Les intérêts convergent vers la conclusion d’un accord

voir ce conflit latent se résoudre.

Le 7 juillet, Kaboul a subi deux attentats. Une de ces attaques visait un convoi de l’OTAN. Le même jour, le gouvernement afghan annonçait une rencontre historique prévue après le Ramadan entre lui et les talibans. Il s’agit du premier rendez-vous formellement reconnu par les autorités du pays centre-asiatique. Il intervient dans un contexte particulier où les partis ont tous des intérêts à discuter. Cette réunion, préparée par une première entrevue qui s’est tenue le 7 juillet dans la ville de Murree (à une heure de route de la capitale pakistanaise d’Islamabad), inclurait une délégation gouvernementale de quatre membres, une délégation talibane de trois membres ainsi que des observateurs chinois et étatsuniens. Cela représente une première depuis le début de l’insurrection talibane en Afghanistan en 2002. Ces conversations à venir (car le problème ne sera pas réglé en une fois) en surprennent plus d’un par leur timing. Beaucoup se demandent pourquoi chacun se met apparemment soudainement d’accord pour parlementer. Les experts du dossier, cependant, ne sont guère étonnés. Ces derniers mois déjà, des rencontres informelles avaient eu lieu entre le gouvernement afghan et sa bête noire, au Qatar, en Norvège et en Chine. Une telle volonté de négocier ne vient pas de nulle part.

Les talibans, tout d’abord, vivent une crise interne qui les divise à plusieurs niveaux. Premièrement, il y a une déconnexion certaine entre les anciens cadres réfugiés dans des nations comme le Pakistan ou encore le Qatar et les combattants en Afghanistan. Deuxièmement, dans le pays-même, si certains restent affiliés, d’autres, déçus ou lassés, changent leur fusil d’épaule pour grossir les rangs de ce que beaucoup surnomme l’Etat islamique. Par ailleurs, le leader historique Mollah Omar garde le silence depuis des années à tel point que plus d’un le pensent mort ce qui ne conduit pas à un rassemblement des troupes. Désormais, les Talibans désireux de combattre sans tenter de négocier (ndlr : avec le retrait des Américains, ils pensent qu’ils pourront facilement maîtriser l’ensemble du territoire) se détachent des plus prônes à la discussion ce qui pousserait ces derniers à chercher avidement un compromis, malgré les critiques de leurs ex-compagnons qui les accusent de ne pas représenter le mouvement et de se laisser manipuler par les Pakistanais.

Le gouvernement afghan, pour sa part, a essuyé deux élections au moins partiellement truquées (en 2009 et en 2014). Celles-ci n’ont pas calmé les tensions au sein de la population. Les autorités ont également fâché l’opinion publique en concluant un accord avec les services secrets pakistanais (ISI) qui, tout comme l’armée pakistanaise, sont détestés par l’ensemble de la population afghane. La bureaucratie et le parlement sont également très réfractaires à tout rapprochement avec le voisin pakistanais qui d’après beaucoup joue double jeu, acceptant certaines demandes occidentales de combattre le terrorisme tout en supportant sélectivement des groupes islamistes (créant une distinction notamment entre des ‘bons’ et ‘mauvais’ talibans). Pour faire taire ses détracteurs, l’Etat afghan a donc intérêt à parvenir à une conclusion favorable : il serait plus que soucieux de parvenir à un cessez-le-feu. Par ailleurs, le pays est toujours frappé par une grande corruption, par la contrebande, par le trafic (d’opium notamment) et par une forte criminalité. Nombre d’observateurs doutent de la capacité du régime à assurer la stabilité et la sécurité une fois que les Etats-Unis auront retiré tous leurs soldats et leurs fonds. En outre, les talibans ont récemment gagné le contrôle de nouvelles provinces.

Enfin, les Etats-Unis qui bénéficiaient encore de 9800 soldats déployés à la fin du mois de juin aimeraient en finir avec ce conflit. Ils comptent compléter le retrait des troupes, à terme. Ils entendent aussi arrêter de financer une très coûteuse « transition démocratique » qui n’a jusqu’ici toujours pas porté ses fruits. La Chine, attentive, est déterminée à prendre la relève et s’immiscer dans le vide que laissent progressivement les Etats-Unis. A première vue, elle s’inquiète pour l’Ouest de son territoire qui abrite des radicaux islamistes dont une partie aurait été formée en Afghanistan et au Pakistan. Elle souhaiterait éviter que ce type de protection et d’entraînement ne se reproduisent à l’Ouest de sa frontière. Elle a aussi repéré les ressources minérales et énergétiques totalement inexploitées dont regorge l’Afghanistan. La « république populaire » aurait déjà rassemblé les pays de la région dans une vision de pacification. Elle a d’ores et déjà investi dans l’extraction de minéraux et de pétrole alors que personne ne souhaite mettre les pieds dans le pays. Elle qui prend si rarement position l’international aurait mis la pression sur son allié pakistanais pour que celui-ci arrête d’aider les talibans. Cela expliquerait l’engouement des autorités pakistanaises à faciliter les pourparlers. En outre, le Premier ministre pakistanais a déjà signé pour prendre part au projet chinois de 45 milliards de dollars qui cible la construction d’une « route de la soie ». Cette route permettrait l’acheminement par train de minéraux depuis l’Afghanistan jusqu’à la Chine à travers le Pakistan. La méthode des Etats-Unis a échoué ; la stratégie ‘orientée affaires’ des Chinois qui consiste à appâter l’Afghanistan et le Pakistan par des plans économiques et une demande en matière première pourrait inciter les deux cousins à mettre fin à leur soutien aux talibans.

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