Quand les chaînes se déchaînent !

Télé et ramadan 

Mohamed Nait Youssef

Du déjà-vu. Un cercle vicieux. Ce ramadan, à l’instar des précédents, la télévision a, en gros,  manqué son rendez-vous avec ses téléspectateurs. C’est désormais un sport national, voire un rituel : les publics tirent à boulets rouges sur la médiocrité d’une grande partie des produits servis à l’écran durant Ramadan. En effet, dès les premiers jours du mois sacré, la toile a été inondée de critiques reprochant la platitude et le manque de qualité et de créativité d’un bon nombre de programmes de la grille ramadanesque. D’où viennent alors tous ces malheurs de la télévision marocaine? Notre télévision manque-t-elle de vision ? A-t-elle besoin d’une nouvelle restructuration et réforme? Pourtant, il est grand temps de rallumer les esprits.

Un problème structurel…

Approché par Al Bayane, le critique de cinéma Abdelkarim Ouakrim estime que le problème de la télévision marocaine est structurel. «Concernant les  chaînes de télévision,  il faut dire qu’il  y a une  absence de vision et de volonté de la part des responsables du secteur. En outre, je pense que l’Etat est appelé à  changer ses orientations par rapport à la gestion de ses chaînes avec une  vision claire et efficace  afin de réaliser des produits de qualité répondant aux différentes attentes.», a-t-il affirmé.  

Ce que nous regardons aujourd’hui sur les écrans, a-t-il expliqué,  se répète chaque année malgré l’augmentation du produit au niveau quantitatif  par rapport aux précédentes. Mais, en contrepartie,  poursuit-il, il n’y a pas une évolution au niveau qualitatif, notamment en ce qui concerne la qualité artistique et esthétique  à l’instar des productions arabes ; égyptiennes ou syriennes, entre autres.

De l’écriture avant toute chose…

Encore une fois, le fameux problème du scénario remonte à la surface. En effet, de nombreux professionnels du secteur révèlent que l’une des lacunes des productions et séries dramatiques ramadanesques marocaines résident dans l’écriture et le scénario. En tout cas,  c’est un vieux débat qui ne date pas d’aujourd’hui.

«Parmi les points faibles existant au niveau des productions dramatiques marocaines, c’est le scénario. Il faut avouer qu’il y a une faiblesse remarquable au niveau de l’écriture.», a rappelé Abdelkarim Ouakrim. Et d’ajouter: «je pense que ce problème est dû également à la façon dont les appels d’offres sont présentés sachant que le premier but des sociétés de post-production, c’est le revenu et le profit au détriment de la qualité. Ces sociétés de postproduction n’ont pas le souci de présenter de bons travaux.»

Selon le critique de cinéma, le secteur regorge quand même de bons scénaristes sur lesquels il faut miser pour surmonter cette lacune et développer notre production. «À mon avis, il faut que l’Etat reprenne les manettes en gérant la production, tout en gardant la  postproduction, mais pas de la même manière existant aujourd’hui.», a-t-il précisé.

Les séries historiques : les grands absents de l’écran…  

Les films, les séries historiques ou d’époque fascinent, ils nous permettent de se plonger dans les tréfonds de l’histoire. C’est aussi un atout pour promouvoir notre Histoire et patrimoine civilisationnel et culturel singulier.  Or, malheureusement, ces productions  se font rares sur notre petit et grand écran.

Cette année, hormis «HRIR SABRA»,  les séries historiques sont très rares. «De maigres budgets sont loués à la réalisation de ce genre de séries qui coûtent trop cher. En effet, contrairement à certains pays arabes, le Maroc n’a pas actuellement cette volonté de développer ces séries historiques soit au cinéma ou à la télévision. Ainsi, si ces travaux existent, on constate qu’ils sont faibles au niveau de la production.», a-t-il fait savoir.

Ahmed Sijilmassi, critique de cinéma et auteur du livre «Figures du Maroc cinématographique», n’y va pas par quatre chemins. Il a révélé que «le bon nombre des boîtes de production et postproduction évitent les séries historiques et d’époque parce qu’elles sont coûteuses et exigent beaucoup de temps et de travail. » Pour réaliser un travail de haut niveau, à l’instar des productions syriennes ou égyptiennes, a-t-il expliqué,  il faudrait beaucoup de moyens à la fois humains et financiers.

 «Je pense que c’est un problème transversal  qui ne se limite pas uniquement aux deux chaînes nationales ou le Centre cinématographique marocain (CCM), mais il faudrait que d’autres institutions interviennent dont les conseils provinciaux, le Ministère du Tourisme, de l’Artisanat pour diversifier les fonds.», a-t-il indiqué.

Par ailleurs, Ahmed Sijilmassi a appelé à investir «de l’argent qu’on jette par les fenêtres en produisant des séries ‘’comiques’’ médiocres  dans un travail historique de qualité.», a-t-il martelé.

Un fond spécial pour les œuvres et séries historiques

De nos jours, de nombreux pays, où l’industrie du cinéma et de la télévision connaît une grande effervescence,  ont opté pour les séries historiques pour promouvoir leur image et rayonner leur histoire.

«Je pense qu’il est temps de réfléchir à un fond spécial investissant dans les œuvres  historiques parce qu’on a une histoire et une cavillation très riches qu’il faut exploiter davantage.», insiste Abdelkarim Ouakrim, critique de cinéma.

C’est désormais alors un atout primordial, voire indispensable pour le soft power. D’où l’importance de développer ce genre de productions dont les retombées ne seront que bénéfiques sur le secteur.

«Aujourd’hui, un fonds spécial pour les travaux et séries historiques est nécessaire. Car, il faut donner plus d’intérêt au patrimoine et à la civilisation de notre pays dans les séries et films historiques en consacrant des travaux de qualité qui seront diffusés sur nos écrans  pendant le mois de Ramadan.», a précisé le critique de cinéma, Ahmed Sijilmassi.

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