Par Laïla El Alami (MAP)
A Rabat, pour participer à une rencontre qui s’est tenue les 26 et 27 mars à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II sous le thème « la protection des plantes face aux défis actuels et en perspectives » et unis par une cause commune, l’INRA d’Antibes et l’Association « Sauvons nos palmiers », en étroite collaboration avec le chercheur Robert Castellana et l’association de défense de l’environnement basée en France « Fredon Corse », se sont embarqués dans une expédition « peu commune », dans l’espoir de sauver les palmiers d’un mal qui les ravage et les consume.
« Un ravageur de palmiers, c’est un insecte nuisible et dévastateur ». Lorsque nous lui demandons de nous expliquer de manière simple ce qu’on entend par « ravageur de palmiers », c’est dans ces termes-là que la responsable du laboratoire Biocontrol de l’Institut national de la recherche agronomique d’Antibes, Elisabeth Tabone, nous le présente.
« Il y a deux ravageurs de palmier en général et de palmier dattier en particulier qui sont arrivés en Europe », ajoute son collègue Robert Castellana, à la tête d’un réseau de jardins botaniques de protection de palmiers sur la Côte d’Azur franco-italienne.
Il précise qu’en 2002, il y a eu l’arrivée du papillon, suivi en 2004 par le charançon, un coléoptère.
Parmi ces deux ravageurs qui ont la particularité de s’attaquer directement au cœur du palmier, seul le charançon est arrivé au Maroc, s’incrustant en 2008 à Tanger.
« Le papillon, présent sur toute la rive nord de la région méditerranéenne, notamment dans le Sud de l’Espagne, ne se trouve quant à lui qu’à quelques kilomètres du Maroc », poursuit-il.
Et s’il n’existe aucun moyen de prévenir l’arrivée de ces insectes dévastateurs, Catherine Gigleux, responsable du programme des ravageurs de palmiers au sein de la Fredon Corse, qualifie de « formidable » ce que les autorités marocaines sont arrivées à mettre en place à Tanger, après la découverte du charançon.
« Ici (au Maroc), c’est l’Etat qui fait le travail de surveillance, de soin et d’éradication », constate-t-elle, notant que derrière les moyens mobilisés existe une véritable stratégie nationale.
De son côté, Tabone indique que « prendre conscience de l’importance de ces deux ravageurs, c’est aussi prendre conscience du danger d’importer des zones affectées ».
Elle juge donc nécessaire la mise en place d’un contrôle au niveau des douanes, ce que le Maroc fait déjà, relève-t-elle.
« Car, lorsqu’un ravageur est introduit accidentellement dans un pays, il arrive sans son cortège d’auxiliaires naturels, c’est-à-dire sans tous les insectes qui le régulaient dans son pays d’origine. Une fois dans le pays de destination, il est soit directement contrôlé par les insectes indigènes, soit il ne l’est pas et devient, à ce moment-là, invasif », explique la chercheuse.
Autrement dit, il se multiplie et s’installe confortablement sans être menacé par aucun ennemi. C’est exactement le cas du charançon et du papillon.
« Notre rôle, c’est de voir dans un premier temps, sur place dans le pays où il y a des dégâts, s’il n’y a pas des insectes dans une zone indigène qui se seraient installés sur ce ravageur », le but étant d' »installer ces insectes auxiliaires sur l’ensemble du pays », explique Tabone.
En s’engageant dans ce processus, l’experte promeut ce qui est communément connu sous l’expression de « lutte biologique » ou « biocontrôle ».
C’est d’ailleurs dans ce cadre que s’inscrivent ses recherches, elle qui tente de trouver des solutions alternatives aux pesticides en développant, notamment, « l’utilisation de parasitoïdes oophages, qui vont pondre dans les œufs du ravageur et le tuer avant l’apparition de dégâts ».
De plus, révèle Tabone, les interventions de la rencontre tenue à Rabat les 26 et 27 mars « allaient dans le sens du biocontrôle » en pensant à « des alternatives aux pesticides, à des solutions qui soient respectueuses de l’environnement ».
Dans ce sens, elle a mis en avant l’importance de monter un réseau méditerranéen, étant donné que le Maroc et les autres pays de la rive méditerranéenne ont le même climat.
« Plus on met de l’énergie contre un ravageur, mieux on pourra montrer que ces ravageurs sont dangereux » de par leur caractère invasif, mais aussi « parce que nous-mêmes sommes débordés par le problème », soutient-elle.
Michaël Lecat, directeur de la Fredon Corse, a fait part de son souhait d' »exporter le savoir-faire » et de « partager l’expertise » de la Fredon pour « apporter notre aide à des groupements d’agriculteurs et à des associations ».
Même son de cloche chez Castellana qui a affirmé que « l’objectif de notre expédition est d’apporter nos connaissances et de favoriser un retour d’expériences ».