Quand la défaillance de l’enseignement public met en otage les parents d’élève

Après plus de deux mois de longues vacances, les écoliers reprennent le chemin de l’école dans le bonheur et la joie. Un sentiment que plusieurs parents ne partagent plus au moins pas, étant donné le poids budgétaire de la rentrée scolaire. Certes les coûts varient d’une ville à l’autre et d’un établissement scolaire à l’autre et selon qu’il s’agisse du secteur privé ou de l’enseignement public, mais le budget consacré à la rentrée scolaire est jugé de plus en plus excessif. A qui profite la situation et à qui incombe la responsabilité d’un système éducatif défaillant qui met en otage les parents d’élèves?

Les prix des manuels et fournitures scolaires affichent une tendance croissante qui n’est pas prête de s’estomper. Les frais de scolarité augmentent automatiquement chaque année sans aucune raison valable pour les parents. Les libraires s’associent à cette tendance puisque les tarifs des livres et fournitures augmentent d’une année à l’autre.  Le coût par enfant (élève) devient excessif quelque soit le niveau de scolarité. En partant de la Moyenne Section à la grande section en passant par les autres niveaux de classe du primaire, le prix des fournitures peut doubler voire plus. La situation change évidemment selon qu’il s’agisse d’une école privée bilingue, d’une école publique ou d’une école type mission étrangère française ou autre. Prenant le cas de l’école primaire publique, le budget par enfant varie entre 100 dirhams à 300 ou 400 dirhams. Un coût que certains parents considèrent cher.A l’école publique, les manuels sont offerts pour certains niveaux, les parents n’achètent que les fournitures (cahiers et stylo). L’opération cartable pour tous soulage énormément les parents.

La situation est totalement différente si l’on se place du côté des écoles privées bilingues ou type mission. Un parent sous couvert de l’anonymat explique que l’évolution qu’affiche actuellement les prix des livres scolaires est inquiétante. Il se rappelle, il y a quelques années que le prix du livre scolaire était non seulement à la portée de tout un chacun, mais était utilisé par les autres frères et sœurs moins âgés. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, notamment avec le changement permanent des programmes et des manuels scolaires. A peine, dit-il, le programme est proposé et l’année qui suit il est annulé et remplacé par un nouveau. Il faut dire aussi que dans certaines matières notamment les mathématiques et l’arabe, il est demandé à l’élève deux livres pour chaque matière (le livre et le fichier d’entrainement). Il est donc impossible pour le frère successeur de prendre les livres du frère ainé parce que le fichier d’entrainement est rempli d’exercices corrigés tout au long de l’année et ne se vend pas seul.  Il doit être toujours acheté avec le livre.

Ce n’est pas tout, des retards de livraison et d’impression perturbent souvent la rentrée scolaire. Pour une école primaire privée, les tarifs varient entre 500 et 2000 dirhams par enfants. Ainsi pour des prix négociés par les associations de parents d’élèves avec des libraires dans le cadre des achats groupés au sein d’un établissement scolaire de la mission française, les tarifs suivent une courbe ascendante. Pour un enfant inscrit en maternelle (Moyenne Section ou Grande Section), les prix varient entre 580 et 900 dirhams). Au niveau du CP, la flèche monte plus haut, soit 1900 dirhams pour descendre à 1600 dirhams pour les CE1 et CE2. La fourchette de prix croit davantage quand il s’agit du CM1 et CM2, soit un budget allant de 1900 à 2300 dirhams. Les niveaux de prix des livres scolaires vont en augmentant au collège et au lycée.

Pour les familles nombreuses, la situation est compliquée. Les budgets sont multipliés par deux voire trois ou quatre. La question qui se pose est celle de savoir si les parents ont vraiment le choix pour inscrire leurs enfants dans un établissement scolaire publique ou plutôt s’ils sont contraints d’opter pour une école privée qui assure un enseignement plus au moins de qualité. Un dilemme auquel sont confrontés les parents face à un secteur de l’éducation nationale jugé défaillant et qui malgré les nombreuses réformes et chartes de réforme n’arrive toujours pas à sortir de l’impasse.

Contrebande ou l’innovation à contre-sens

Le marché des livres et manuels scolaires n’échappe pas à la contrebande. Deux marchés parallèles avec deux niveaux de prix. Le même manuel est vendu dans les libraires à un prix jugé excessif et en vrac dans certains points de vente à un prix largement inférieur. C’est autant dire que l’informel joue pleinement dans ce secteur d’activité marqué par la faiblesse des maisons d’édition et des imprimeurs. Les spécialistes de la contrebande disposent de plusieurs moyens pour s’approprier des livres contrefaits de l’étranger ou tout simplement photocopiés avec une couverture semblable. L’« innovation » dans tous les sens… Les charges scolaires deviennent un lourd fardeau pour les parents qui ne savent plus quel système scolaire choisir. Les écoles privées fixent les tarifs qu’ils veulent, les libraires font de même avec des marges largement bénéficiaires et l’Etat est démissionnaire d’un secteur hautement stratégique pour le pays, sans parler des contrôles quasi absents des opérateurs du secteur de l’enseignement.

Fairouz El Mouden

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