Le Chili se dote d’une nouvelle Assemblée constituante

Attendons pour voir…

Après le soulèvement populaire qui, en Octobre 2019, avait fortement secoué le pays et mis à mal le gouvernement conservateur du président Sebastian Pinera que l’opposition avait vainement cherché à destituer, les chiliens avaient voté, le 25 Octobre 2020, à une très forte majorité, pour la mise en place d’une nouvelle Constitution.

Or, même si de nombreux analystes ne sont parvenus ni à déterminer les raisons exactes de la crise qu’il traverse ni même à déclarer qu’une nouvelle constitution permettrait au pays de surmonter les difficultés qui le paralysent, le week-end dernier, le Chili a vécu, trente et un an après la fin de la dictature militaire, un moment très important de son histoire ; à savoir, l’élection des délégués qui seront chargés de rédiger une nouvelle Constitution en remplacement de celle qui régit le pays depuis l’ère Pinochet et que les gouvernements qui se sont succédés depuis lors n’ont fait que «retoucher».

Quatorze millions d’électeurs chiliens ont donc été appelés, en cette fin de semaine, à élire, à la proportionnelle intégrale, 155 délégués parmi plus de 1400 candidats représentant les 28 circonscriptions électorales que compte le pays. Mais si l’assemblée constituante qui verra le jour à l’issue de ce scrutin disposera d’une année pour rédiger un nouveau texte supposé comporter «plus d’égalité et plus de justice sociale» dont se dotera le pays après son approbation par référendum,  il y a lieu de rappeler  qu’en réponse au souhait de la population qui, lors de l’important mouvement de protestation sociale qu’avait connu le pays, avait exigé que ce ne soient pas «ceux de toujours» qui élaborent la nouvelle Constitution, près des trois-quarts des candidats en lice n’ont jamais exercé de fonctions politiques.

Les autres spécificités de cette nouvelle Assemblée constituante chilienne ont trait notamment au fait que, d’une part, c’est la première fois au monde qu’une telle institution sera élue sur une base paritaire avec autant de femmes que d’hommes appelés à rédiger la nouvelle feuille de route du pays et que, d’autre part, les 10 peuples autochtones du Chili y seront représentés par 17 délégués.

Candidate à la nouvelle assemblée, Emilia Schneider, 24 ans, figure de proue du mouvement féministe chilien mettant en avant le quotidien des personnes transgenres et elle-même transgenre, a déclaré : «Aujourd’hui, nous pouvons apporter une façon de repenser la démocratie au Chili, construire une meilleure démocratie, plus profonde, plus directe, plus délibérative, paritaire comme ce processus de la Constituante, qui sera la première assemblée paritaire de ce genre au monde (…) Nous, les personnes transgenres, les femmes, les mouvements sociaux, étions traditionnellement des groupes exclus de la politique (…) Nous voulons donner à la discussion de cette Constitution, une perspective féministe de genre et sur les dissidences sexuelles».

Si donc, d’après plusieurs sondages, 60% des chiliens estiment que c’est la Constitution en vigueur qui, en créant un système qui profite à un petit nombre de privilégiés, a fait du Chili l’un des pays les plus inégalitaires d’Amérique latine, est-il permis de croire que la mise en œuvre d’une nouvelle Loi fondamentale qui limiterait fortement l’action de l’Etat et encouragerait l’activité privée dans les secteurs de l’Education, la Santé et les retraites, va donner, au pays, l’occasion de se débarrasser, une fois pour toutes, de l’héritage d’Augusto Pinochet, de résorber les fractures alors même qu’il est en pleine tourmente politique et, enfin, de permettre l’émergence de profondes réformes sociales ? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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