspecteurs des Finances qui planchent depuis juin dernier sur la mise en place d’un nouveau modèle de développement. Pour lui, «il est nécessaire de s’orienter vers l’adoption de la planification stratégique en tant qu’approche assurant une vision globale et cohérente». Le but est de prioriser les objectifs et d’optimiser l’utilisation des ressources. Jouahri mise surtout sur l’industrialisation, appelant à la mettre au centre des politiques publiques. L’idée est de ne pas se contenter des stratégies sectorielles dont les résultats restent contrastés, comme l’indique le rapport de BAM. Pour Jouahri, les effets d’entrainement des métiers mondiaux du Maroc, notamment l’automobile, sur l’économie nationale demeurent limités, ne permettant pas de doper le PIB industriel. Les écosystèmes développés par le  ministère de l’Industrie devraient permettre d’accélérer la performance de ces secteurs. Mais il faudra que «les objectifs assignés à ces écosystèmes se matérialisent dans des délais raisonnables», prévient BAM.

Outre la refonte du modèle de développement, le gouverneur de la Banque centrale a également insisté sur la nécessité d’adopter une transition graduelle vers la flexibilité du régime de change. L’objectif de renforcer la capacité de l’économie à absorber les chocs extérieurs, tout en donnant un signal de confiance aux partenaires extérieurs. Une telle approche est de nature à permettre aux opérateurs de disposer de délais suffisants pour s’adapter progressivement à un environnement plus exigeant et pour développer la capacité et le savoir-faire nécessaires. Selon Jouahri, cette transition permettra également à la politique monétaire d’opérer le passage au ciblage d’inflation, rehaussant ainsi sa contribution au développement économique. Cela permettra en fait de renforcer l’autonomie de la politique monétaire et d’améliorer la transmission des décisions de la Banque centrale à l’économie réelle. Avec cette mesure, Bank Al-Maghrib pourra ainsi opérer le passage au ciblage d’inflation, ce qui lui permettra de mieux ancrer les anticipations et de rehausser sa contribution au développement économique.

Hajar Benezha

Les IDE et les dons du CCG à l’origine de l’allégement du déficit 

En matière d’équilibres macroéconomiques, le wali de BAM a affirmé que la situation a poursuivi son amélioration, favorisée notamment par le repli des cours des produits énergétiques, l’afflux important d’investissements directs étrangers ainsi que par les rentrées de dons des partenaires du Conseil de coopération du Golfe. Ce qui a favorisé un allègement  du déficit budgétaire établi à 4,4% du PIB et du déficit du compte courant à 2,2% du PIB, contribuant ainsi à une hausse sensible des réserves de change. Toutefois, le wali de BAM a mis en garde contre la croissance des dépenses d’investissement, qui ont dépassé de près de 20% le montant programmé. Dans ces conditions, «l’endettement public a continué sa tendance haussière, le ratio de la dette du Trésor au PIB ayant augmenté à 64,1% et celui de la dette publique à 80,4%».
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