A voir, de nos rivages africains de la Méditerranée, le feu ravager la cathédrale de Notre Dame de Paris, on ne peut que ressentir l’immensité de la perte. Une perte pour nous car il s’agit d’une partie de notre patrimoine.
Tout d’abord à travers l’œuvre littéraire de Victor Hugo où le plaidoyer pour la préservation du patrimoine architectural constitue le filigrane du roman dans lequel Notre Dame de Paris constitue le pivot du récit. Puis, à travers la musique et le cinéma qui ont adapté l’œuvre et enfin ; pour celles et ceux qui ont eu la possibilité de visiter le monument, majestueux chef d’œuvre de l’architecture gothique avec la possibilité d’une vue panoramique sur Paris.
Signe des temps, cet incendie intervient à l’approche de la journée internationale des monuments et des sites célébrée sous l’égide de l’UNESCO chaque année. Il faudrait dire que l’église n’est pas à sa première dégradation, elle en a vu d’autres et certainement elle retrouvera sa splendeur très bientôt.
L’émotion est grande, car la puissance du feu et sa grande capacité de dégradation en sont en grande partie responsable. Les intempéries, et surtout l’activité humaine est beaucoup plus sournoise dans la déprédation du patrimoine bâti. Tous les monuments ne sont pas Notre Dame de Paris pour susciter l’intérêt pour sa restauration passée ou actuelle et chaque monument constitue une partie de nous, de notre histoire. Il nous éclairera sur notre vécu et nous inspirera pour l’édification de notre avenir.
Dans notre beau pays riche en sites historiques, Sa Majesté le Roi s’est engagé dans la réalisation de la mise en valeur et la réhabilitation des anciennes médinas pour préserver et valoriser le patrimoine matériel et immatériel du royaume, et «de le protéger au bénéfice des générations futures». L’effort est immense pour préserver la richesse et la diversité de l’identité marocaine. Il exprime la volonté nationale et l’unité du peuple marocain pour consolider l’intégrité territoriale et édifier l’état national démocratique et moderne. Il nécessite aussi une vigilance pour que les uns arrêtent de défaire ce que d’autres ont construit avec patience, efforts et préservation.
Le cas le plus patent est ce qui se passe à El Jadida. Au moment où les Doukkali(e)s se remémorent la 250ème année de l’évacuation des portugais de Mazagan, la libération de Lbrija et la construction au Brésil de Mazagào; une ferronnerie, loin de toute initiative de développement humain, est installée pour occuper l’espace adjacent aux remparts de la Cité portugaise.
Peut-on imaginer un jour, que ce jour n’advienne jamais, que l’esplanade de la Mosquée Hassan ou ses alentours soit transformée en «souika» pour marchands ambulants, escargotiers et autres vendeurs de saucisses grillées et de jus ! Voudrait-on que l’inscription au patrimoine mondial soit retirée à El Jadida que l’on ne s’y prendrait pas autrement. L’Unesco a consigné à ce propos que « la population de la ville s’y sent très impliquée et s’approprie le souci de conservation et d’animation de ce haut lieu d’histoire maroco-portugaise, consciente que ce patrimoine appartient désormais à toute l’humanité». Rien n’a changé depuis lors; et si la sauvegarde de ce patrimoine est une responsabilité collective, il reste aux différentes autorités d’assumer pleinement leur mission.
Toujours dans les rapports de l’Unesco : «La gestion du site est placée sous la responsabilité du ministère des Affaires culturelles (Direction du Patrimoine culturel, Centre du Patrimoine Maroco-Lusitanien, Institut national des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine), des autorités locales (le maire d’El Jadida) chargées des services, des infrastructures et de l’urbanisme, de la préfecture de la Province (coordination et supervision) et du ministère du Tourisme (financement et promotion)». La mémoire des Doukkala ne se laissera pas effacer ni raturer, elle résistera pour le bien de notre présent et au bénéfice des générations futures du royaume. A bon entendeur, salam; aussi dur des portugaises qu’il soit!