Un lieu unique où se conjuguent diversité musicale et enracinement africain

Khamlia

Mohamed Nait Youssef

Un lieu unique, un village historique. Dans les confins du désert, à sept kilomètres de la ville de Merzouga, au Tafilalet, se niche le douar de Khamlia, un joyau de la région du Sud-Est marocain. Ce village témoigne d’un métissage historique, culturel, ethnique et musical unique, profondément enraciné dans l’identité et la diversité africaine multiple et plurielle.

Autrefois carrefour du commerce transsaharien (or, épices…), Khamlia abrite aujourd’hui une communauté d’artistes qui perpétue la musique Gnaoua. Le village vit au rythme de cet art ancestral, préservé par de jeunes générations qui marchent sur les traces de leurs maîtres. Véritable lieu d’échange et de mouvement des populations, notamment africaines, Khamlia s’enracine, au fil des temps et des siècles, dans les dimensions ethniques, culturelles et artistiques de l’Afrique.

Une musique enracinée…

La musique Gnaoua, transcendante et profondément ancrée dans une identité africaine plurielle, retrace l’histoire humaine de ces ethnies, leurs parcours, leurs espoirs et leurs souffrances. À Khamlia, des formations musicales comme les Bambaras ou encore les Pigeons de sable œuvrent pour la préservation de ce patrimoine artistique, en véhiculant ses lettres de noblesse. Dans ce village unique en son genre, les artistes, vêtus de costumes blancs, mêlent rythmes envoûtants, paroles spirituelles, rituels de transe et gestuelles expressives, accompagnés des qraqebs et de l’instrument Gambri. L’ambiance est à la fois électrique, joueuse et même spirituelle. À vrai dire, ces éléments et tant d’autres témoignent de leur attachement à un art ancestral qui a su défier les aléas des temps, des contextes et des transformations.

Une demeure pour sauvegarder l’art gnaoua

À Khamlia, la musique Gnaoua a enfin trouvé une demeure. Maâlem Hammad Mahjoubi, héritier des grands maîtres, a eu l’idée lumineuse et intelligente  de créer «Dar Gnaoua Khamlia », une maison dédiée à cet art, dans son village natal. En effet, ce lieu exceptionnel accueille des groupes et des artistes venus des quatre coins du monde, ainsi que des jeunes désireux d’apprendre les bases de cet art ancestral. Aujourd’hui, ce lieu est devenu une adresse incontournable des touristes et visiteurs d’ici et d’ailleurs.

«C’était en 2006 que notre groupe a vu le jour. Certains qualifient cette musique de “musique d’esclaves”. Pour nous, c’est une musique unique, différente des autres styles Gnaouis. Nous ne jouons pas la musique spirituelle liée à la transe de la  “hadra ”», nous a confié Maâlem Hammad lors d’une rencontre qui a eu lieu en marge de la 4ème édition du Festival International de Merzouga des Musiques du Monde.

Métissage musical et vestimentaire

D’après Maâlem Hammad, les origines de cette musique remontent à l’Afrique subsaharienne, notamment au Mali, au Niger et au Sénégal. «Notre style repose sur le tambour, appelé “tbel”, et les qraqebs. Le “tbel” est un instrument riche en mélodies, qui nous permet d’inventer de nouveaux rythmes pour captiver notre public.», explique-t-il. Cette musique a été portée par des gens issus de différentes tribus africaines (Bambara, Lbouhala, Lhawassa), certaines pratiquant l’agriculture près des rivières, d’autres étant nomades et s’étant installées au Maroc, poursuit-il. Le groupe se compose de 4 à 6 musiciens, jouant des instruments variés et interprétant des danses comme la «Takhbachiyt» ou «Ait Mgha», selon les traditions des tribus locales. La première chanson est souvent une invocation à Dieu ou une ode au prophète. «Les chansons s’enchaînent avec les rythmes. Nous chantons en arabe et en amazigh, et les femmes participent également à notre musique. Les paroles, puisées dans le patrimoine musical local, ont été écrites par de nombreux chanteurs et compositeurs.», ajoute Maâlem Hammad.

Le métissage entre la musique Gnaoua et les autres traditions régionales se reflète dans le style du groupe Bambaras. «Notre point commun avec l’Ahwach des Amazighs réside dans les habits portés par les musiciens. Certaines de nos danses s’inspirent de l’Ahwach, notamment dans les gestes et les mouvements.», conclut Maâlem Hammad.

Aujourd’hui, grâce à des figures comme Maâlem Hammad Mahjoubi et son initiative comme «Dar Gnaoua Khamlia », ce douar est devenu un sanctuaire pour la musique Gnaoua.  Khamlia est bien plus qu’un simple lieu. C’est un hymne à la diversité, un pont entre les cultures, et un témoignage vibrant de l’enracinement africain au cœur du Maroc.

Khamlia, un village entre dunes et désert

Khamlia, village endormi entre les dunes dorées de Merzouga et l’immensité du Sahara, avec ses modestes demeures en terre crue, incarne la diversité musicale et l’enracinement dans une culture africaine plurielle. Ce lieu unique, où résonnent les échos d’un passé riche et d’un présent vibrant, reste un témoignage vivant de l’héritage culturel du Maroc et de l’Afrique.

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