L’Iran suspend des jugements à la peine capitale

Prononcée contre trois jeunes manifestants

Nabil El Bousaadi

En novembre dernier l’annonce, par le gouvernement iranien, d’une hausse du prix de l’essence fut à l’origine d’un vaste mouvement de protestation qui s’était étendu à l’ensemble du territoire et auquel le pouvoir iranien avait répondu de manière tellement dure qu’Amnesty International a parlé d’au moins 304 morts pendant que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a annoncé le chiffre de 400 victimes et que Washington, dont la République islamique est la bête noire, a évoqué un bilan dépassant le millier de morts.

Quelques temps plus tard, Amir Hossein Moradi, 25 ans, jeune vendeur de téléphones portables, a été interpelé par la police lors d’une altercation portant sur l’achat d’un téléphone portable. Pendant sa garde-à-vue, les policiers avaient retrouvé sur son téléphone, des vidéos filmées lors desdites manifestations. Ils décidèrent alors d’ouvrir une enquête. Craignant pour la sécurité de ceux qui l’avaient accompagné, ce dernier appela ses deux amis Mohamed Rajabi, 25 ans, agent immobilier et Said Tamjidi, 28 ans, étudiant en ingénierie électronique pour les prévenir. Aussi, pour échapper à leur imminente interpellation par la police iranienne, ces derniers prirent immédiatement la direction de la Turquie. Après avoir passé près d’un mois dans les camps de réfugiés, les autorités turques décidèrent  de renvoyer les deux fuyards à Téhéran en application des termes d’un accord portant sur l’expulsion de Turquie des réfugiés politiques iraniens conclu entre Recep Tayyip Erdogan et Hassan Rohani.

Remis à la justice iranienne, le tribunal révolutionnaire de Téhéran les a reconnus coupables de «vandalisme», d’«allumage d’incendies dans le but de lutter contre la République islamique d’Iran», de «vol à main armée avec violence»  et – last but not least – d’«inimitié envers Dieu» défini par le code pénal iranien comme «le fait de prendre les armes avec l’intention d’enlever la vie, les biens ou l’honneur de personnes afin de susciter la peur chez elles, d’une manière qui crée un climat d’insécurité». Le tribunal a immédiatement prononcé, à leur encontre, la peine maximale ; à savoir «la mort par pendaison». Or, il n’en fallait pas plus pour soulever l’ire de l’opinion publique iranienne et, bien entendu, la désapprobation de la communauté internationale.

Après avoir obtenu des pièces mettant en évidence les failles du jugement, les avocats des intéressés ont pu démontrer qu’à l’exclusion du fait que les intéressés aient participé, «comme tout le monde», aux manifestations de novembre dernier, leur dossier ne contient rien d’autre que des aveux extorqués sous la torture.

Suite à cela, les iraniens ont lancé, dès le 14 juillet dernier, une remarquable campagne virtuelle de solidarité sous le hashtag «Ne les exécutez pas !». Cette campagne a été tellement remarquable, tant par son ampleur que par son étendue puisque même certains journaux iraniens, en proie à la censure et aux pressions du régime, y ont consacré leur «Une», que vingt-quatre heures après son lancement, la Cour Suprême iranienne a suspendu le jugement afférent à la peine capitale initialement prononcée à l’encontre d’Amir Hossein Moradi, Said Tamjidi et Mohammed Rajabi et ordonné la tenue d’un nouveau procès. C’est ce qu’a confirmé à l’AFP un des avocats des trois jeunes en espérant que le verdict initial sera purement et simplement annulé.

Au vu du changement d’attitude adopté par les autorités judiciaires de la République islamique d’Iran face à la très forte mobilisation de la société civile et de la communauté internationale, il semble bien que le verdict prononcé contre les intéressés sera annulé et que la peine qui leur sera infligée sera proportionnelle aux faits qui leur sont reprochés. Quoiqu’il en soit, attendons pour voir…

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