Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
Soucieux de marquer un grand coup politique en unifiant un pays ravagé par une guerre civile qui aura duré 13 ans, le nouveau maître de Syrie, Ahmed Al-Charaa, qui dirigeait les factions islamistes qui ont renversé Bachar al-Assad, le 8 décembre 2024, mais qui peine à imposer son autorité à l’ensemble du pays, a signé, ce lundi 10 mars, avec Mazloum Abdi, le commandant des Forces Démocratiques Syriennes (FDS), à dominante kurde, et grâce à une médiation américaine, un accord historique prévoyant l’intégration, au sein de l’Etat syrien, et avant la fin de cette année, de toutes les institutions civiles et militaires qui relevaient, auparavant, de l’administration autonome kurde du nord-est de la Syrie, « y compris les postes-frontières, l’aéroport ainsi que les champs pétroliers et gaziers.»
Marginalisés et réprimés sous l’ancien régime, les Kurdes avaient été privés, durant des décennies, du droit de s’exprimer en « kurde », de célébrer leurs fêtes et, pour une grande partie d’entre eux, de se voir accorder la nationalité syrienne si bien qu’en profitant de la guerre civile qui ravageait le pays, ils avaient mis en place, au nord-est du pays, une administration autonome avec ses propres institutions éducatives, sociales et militaires.
Il convient de noter, également, que si cette administration autonome kurde qui est soutenue par Washington, contrôle de vastes pans du territoire syrien au nord et à l’est du pays qui sont riches en blé, en pétrole et en gaz, des ressources dont l’importance est cruciale pour la « reconstruction » du pays, son bras armé, le FDS, avait joué un rôle-clé dans la lutte contre l’organisation Etat Islamique en Syrie et avait fini par la décimer en 2019.
Par cet accord qui, selon les médias d’Etat, a été accueilli, dans plusieurs villes du pays, par des manifestations de joie et qui permet, ainsi, au président syrien par intérim, de redonner un nouveau souffle à sa présidence après le massacre des civils alaouites, par les forces de sécurité syriennes, et de lutter à la fois contre « les résidus du régime Assad », et contre toutes les menaces qui pèsent sur la « sécurité » et « l’unité » du pays, l’Etat syrien qui reconnaît, désormais, que « la communauté kurde est une composante essentielle » de la Nation syrienne, « garantit son droit à la citoyenneté et l’ensemble de ses droits constitutionnels », et rejette tous « les appels à la division, les discours de haine et les tentatives de semer la discorde entre les différentes composantes de la société syrienne ».
Aussi, après la publication, par la présidence syrienne, du communiqué annonçant la nouvelle, le chef des FDS s’est félicité, sur « X » (ex-Twitter) de la signature de cet accord qui, en intervenant au lendemain d’une tentative de déstabilisation inédite des nouvelles autorités de Damas par les partisans de l’ancien président déchu, offre « une véritable opportunité de construire une nouvelle Syrie qui comprenne toutes ses composantes et qui assure une bonne cohabitation ».
Etant entendu, enfin, que la conclusion de cet accord qui va à l’encontre des pressions exercées, sur la Syrie, à la fois par Israël et par l’Iran à l’effet d’aiguiser les divisions internes, va, incontestablement renforcer l’unité du pays et ce, d’autant plus qu’elle intervient juste après que Abdallah Öcalan, le fondateur du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et ennemi-juré du régime d’Erdogan, ait appelé à déposer les armes et à faire la paix avec Ankara, attendons pour voir…