Démission du président du Pérou

«Face à cette situation difficile qui me fait paraître injustement coupable d’actes que je n’ai pas commis, je pense que le mieux pour le pays est que je démissionne de la présidence de la République».

C’est en ces termes que ce mercredi 21 mars 2018, à la veille d’un probable vote de destitution par le Parlement péruvien, Pedro Pablo Kuczynski, 79 ans, à la tête du Pérou depuis dix-neuf mois, a présenté sa démission après avoir été éclaboussé par un vaste scandale de corruption en lien avec Odebrecht, le célèbre groupe brésilien de B.T.P. qui, en utilisant un procédé assez simple consistant à surfacturer ses travaux et à verser une partie de l’argent perçu aux responsables politiques du pays concerné est devenu, en un temps record, une véritable multinationale de la corruption, une machine à broyer les hommes.

Se déclarant innocent des accusations de corruption « sans preuves» dont il a fait l’objet et qu’il rejette «catégoriquement», PPK qui a tenu, dans sa lettre de démission, à réaffirmer son «engagement pour un Pérou honnête, moral et juste pour tous» considère qu’une «confrontation politique» créerait «un climat d’ingouvernabilité». Aussi, «pour le bien du pays» et pour que la transition du pouvoir puisse se faire «dans le respect de l’ordre constitutionnel», ce dernier a choisi de se dessaisir du pouvoir de sa propre initiative.

Mais, pour comprendre les faits, il faut revenir au 21 décembre dernier quand le président Kuczynski avait été entendu par la justice péruvienne après que «La Republica» ait révélé que le grand groupe brésilien de BTP a déclaré avoir versé, entre 2004 et 2014 près de 4,8 millions de dollars de pots-de-vins à deux sociétés de conseil qui lui sont liées, à savoir,  Westfield Capital et First Capital en contrepartie de contrats de marchés publics. Ayant d’abord nié les faits qui lui sont reprochés, le Président Kuczynski a fini par tout reconnaître et une procédure visant sa destitution a immédiatement été mise en route par le Congrès.

Il y a lieu de rappeler, au passage, que celui que le quotidien économique mexicain «El Economista» appelle le «gouffre Odebrecht» en a fait tomber plus d’un avant que ne vienne le tour de  l’actuel président péruvien. En effet, ses prédécesseurs Alejandro Toledo (2001-2006), en fuite à l’heure actuelle, Alan Garcia (2006-2011) et Ollanta Humala (2011-2016) encore emprisonnés, sont tous tombés dans ce fameux «gouffre». D’autres présidents sud-américains, dont les plus en vue restent, bien entendu, les anciens présidents du Brésil Lulla et Dilma Roussef, ont été également happés «par le tourbillon des alliances douteuses et rémunératrices du géant brésilien du BTP».

Aussi, était-ce pour contrecarrer la procédure visant sa destitution que le Président Kuczynski était parti, à la fin de l’année dernière, chercher  le soutien des partisans du vieux président Alberto Fujimori qui purgeait, depuis 2007,  une peine de 25 années d’emprisonnement pour corruption et crimes contre l’humanité.

Mais si la majorité des péruviens n’était pas contre la libération d’un vieil homme malade alors même que cet élargissement contrevenait aux promesses de campagne du Président Pedro Pablo Kuczynski, ce qui avait été clairement reproché à ce dernier c’était d’avoir «négocié» cette mesure avec les partisans de Fujimori afin de faire barrage à la procédure de destitution qu’il voyait venir mais aussi d’avoir menti à propos de ses liens avec la fameuse entreprise brésilienne précitée.

La crise qui couvait déjà depuis décembre dernier a été accélérée ce mardi lorsque Fuerza Popular a publié des enregistrements audio et vidéo montrant des ministres de l’actuel gouvernement  proposant à des parlementaires de leur octroyer des marchés publics pour qu’ils s’abstiennent de voter la destitution du président ; ce que lesdits responsables ont nié en bloc.

Enfin, dans l’attente de la tenue, en 2021, des prochaines élections présidentielles, c’est  le vice-Président Martin Vizcarra qui sera appelé à occuper le fauteuil présidentiel et qui devra faire face, dans les tous prochains jours, à son premier grand examen ; à savoir, la tenue à Lima à la mi-avril du Sommet des Amériques auquel participeront une trentaine de chefs d’Etat dont le Président Trump qui a confirmé sa venue.

Nabil El Bousaadi

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