«Cela peut paraître prétentieux mais aujourd’hui commence non seulement un nouveau gouvernement mais un nouveau régime politique (…). A partir de maintenant, une transformation pacifique et ordonnée mais profonde et radicale va être réalisée car nous allons en finir avec la corruption et l’impunité qui empêchent la renaissance du Mexique».
C’est en ces termes qu’en prêtant serment devant le Parlement et en prenant officiellement ses fonctions de nouveau président du Mexique, Andres Manuel Lopez Obrador, s’est adressé, ce samedi 1er Décembre 2018, aux membres du Congrès mexicain en présence d’un parterre de chefs d’Etat et de gouvernements étrangers et de représentants du corps diplomatique accrédité à Mexico.
A l’issue de sa prestation de serment, l’ancien maire de Mexico et nouveau président du Mexique s’est dirigé vers le Palais national à bord de sa voiture personnelle, une Volkswagen Jetta blanche, suivi par une poignée d’agents de sécurité. Intronisé par un représentant des peuples indigènes mexicains, le nouveau chef de l’Etat, que l’on désigne par ses initiales «AMLO», s’est prêté – pour la première fois pour un président mexicain – à une cérémonie de purification à l’aide d’encens et de plantes traditionnelles. Arborant le «bâton de commandement» qui symbolise le pouvoir qui lui a été conféré par les communautés indigènes, celui-ci a tenu à réaffirmer, devant plusieurs milliers de personnes réunis sur la place centrale du Zocalo, son «engagement à ne pas mentir, ne pas voler ni trahir le peuple mexicain».
Considérant que l’économie néolibérale suivie par ses prédécesseurs a été «un désastre», le nouvel homme fort du pays que l’histoire retiendra comme ayant été le premier président de gauche du Mexique moderne prône une gestion rigoureuse des finances publiques, une augmentation du salaire minimum, la gratuité de l’éducation et de la santé et, enfin, en faisant «des peuples indigènes» sa priorité, la lutte contre la pauvreté qui frappe de plein fouet quelques 15 millions d’indiens.
Prévoyant de lancer de grands projets qui feront appel à des investissements publics et privés comme le fameux «train maya» – une ligne qui traversera cinq Etats et reliera les principales zones touristiques de la région «maya» située à l’est du pays – AMLO entend vendre l’avion présidentiel, limiter sa sécurité rapprochée au motif que «le peuple le protège», réduire son salaire de plus de la moitié et doubler les retraites.
Pour pacifier le Mexique et enrayer l’insécurité après des années marquées par le «crime organisé» dans un pays où la violence «répond à des logiques complexes», AMLO prévoit d’instaurer une amnistie partielle dont seraient exclus les grands criminels et de faire de la lutte contre la corruption et de l’éradication de la pauvreté son cheval de bataille.
Mais comment le nouveau président mexicain va-t-il gérer le flux migratoire en direction des Etats-Unis, cet exode né de la violence et de la pauvreté alors même que «ces personnes sont au Mexique» et qu’il n’y a aucun moyen d’obliger les Etats-Unis à leur accorder l’asile ? La seule alternative qui reste est de négocier avec les Etats-Unis mais, là aussi, rien n’est acquis alors que les autorités américaines ont ralenti le rythme d’accueil des demandeurs d’asile et rallongé d’autant la durée de leur séjour sur le territoire mexicain.
Enfin, dans une Amérique latine qui penche plutôt «à droite» quelle sera la marge de manœuvre du président mexicain qui a érigé, en priorité, la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales ? Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi