Débat littéraire en ligne autour d’un livre
La chaire Fatéma Mernissi et le site «Ribatalkoutoub» ont organisé, samedi, un Café littéraire en ligne sous le thème «Un nouveau regard sur le politique au Maroc», à l’occasion de la parution du livre «Tisser le temps politique au Maroc : Imaginaire de l’État à l’âge néolibéral» (Ed. Karthala, 2020), coécrit par Béatrice Hibou et Mohamed Tozy.
Ce rendez-vous littéraire a été l’occasion de débattre du fond de l’ouvrage à travers plusieurs interventions, notamment de l’historien Abdelahad Sebti, du sociologue Mohamed Oubenal, des politologues Fadma Aït Mous et Abdelhay Moudden et de l’écrivain-chercheur Driss Ksikes.
Dans son intervention, Mme Aït Mous, modératrice du Café littéraire, a indiqué que cet ouvrage revêt une «approche distanciationnelle» sur l’analyse du régime politique au Maroc et est une réflexion sur les manières de gouverner aux temps néolibéraux. «C’est un travail fait d’observations et d’entretiens historiques et historiographiques très pertinents… C’est aussi le fruit d’un long travail à deux, tissant une collaboration faite de partage de questions fondamentales du terrain», a-t-elle analysé.
Pour sa part, M. Sebti, tout en saluant la tenue de cette importante rencontre, a fait observer que les co-auteurs de l’ouvrage ont eu la réflexion de développer des écritures économico-politiques et sur le champ politico-religieux, basées sur plusieurs recherches avec des études de cas. «Parfaitement élaboré, le livre, fort des entretiens menés, a su résumer au niveau du titre la problématique qu’il expose, afin de faciliter l’entrée des lecteurs dans le champ néolibéral au Maroc, avec des approches anthropologiques et une subjectivation des systèmes politiques», a-t-il ajouté. Pour le sociologue Mohamed Oubenal, l’ouvrage «Tisser le temps politique au Maroc : Imaginaire de l’Etat à l’âge néolibéral» offre l’occasion de comprendre les grilles des lectures sur le fondement politico-économique du Maroc, tout en s’intéressant à la sociologie économique.
«C’est un livre interdisciplinaire, qui prend comme base le travail des historiens et croise un certain nombre de disciplines intellectuelles», a-t-il indiqué, relevant que c’est aussi un «appel à engager une réflexion sur l’art de gouverner, s’inscrivant dans une logique comparative pour comprendre les formes étatiques».
Cet ouvrage est enrichi de «monographies et de projets économiques importants, notamment le Port de Tanger-Med, outre l’évolution et la normalisation des grands projets, traversés de logiques néolibérales», a-t-il dit.
De son côté, le politologue Abdelhay Moudden a noté que l’ouvrage est une analyse politique caractérisée par une force d’ambition qui propose de nouvelles approches pour appréhender la compréhension de la politique au Maroc, tout en dépassant les unités d’analyse et de classification des systèmes politiques. L’écrivain-chercheur Driss Ksikes a, quant à lui, qualifié l’ouvrage de texte dense et incontournable pour comprendre la politique au Maroc et d’une expérience inventant un nouveau style, née de deux manières d’expression différente.
«Avec l’ingéniosité des co-auteurs, le livre révèle un phénomène latent, sensé mettre en avant le réel comme l’imaginaire au Maroc, pour enfin désigner l’ordre apparent des choses», a-t-il souligné.
Attentif aux transformations modernes, le livre révèle aussi les continuités profondes et les adaptations insoupçonnées, dans une cohabitation renouvelée, avec une pluralité des discours, a relevé M. Ksikes, ajoutant que ce produit implique une écriture hybride, structurée et systémique.
Rebondissant sur les réflexions des différents intervenants, la co-auteure du livre, Béatrice Hibou, a indiqué que l’ouvrage met l’accent sur un univers mental qui fait le lien et permet d’associer des logiques et des réalités très différentes, avec une temporalité plurielle qui renvoie à s’inscrire dans le présent de la logique sociale, mais qui s’interpénètrent pour donner lieu à des réinterprétations mutuelles.
L’autre co-auteur, Mohamed Tozy a, pour sa part, fortement salué le travail de quelques historiens marocains, relevant que l’ingénierie épistolaire est une piste pour une nouvelle lecture des échanges épistolaires, alors que le concept «d’empire», traité dans le livre, est caractérisé par un certain nombre de propriétés et de performances pouvant être retrouvées.