La question des prix des moutons domine les discussions au sein des familles déjà éprouvées par l’inflation

Aïd Al Adha

Jamal Eddine Felhi 

A mesure que l’Aïd Al Adha approche, la question des prix des moutons domine les discussions au sein des familles. Et pour cause, la flambée des prix, qui a touché l’ensemble des produits de première nécessité, au cours des deux dernières années, a grandement affecté le pouvoir d’achat de la majorité des Marocains, dont les conditions de vie ne cessent de se dégrader au fil du temps.

A quelque deux semaines de l’Aïd, les prix affichés des moutons varient entre 65 et 75 dirhams le kilo pour les ovins élevés localement, soit une augmentation de 5 à 10 dh, selon les races des moutons, par rapport à l’année dernière qui avait connu, d’ailleurs, une hausse quasi similaire en comparaison avec les prix pratiqués en 2021. En clair, cette année, il faudra dépenser dans les 3000 dirhams pour un mouton n’excédant pas les 50 kilos, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde.

Quant aux prix des ovins importés, notamment d’Espagne, leur prix sur le marché devra avoisiner les 55 à 60 dirhams le kilo, après la décision du gouvernement, encore une fois, d’exonérer leur importation de droits de douane et d’octroyer un soutien à l’importation des ovins destinés à l’abattage, fixé à 500 dirhams par tête, soi-disant pour « assurer la stabilité des prix et préserver le cheptel national ». Une mesure à l’image de celle qu’il avait prise, il y a deux mois, pour les bovins importés du Brésil. D’aucuns, par ailleurs, ne jugent cette mesure suffisante et craignent qu’elle ne bénéficierait tout bonnement aux seuls grands importateurs qui trouveront une nouvelle opportunité d’enrichissement au détriment des poches des citoyens.

Quand on connaît le niveau des salaires au Maroc, on se demande comment les familles pourraient envisager l’achat d’un mouton sans trop de dégâts et, surtout, pouvoir tenir les semaines d’après, sachant que deux mois plus tard c’est la rentrée scolaire et les dépenses qu’elle implique pour tous les parents. Et ce, sans parler des vacances, qui restent un luxe pour un large pan de notre société.

Faut-il renoncer au rituel de l’immolation du mouton de l’Aïd Al Adha à cause de la conjoncture difficile comme ce fut le cas, par le passé, à trois reprises : en 1963, en 1981 et en 1995 ?

Beaucoup de rumeurs ont couru à ce propos avant que le chef de l’exécutif Aziz Akhannouch n’ait mis fin en annonçant, il y a un mois devant les parlementaires, le maintien de la célébration de l’Aïd, allant jusqu’à assurer qu’il sera fêté « comme de coutume pendant les années précédentes, et dans les conditions les meilleures ».

D’un autre côté, il faut reconnaître qu’une annulation de l’Aïd, une fête religieuse, aurait été mal accueillie par les familles marocaines et aussi, pour des raisons économiques, par les éleveurs.

Pour les ménages, malgré la cherté des prix des moutons, la célébration de l’Aïd Al Adha reste très ancrée dans les traditions marocaines et, au-delà de son caractère religieux, comme étant un moment festif et familial par excellence. Certains chefs de famille vont même jusqu’à s’endetter pour l’achat du mouton alors que les organismes de crédit à la consommation multiplient, à l’approche de cet événement, les campagnes publicitaires à l’adresse des fonctionnaires et que plusieurs entreprises ou leurs comités en charge des œuvres sociales proposent à leurs salariés des prêts dont les traites seront prélevées sur leurs salaires pendant plusieurs mois, voire des fois jusqu’au mois précédant le prochain Aïd Al Adha.

Une annulation du rituel n’aurait pas été, non plus, la bienvenue pour les éleveurs qui ont beaucoup investi dans l’engraissement des moutons et comptent, aujourd’hui, sur cet événement pour compenser leurs dépenses bien impactées par les prix exorbitants de l’alimentation du bétail en raison de la sécheresse et de la guerre en Ukraine. Selon les professionnels du secteur, les prix de l’alimentation et des intrants ont connu une augmentation considérable qui a atteint les 40%.

Dans ces conditions, si une minorité d’éleveurs pourraient supporter une annulation de l’Aïd, il n’en est pas de même pour les petits éleveurs. Il faut souligner que Aïd Al Adha est une occasion à laquelle ils se préparent, chaque année, plusieurs mois à l’avance, en investissant dans l’engraissement des ovins.

Cependant, il est très probable que de nombreuses familles parmi les couches défavorisées seront forcées de renoncer au rituel du sacrifice.

Passé l’Aïd, nombreux sont ceux qui s’attendent aussi à une nouvelle flambée des prix des viandes rouges qui ont déjà atteint des niveaux jamais égalés.

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