Le 12 décembre dernier, les députés tchadiens ont voté des textes extrêmement importants puisqu’ayant trait à l’abrogation de la peine de mort excepté pour les actes terroristes, à l’interdiction du mariage des mineures et, enfin, – même si cette évolution semble quelque peu mitigée – à l’homosexualité, désormais, considérée comme n’étant plus qu’un simple délit et non un crime comme par le passé…
Mais si tout cela semble «bien beau» aux yeux de la communauté internationale et notamment des partenaires occidentaux du pays avec la France en première ligne, ceci n’est pas pour satisfaire une population excédée par la violente crise sociale qui a été générée par l’importante baisse des cours du pétrole qui a vidé les caisses de l’Etat et poussé à la grève fonctionnaires et étudiants.
Ainsi, étudiants, enseignants et personnels du secteur de la santé sont en grève depuis le mois de Septembre dernier lorsque le gouvernement avait été contraint de prendre de sévères mesures d’austérité pour juguler la sévère crise financière que traverse le pays en réduisant de moitié les indemnités des fonctionnaires et en n’accordant plus leurs bourses aux étudiants. Il convient de rappeler que le Tchad, qui avait perçu près de 13 milliards de dollars en recettes pétrolières entre 2004 et 2015, souffrirait aujourd’hui de ce que d’aucuns appellent «la malédiction de l’or noir» puisque les revenus du pétrole qui, jusqu’en 2011, culminaient à 2 milliards de dollars n’ont que très difficilement atteint, selon le FMI, 200 millions de dollars en 2015.
En outre le prêt de 1,45 milliard de dollars accordé à l’Etat tchadien par la multinationale Glencore et initialement remboursable sur une durée de quatre années par l’exportation pour son propre compte du pétrole tchadien a dû être rééchelonné jusqu’en 2022 ; ce qui ne fait qu’exacerber encore plus la crise dans laquelle se débat le pays et qui ne pourra mener qu’à une explosion sociale qui ne pourra être contenue que par la répression. Mais si l’on en croit certains observateurs, la dette ne serait pas « le seul gouffre des finances tchadiennes » et ce serait plutôt la mauvaise gouvernance qui serait pointée du doigt. Ainsi, alors que durant ces dernières années, le pays avait ouvert, çà et là et à tour de bras, d’innombrables chantiers sans aucune réelle planification, ceux-ci sont tous à l’arrêt aujourd’hui. En outre, le népotisme et le clientélisme y sont aussi pour beaucoup dans la crise financière du pays puisque, d’une part, les régies de l’Etat (Douanes et Impôts) dirigées par des proches du président ne reversent pas l’argent perçu sur le compte du Trésor public et que, d’un autre côté, les voyages intempestifs du chef de l’Etat et de sa cour contribuent à creuser d’avantage le gouffre financier.
Autant de faits qui, à n’en point douter, ne pourront que mener le pays vers une explosion sociale sans précédent, à moins que certains décideurs et bailleurs de fonds internationaux soucieux de préserver la stabilité d’un pays stratégique en tant que principal allié militaire de la France dans la bande sahélo-saharienne, ne lui apportent le plus rapidement possible la bouffée d’oxygène nécessaire à sa survie.
Nabil El Bousaadi