«Aujourd’hui, le contenu qui n’est pas à la hauteur des avancées technologiques»

M’hamed El Boukili compte parmi les figures historique du paysage audiovisuel marocain. Journaliste et présentateur d’émissions à la radio nationale, Si El Boukili a à son compteur des décennies d’expériences et a été le témoin privilégié d’évènements. Les organisateurs de cette manifestation, initiée par l’Union de radiodiffusion des Etats arabes, ont salué la richesse du parcours professionnel de M. El Boukili et l’abondance de sa production. M’hamed El Boukili avait rejoint, au début des années 90, la Radio nationale où il a travaillé comme présentateur d’émissions, puis journaliste et producteur. Il a remporté à trois reprises le prix du meilleur producteur d’émissions, avant d’être désigné directeur de la Radio de Tanger de 1994 à 2003 puis Directeur de la Radio nationale. En 2003 et suite à une restructuration de la scène audiovisuelle nationale, il a été nommé directeur des chaînes coraniques (Radio et Télévision Mohammed VI du Saint Coran), un poste qu’il a occupé jusqu’en 2009, avant d’être nommé chargé de mission auprès de la direction de la SNRT. Dans cet entretien, Si M’hamed, homme d’expérience, journaliste chevronné et surtout patriote engagé livre ses impressions sur l’évolution du champ médiatique national et sur le paysage télévisuel.

Al Bayane : Comment voyez-vous le milieu audiovisuel actuel et celui d’antan?

Mohamed Boukili : Le milieu audiovisuel entre hier et aujourd’hui a connu une énorme évolution au niveau technique. Commençons par la radio, en 1928 et ensuite la télévision en 1960. Ce milieu a connu une évolution très remarquable, surtout au niveau de la quantité du contenu vers le début des années 2000.

De nos jours, l’audiovisuel est marqué par l’apparition de plusieurs chaines de télévision, notamment de nombreuses antennes radio. Avec du recul, je me souviens qu’à notre époque, la télévision était limitée à des heures précises. Nous avions uniquement une seule chaine, mais avec les moyens du bord, nous avons présenté durant de longues années un contenu honorable.

Aujourd’hui, au niveau technique, nous avons des technologies plus modernes, le son et l’image ont évolué. De même pour les ressources humaines, on compte des journalistes, des ingénieurs de son, des caméramans etc.… Mais malheureusement avec toute cette évolution et ce développement remarquable, nous sommes face à un contenu qui n’est pas à la hauteur de ce que nous présentions avant. Personnellement, je trouve que sur ce point, nous n’avons absolument pas avancé. Bien au contraire, la situation du champ médiatique au Maroc se dégrade de plus en plus.

Je pense que nous avons accueilli l’ouverture de la radio et de la télévision sur les sociétés étrangères de productions avec de la mauvaise gestion. A mon avis, il était préférable de collaborer avec des gens du métier et non des commerciaux qui cherchent à gagner de l’argent et qui malheureusement, présentent des contenus sans aucune valeur ajoutée.

Je tiens à souligner que la majorité des sociétés de production qui présentent des émissions, des documentaires, des séries etc… à la télévision sont très loin d’avoir un parcours académique et professionnel dans le domaine de l’audiovisuel, ce qui est désolant!

Vous avez passé de longues années dans le milieu de l’audiovisuel, avez-vous pensé à faire de la production?

En effet, en 2005, le gouvernement adonné à de nombreux fonctionnaires dans divers domaines la possibilité du départ volontaire. Chez nous, dans le milieu de l’audiovisuel, la majorité des gens qui ont décidé d’accepter cette offre, voulaient laisser la place et la chance à de nouvelles compétences et plutôt se diriger vers la production puisqu’ils possédaient une grande expérience et étaient mieux placés pour produire un meilleur contenu. Malheureusement, il n’y a eu que quelques discrètes expériences qui ont eu du succès et d’autres qui n’ont pas eu l’environnement nécessaire pour réussir.

Que pensez-vous du cinéma et du théâtre?

Feu Mohammed Hassan Eljoundi disait que : «ceux qui présentent leurs projets et qui passent facilement à la télé, sont ceux qui ont le don de bien écrire les scénarios». Je trouve que cette phrase résume la situation actuelle du cinéma et du théâtre. Malheureusement souvent, ce qui est écrit, n’est pas spécialement ce que l’on présente ! Certes, il y a des œuvres qui méritent l’applaudissement, mais la grande majorité sont sans aucune valeur ajoutée. Et là,  nous revenons à la production qui joue un très grand rôle dans la présentation d’un travail artistique.

Il est à noter que je ne suis pas contre les riches qui veulent invertir dans cette industrie, mais à condition de faire venir des professionnels qui ont leur poids dans le milieu de l’audiovisuel afin de présenter un contenu estimable et respectable surtout. Aujourd’hui, le champ médiatique regorge d’avertissements et de censures, que cela soit pour des émissions ou des films. Cela n’existait pas à notre époque.

Pensez-vous qu’il soit trop tard pour se rattraper?

Il n’est jamais trop tôt ou trop tard pour avancer. Je pense qu’au niveau de la télévision c’est très faisable. La politique qu’adopte le Maroc en matière de création de nouvelles chaines télévisées est très sage. Il n’a pas ouvert les portes à tout le monde, autrement cela aurait été une catastrophe !

Prenons comme exemple les antennes radio, je tiens à préciser que la majorité de ces antennes diffusent des informations erronées et je me base sur des faits réels pour le dire. Je pense qu’en 2017, il est inadmissible de faire venir une personne qui prétend être médecin et lui donner l‘occasion de transmettre de mauvaises informations aux auditeurs qui seront nombreux à les appliquer.

Aujourd’hui, j’ai confiance aux personnes qui dirigent les postes en relation avec ce domaine et j’espère que nous pourrons nous reprendre en main et améliorer le champ médiatique dans le bon sens. Les média représentent leur pays et il ne faut pas oublier que c’est l’image du Maroc qui est véhiculée. A bon entendeur!

Omayma Khtib

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