Transport en commun à Tanger
Karim Ben Amar
L’une des premières mesures prises par les autorités après la mise en place de l’état d’urgence sanitaire et le remplissage à hauteur de 50% des taxis, mais aussi des bus. Une mesure courageuse et louable puisque les transports en commun peuvent représenter un réel risque de contamination. A Tanger, ville où les contaminations s’accroissent de jour en jour, les bus sont actifs toute la journée. De 7H à 22H, les bus du délégataire du transport Alsa sillonnent la ville dans ses moindres recoins. Avec un réseau composé de 44 lignes, dont 27 lignes urbaines et 17 lignes périurbaines, pour une flotte de 192 véhicules, les bus transportent des milliers de personnes quotidiennement. Pour cette raison, le délégataire doit veiller à la sécurité sanitaire de tous ses passagers. Au cours de sa tournée, l’équipe d’Al Bayane a prospecté à proximité des stations de bus. Les consignes de sécurité sanitaire sont-elles respectées par la société de transport? La distanciation sanitaire est-elle d’usage dans les bus de la perle du Détroit ? Le taux de remplissage est-il respecté? Tour d’horizon.
En temps de pandémie, la concentration d’un nombre élevé de personnes ne peut que poser problème. Ainsi, pour pouvoir juguler la pandémie liée au nouveau coronavirus covid-19, les autorités compétentes ont sommé les transports en commun à veiller à ce que le remplissage ne dépasse pas les 50%. Les grands et petits taxis, malgré leur mécontentement se plient à cette règle, puisque salutaire.
Les bus du délégataire du transport Alsa ont pour leur part, l’obligation de ne pas transporter plus de 40 personnes. De plus, les bus doivent comporter du gel hydroalcoolique mis à la disponibilité des usagers. Mais qu’en est-il réellement, plus de 4 mois après le début de l’état d’urgence sanitaire?
Mardi 11 août à 18 H à proximité de la station de bus située sur la rue de Fès, en face du centre commercial Mabrouk, notre équipe s’y est rendue. Constat, dans l’abri bus, ils sont près d’une dizaine de personnes à attendre le numéro «9 A» qui a pour rotation «Dradeb-Gzenaya Souq».
Attendant son bus, un sexagénaire prénommé Abdeslam a affirmé que les mesures de sécurité mises en place par Alsa sont très insuffisantes. Faisant référence au nombre de personnes présentent dans l’abri bus, il signale à l’équipe d’Al Bayane, que le bus sera à terme. «Lorsque le 9A marquera l’arrêt dans cette station, il aura fait moins de 50% de son circuit, pourtant il sera déjà bien rempli. Et d’ajouter, «il ne désemplira qu’au Terminus, à la sortie de Tanger, à Gzenaya. D’ici là, il y aura plus de personnes le prenant que le quittant».
«Le 9A est très sollicité mais ce n’est pas le pire en termes de remplissage. Le bus numéro 6 et 7, effectuant respectivement les rotations «Sidi Bouabid-Sidi Driss-Gare routière» et «Bir Chifa-Ibéria» sont dès le mi-chemin littéralement plein à craquer, une partie des passagers doivent rester debout, puisqu’il n’y a plus de siège libre», déclare le plombier de profession.
Quant au nombre de bus utilisés pour chaque ligne, Abdeslam au même titre que toutes les personnes présentent dans l’abri bus, assure qu’il est bien en deçà des besoins. « Malgré le fait qu’il y ait plus de bus en activité, cela n’est pas assez. Si au Terminus le bus est bondé c’est qu’il faut en prévoir un autre sur la ligne. Ainsi, notre santé sera préservée, ce n’est pourtant pas sorcier», s’exclame-t-il.
Après plus d’une demi-heure d’attente, le bus numéro «9A» s’approche enfin de la station. A première vue, il est déjà bien rempli alors qu’il a encore plus de la moitié du circuit à réaliser. Faisant mine de vouloir prendre le bus, nous avons constaté qu’il n’y avait pas de sièges condamnés et encore moins de gels hydroalcooliques à disposition des usagers. Seule une affiche de sensibilisation est accrochée près de la cabine du chauffeur de bus. Nous avons aussi relevé lors de notre brève montée dans le bus, que certains usagers ne portent même pas la bavette et ne font aucun effort pour préserver la distanciation sanitaire. Pourtant Alsa, au début de l’état d’urgence sanitaire, s’était engagée à assurer une campagne de sensibilisation quotidienne.
Avec sa zone franche, sa zone industrielle de M’Ghogha, son port et ses nombreuses entreprises, Tanger est la deuxième ville la plus industrialisée du Royaume, après la capitale économique, Casablanca. Des milliers de personnes se déplacent chaque jour pour rejoindre leur lieu de travail. N’ayant d’autres choix, la majorité de cette population active s’y rend par bus, malgré la pandémie.
Tout le monde s’accorde à dire que les transports en commun peuvent être un vecteur de contamination. Le fait de prendre le bus au moins deux fois par jours et cela 5 fois par semaine, au milieu de plusieurs dizaines de personnes peut représenter un danger de contamination. Si en plus de cela, la société de transport ne prend pas la peine de protéger l’intégrité sanitaire de ses usagers, surtout dans une ville comme Tanger, il faut être, pour prendre ce moyen de transport, soit totalement inconscient soit n’ayant d’autre choix.
Si l’entreprise espagnol Alsa ne compte pas veiller à l’application stricte des mesures de sécurité dans ses bus pour les beaux yeux des tangérois, qu’elle le fasse pour l’amour de l’Humanité!