Le système judiciaire : la réforme des réformes !

Point de vue

Par Amine Sennouni

L’indépendance du pouvoir judiciaire est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années notamment grâce à l’impact significatif qu’il a sur le développement du système juridique et judiciaire, et la création d’un État de droit qui sépare le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, et le pouvoir judiciaire.

La Constitution marocaine du 29 Juillet 2011 a consacré un titre particulier au principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire qui représente à la fois une garantie des droits et libertés des personnes, et l’élément essentiel pour la consolidation de la bonne gouvernance, autre principe édicté par la nouvelle Constitution marocaine.

L’indépendance du pouvoir judiciaire repose sur deux principes fondamentaux ; l’indépendance individuelle du magistrat et l’indépendance institutionnelle de la magistrature.

La consolidation de l’Etat de droit passe nécessairement par l’exercice dans le fait des droits et des libertés. Mais ceux-ci doivent être sauvegardés. Leur protection ne peut se faire que par le système judiciaire qui doit être compétent, professionnel équitable et efficace. En effet, comme la plupart des administrations marocaines, la justice souffre des handicaps majeurs. Dans l’Etat de droit, le juge doit apprécier les preuves, procéder à la vérification des faits et analyser les arguments des parties avant de prononcer le jugement.

De même, le pouvoir judiciaire ne peut jouer son rôle, car les différentes juridictions voient leurs actions contrées par des considérations d’ordre politique.

Par conséquent, la réforme de la justice est un impératif de l’instauration de l’Etat de droit et la vie publique serait vaine sans justice saine et indépendante.

A partir de cette situation que vit actuellement ce secteur de la justice dans notre pays telle que nous l’avons déclinée, une telle réforme est devenue actuellement une nécessité et une revendication qui accompagne le processus de transition démocratique et le renforcement des acquis des droits de l’Homme. Mais c’est un processus qui ne date pas d’aujourd’hui, c’est tout à fait une continuité d’un long chemin de réformes structurelles administratives que connaît notre pays depuis l’indépendance. En effet, les axes de réformes peuvent porter sur les éléments ci-après :

1- L’indépendance individuelle des juges est une condition nécessaire et fondamentale, elle aussi relève de l’indépendance des juridictions, de l’indépendance de la justice ;

2- Tout système judiciaire doit assurer à travers le statut des juges leur indépendance effective ;

3- Tout système judiciaire doit aussi garantir le professionnalisme des juges, du fait que les individus ont besoin de pouvoir recourir à des juges qui soient indépendants et compétents. Car la compétence professionnelle conditionne d’ailleurs la réalité de l’indépendance qui sans elle, ne serait qu’une coquille vide.

4- La nécessité de mettre en place une formation continue effective à laquelle tous les juges pourraient avoir accès en conseillant et de l’organiser par un texte d’une force juridique suffisante ;

5- La situation actuelle caractérisée par la modestie de la rémunération des juges, n’était pas acceptable, tel que l’existence des avantages en nature destinés à compenser cette modestie était très peu satisfaisante, car de nature à créer une dépendance psychologique à l’égard des autres pouvoirs de l’état.

Par ailleurs, il est important de s’atteler sur la révision de la carte judiciaire sur des bases nouvelles permettant de répondre aux besoins grandissants des justiciables et l’amélioration des conditions du travail du personnel de justice et de l’approche judiciaire et procédurale nécessite l’actualisation des textes (révision constitutionnelle, lois organiques,…), l’accélération de la cadence de la législation et l’amélioration de l’action judiciaire à travers plusieurs procèdes, motivation du personnel, renforcement des mécanismes d’exécution des jugements et la promotion de la formation.)

D’une autre manière, une justice efficace ne peut se faire que par le respect de la séparation des pouvoirs. L’article 82 de la constitution stipule : « l’autorité judiciaire est indépendante du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ».

La dépendance du pouvoir judiciaire à l’égard du pouvoir exécutif se voit également au niveau des tribunaux d’arrondissement. En effet, le choix des juges et leur travail dépendent des autorités locales, c’est-à-dire en remontant plus loin du ministre de l’Intérieur. Ce qui contredit la dépendance de la justice. Par conséquent, il est recommandé d’éliminer l’élection des juges communaux et d’arrondissement mais aussi des tribunaux qu’on lui rattache d’une part et mettre en place les dispositions constitutionnelles érigeant la justice et le conseil supérieur de la magistrature en institution indépendante.

Les dépositions formulées par la constitution et qui tendaient à la conservation par la loi fondamentale des droits civiles, sociaux, économiques et culturelles des individus ainsi que les droits à l’information, à la santé et à l’environnement n’ont pas été retenues par la constitution. Il en est de même pour la garantie de la dignité humaine, du principe de la présomption d’innocence du droit au procès équitable et de l’interdiction de la pratique de la torture physique et morale.

Sur un autre registre, des milliers de jugements attendent l’exécution et il y a autant de droits qui attendent d’être rétablis, ce qui nous amène à dire qu’il faut une rapidité dans l’exécution des décisions judiciaires et les jugements et l’indemnisation des victimes en cas d’erreur judiciaire et une assistance au recouvrement des victimes d’infraction.

En définitive, les autorités doivent continuer à mettre en place des instances et mécanismes indépendants chargés de surveiller l’application des lois et/ou de dénoncer leur violation. Une politique ambitieuse d’éducation, et de formation des représentants des forces de l’ordre, du personnel pénitentiaire et des agents de l’État à tout niveau, devrait être adoptée et déclinée en plan d’action concret et doté de moyens financiers suffisants pour sa réalisation, tout en gartissant un accès effectif des victimes à la justice, il est essentiel d’avoir un système durable d’aide judiciaire et un programme de sensibilisation des victimes, mais aussi de la société civile, aux différentes procédures à leur disposition. Les victimes doivent également bénéficier du droit à réparation.

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