Le 2 décembre, le monde entier célèbre la «Journée Internationale pour l’Abolition de l’Esclavage». Mais, que signifie une telle commémoration s’il y a déjà longtemps que l’esclavage avait, semble-t-il, été aboli?
Bien que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme stipule expressément en son Article 4 que «nul ne sera tenu en esclavage ou en servitude (et) que l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes», l’esclavage est toujours là, plus subtil, certes et plus nuancé que celui qui était concrétisé par la traite des noirs mais plus sournois encore que celui qui avait fait traverser l’Atlantique à des milliers d’africains – hommes, femmes et enfants – entassés pieds et poings liés dans des cales de bateaux. L’esclavage d’aujourd’hui, est encore plus sordide et plus abject que l’ancien car, s’il ne dit pas toujours son nom, il sévit sous les masques les plus divers.
Ainsi, selon l’Organisation des Nations-Unies, «à tout instant dans le monde, 2,4 millions de personnes victimes de la traite sont soumises au travail forcé. Les femmes et les filles représentent 80% et les enfants entre 15 et 20 % des victimes. La traite des enfants a lieu dans toutes les régions du monde. Dans certains pays, c’est la forme de traite la plus courante».
D’après Europol, pour la seule année qui s’achève, la traite des êtres humains aurait engrangé près de 6 milliards d’Euros ; les principales victimes étant les réfugiés fuyant les zones de conflit notamment l’Irak et la Syrie.
Dans un rapport bien accablant Kristina Kangaspunta, directrice de l’UNODC, Agence onusienne contre la drogue et le crime, avance que «les femmes sont plus particulièrement victimes de l’exploitation sexuelle. 72% des femmes victimes du trafic d’êtres humains sont exploitées sexuellement. 20% sont des travailleuses forcées».
Abordant, pour sa part, les souffrances infligées à la communauté yézidie en Irak par l’Organisation terroriste Etat Islamique, la militante Nadia Murad qui est parvenue, au péril de sa vie, à échapper à ses tortionnaires déclare que «l’une des stratégies du génocide était l’esclavage systématique des femmes, des filles et des enfants yézidis. Plus de 6000 d’entre eux ont subi l’esclavage. Les femmes yézidis servait d’objets sans valeur pour assouvir les fantasmes les plus malsains des jihadistes».
Mais même s’ils restent, néanmoins, les principaux pourvoyeurs en «esclaves», les pays en guerre ne sont pas les seuls concernés puisqu’en Europe orientale et en Asie centrale, les enfants représentent 8% du trafic alors qu’en Afrique subsaharienne ils constituent, tout de même, 60% du trafic global.
Ainsi, en ce début du 21ème siècle, non seulement l’esclavage que nous croyions révolu persiste mais il revêt ces multiples visages qui sont le travail forcé, le mariage forcé, le trafic de personnes et d’organes, l’enrôlement d’enfants-soldats, l’exploitation sexuelle voire même la vente des femmes, des jeunes filles et même des enfants et tant d’autres formes encore qu’il serait trop fastidieux de dénombrer ici et dont la liste resterait incomplète dès lors que chaque jour cette incongruité qui a pour nom esclavage se manifeste, ici ou là, sous une forme inconnue, insoupçonnée…
Rappelons, enfin, pour terminer, que pour se prémunir contre ce phénomène, le Maroc a adopté le 30/04/2015 le projet de loi 27-14 qui vise à réprimer, prévenir et punir la traite des êtres humains ; un texte qui comprend des condamnations ainsi qu’une procédure, qui comporte des dispositions relatives aux mesures institutionnelles nécessaires à la lutte contre ce phénomène et qui prévoit la création d’une commission consultative qui fera au Chef du Gouvernement toutes les propositions requises pour lutter contre la traite des êtres humains.
Nabil El Bousaadi