Le Maroc des régions : Province de Settat : Oued Zem : «Le Petit Paris»

La lecture est généralement l’activité la plus prisée. Dans ce sens, nous avons choisi de faire un voyage à travers l’histoire des régions du Royaume en dressant le profil à travers le temps  d’un certain nombre de villes marocaines. L’histoire du Maroc qui remonte à plus de douze siècles se révèle être l’une des plus riches et des plus fécondes que l’humanité ait connues. Nous commencerons durant ce mois sacré par le circuit des villes impériales en évoquant certaines de leurs particularités  historiques, architecturales et urbanistiques.  Il en sera ainsi des principales étapes qui ont marqué l’itinéraire à travers le temps des villes des seize régions du royaume.

La ville de Oued-Zem, surnommée jadis  « le Petit Paris », est située au carrefour des axes reliant Casablanca à Beni Mellal et Rabat à Marrakech. Son nom se compose du mot arabe « Oued » (rivière) et du mot amazigh « Zem » qui signifie lion. La ville a été ainsi nommée par les Amazighs qui, en quête d’eau de rivière, traversaient l’est de la ville. Cette rivière était aussi le refuge et le lieu de détente d’un lion qui rodait dans cette région et qui faisait peur aux habitants des tribus.
La région d’Oued Zem constitua pour l’armée française une base militaire stratégique vu sa situation géographique au centre des forces tribales (Boujad, Tadla et Zayane) et une importante source en eau. Les militaires français ont construit un lac qui revêt la forme de la carte de Paris d’où le surnom « Le Petit Paris ». Ils ont construit leur caserne à quelques pas du lac.
La découverte des gisements de phosphate dans la région d’Oued Zem et son extraction ont débuté en 1920. Oued Zem est alors devenue le point de départ de l’axe ferroviaire qui assure le transport des phosphates vers le Port de Casablanca. La gare d’Oued Zem est parmi les premières gares construites au Maroc ce qui a contribué à sa grande évolution dans tous les secteurs.
Sur le plan social, trois principaux quartiers de la ville sont apparus : le Quartier Européen (Quartier Administratif) qui est habité par les Français (militaires et civils) ; le Quartier des Arcs qui est habité par les Caïds et les commandants de tribus ; et enfin, le Quartier Populaire qui est habité par les citoyens de Smaala, Bni Smir, Béni Khayran, de Tadla et de Chaouïa. Oued Zem est devenue le centre de commandement militaire et de gestion administrative de toute la région (Boujad, Ouled Zidouh, Moulay Bouaaza). Elle est devenue aussi le dépôt principal d’armes et de munitions pour l’armée française. En 1944, les habitants d’Oued Zem représentés par les grandes tribus Smaala, Bni Smir et Béni Khayran s’opposaient de plus en plus au régime français. Les premières étincelles de la résistance locale se sont déclenchées. En 1953, l’exil de feu le sultan Mohammed Ben Youssef a marqué une étape importante dans la ville d’Oued Zem et ses régions.
Les tribus des Smaala et Béni Smir se sont rendus collectivement à Oued Zem malgré l’intervention musclée des Français. Dans la rue de Souk Tnine, les habitants de la ville se sont réunis autour des résistants en acclamant l’indépendance du Maroc.
Une grande assistance militaire a été dépêchée à Oued Zem, à partir de Fès et de Tadla. Malgré ce renfort, d’autres manifestations ont été déclenchées dans la région d’Oued Zem, dont la plus connue est la révolution d’Aït Ammar.
La révolte d’Oued Zem est considérée par les historiens du Maroc comme l’étincelle qui a déclenché la révolution de tout un peuple pour son indépendance. L’édifice de la Révolution à Oued Zem est devenu un symbole de la résistance marocaine contre les forces de l’occupation étrangères. Les trois fusils en haut de l’édifice représentent les trois tribus de la ville (Smaala, Béni smir, Béni khayrane). Il est inauguré, le 20 Août 2005, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Révolution du Roi et Peuple du 20 Août 1955.
Sur un autre registre, la région d’Oued Zem se distingue  l’art musical populaire Abidat R’ma. . Comme son nom l’indique, l’art des Abidat R’ma est inspiré du rituel de la chasse. Au moment où le gibier est aux abois, des cris s’élèvent pour pousser la proie, apeurée, à cesser toute résistance. Les chansons de Abidat R’ma abordent des sujets variés : la résistance contre le colonialisme, la révolution d’Oued-Zem la saison du printemps, l’agriculture, la beauté de la femme, la campagne, la chasse, le mariage…

Bejaad : Ville des 1001 Saints

Le nom de la ville de Bejaâd serait lié à la Jâada, un arbuste local aux fruits amers qui couvrait jadis les collines environnantes. La ville se distingue par les mille et un saints, disséminés dans l’ancienne médina. Elle a été fondée au 15ème siècle par Bouabid Charki, alias Mohamed Abou Oubaïdallah Charki, un éminent soufi, descendant du calife Omar Ibn Al Khattab. Elle était à l’origine un centre spirituel prisé par les voyageurs en quête d’enseignement religieux.
À la mort de Bouabid Charki, ses fils perpétuent le développement de Bejaâd qui prend de l’ampleur à mesure que la Zaouïa Cherkaouia gagne en puissance. Dès lors, la petite ville, surnommée alors la petite Fès, acquiert le statut de centre spirituel majeur.
Des siècles durant, à l’occasion du moussem annuel de Bouabid Charki, des pèlerins issus de toutes les régions du Maroc y affluent en masse. En parallèle, mausolées et mosquées s’y multiplient. Bejaâd est également un centre culturel important. Dès sa création, la ville de Bouabid Charki se dote, en effet, d’une multitude de médersas qui fournissent au Maroc d’éminents oulémas. Des écoles comme celles de Cheikh El Mâati, Lâaouina, et surtout la Médersa Hassania, la Médersa Mohammadia et l’école de l’alliance juive forment des lauréats dans des disciplines aussi diverses que la théologie, le droit, la calligraphie, la littérature et l’astronomie.
Chaque année, pendant le mois de septembre, à l’occasion du Moussem de Bouabid Charki, la population de Bejaâd triple.
Contrairement aux autres médinas du Maroc, celle de Bejaâd est dépourvue de mellahs, car à Bejaâd juifs et musulmans vivaient côte à côte. Ils fréquentaient les mêmes écoles et les mêmes bains publics. De nombreuses familles juives disposent toujours de maisons dans la médina de Bejaâd. Ayant longtemps côtoyé l’importante communauté juive de la ville, les Bejaâdis ont acquis le sens de la tolérance et du respect des différences.
La ville de Bejaâd a été choisie pour le lancement du programme « Ville et patrimoine », dont la mise en œuvre est assurée par la commission nationale pour l’éducation, les sciences et la culture, sous le thème « Ensemble pour une meilleure mise à profit de notre patrimoine national ». Ce programme prévoit le recensement et la remise à niveau des nombreux sites historiques et archéologiques de la ville.

Benslimane : 

Ancien «Camp Boulhaut»

Benslimane et ses alentours sont considérés comme « le poumon vert » de la région métropolitaine.Avant d’établir le régime du protectorat, en 1912, la France était intéressée au plateau de Ben Slimane, délimité par deux artères fluviales importantes : l’Oued Nefifikh  à l’ouest et l’oued Cherrat à l’Est. La forêt occupait le terrain situé entre les deux. Le plateau de Ben Slimane avait une vocation pastorale. De nombreuses tribus y rivalisaient autour des pâturages.  La ville de Verdun en France est liée à celle de Benslimane par un nom ; celui du lieutenant Paul Boulhaut, sorti de Saint Cyr en 1904, mort dans les combats livrés contre les résistants de la Chaouia. La France voulut l’honorer en donnant la dénomination de « rue Paul Boulhaut » à l’une des rues de la ville de Verdun et décida d’en garder le souvenir au Maroc en baptisant une localité de son nom.  Benslimane dispose d’importants vestiges archéologiques. En effet, la grotte de Kehf-el-Baroud se situe à quelques dix kilomètres au Nord-est de la ville de Ben Slimane (province de Ben Slimane, commune de Ziaïda). Elle tire son nom du massif récifal qu’elle perce. Celui-ci émerge des formations paléozoïques schisteuses à relief amolli. L’Oued Cherrat, que la grotte domine, suit son cours entre le massif de Kehf-el Baroud et celui qui fait face, appelé Sokhrat Echelh.
Le site est constitué de deux salles qui communiquent entre elles par une petite galerie. La première, dont l’accès s’ouvre largement en surplomb sur l’Oued Cherrat vers l’Est, mesure 26 m de long sur 7 m de large à l’entrée. La deuxième salle, appelée Aven Bleton, possède un sol en pente montant jusqu’à l’entrée actuelle qui donne directement sur le haut du massif. De la première salle son accès est possible par d’énormes blocs et du sédiment qui renferme des vestiges archéologiques déposés de façon perturbée.
Dans l’attente des résultats de l’étude géologique en cours, Abdeslam Mikdad de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine, suggère que le remplissage de l’Aven est la conséquence d’un lessivage causé par des fortes précipitations qui ont entrainé dans leur cour les témoins d’une occupation humaine du haut du massif. Ce dernier garde encore des traces qui appuient cette hypothèse. Grâce à l’intervention d’un groupe de chercheurs marocains de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine, la sauvegarde du site a été assurée donnant suite à des campagnes de fouilles systématiques.

 

Berrechid

La Résistance de Ouled Hriz

Bien avant les événements motivant le débarquement français, les Chaouia vivaient dans l’anarchie. Mohamed Ould El Haj Hamou, dont le père était autrefois Gouverneur de Casablanca et Caïd de la tribu Ouled Hriz, dirigeait la rébellion contre le pouvoir central à Casablanca. Il avait rassemblé autour de lui les rebelles de la Chaouia qui incendièrent la kasbah de Berrechid et forcèrent le Caïd Mohamed ben Abdesslam Barchid à se réfugier à Fès. La ville de Casablanca était à la fois un port commercial et une capitale pour les Chaouia. Les deux principaux centres, après Casablanca, étaient Dar Berrechid, puis Settat. Avec le débarquement français à Casablanca, en 1907, la résistance des Chaouia fut héroïque malgré la nature vétuste de leurs armes qui furent au mieux des mousquets datant de 1800.
Durant les quatre derniers mois de l’année 1907, le corps expéditionnaire, sous le commandement du Général Drude, n’a pu progresser que d’une dizaine de kilomètres. Grâce au soutien des contingents du Caïd Bouchta Ben-Baghdadi, l’armée française a atteint le 2 janvier 1908 la Kasbah de Médiouna.
Mais, les pertes que lui infligèrent les Chaouia dirigées par Ouled Moulay-Rachid et le fqih Bouazzaoui furent extrêmement lourdes.

Berrechid

La région de Chaouia ne fut donc soumise que vers la fin de l’année 1908 avec l’appui des troupes recrutées au Sénégal.  Dès la prise de ses fonctions, le Général d’Amade décida de s’assurer le contrôle de l’ensemble de la Chaouïa vers Settat.   
Le 13 janvier 1908, le Général d’Amade est parti de Casablanca avec la colonne qu’il a appelé la colonne du littoral pour rejoindre à Berrechid la colonne dite du Tirs (les Tirs sont les fameuses terres noires réputées par leur fertilité). Il s’empare de Berrechid, à l’appui d’une forte colonne assistée par les goumiers algériens.
Avant d’atteindre la Kasbah de Berrechid, l’armée d’occupation a fait une razzia de troupeau à Ouled Hriz du côté de Sidi Aissa. Une fois installé à Berrechid, elle a essayé une autre du coté de Sidi El Mekki, puis une troisième dans sa marche sur Ouled Saïd.
L’armée coloniale a fait une dizaine de morts et une quarantaine de blessés dans le combat du Zaouïa de Sidi El Mekki. Parmi les morts, il y avait le neveu du ministre de la guerre et le fils d’un député. Ce combat est jugé comme l’un des plus meurtriers, pour l’armée française, dans la campagne d’occupation de la Chaouia.
Les Ouled Hriz se trouvaient pour la plupart à Casablanca, où ils harcelaient les troupes du Général Drude, avec les contingents des autres tribus et les mehallas venues de toutes parts. Pour les Français, la résistance des Ouled Hriz campés dans le Sahel, avait duré jusqu’au 15 mars 1908.

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