PISA 2018: ça va mal pour le Maroc!

Par Abdeslam Seddiki

On savait bien que notre système éducatif n’est pas dans ses meilleurs jours. Mais on  pensait rarement que nous sommes les derniers des derniers comme vient de nous le rappeler, non sans amertume, le dernier rapport PISA que publie l’OCDE tous les trois ans,  Programme international pour le suivi des acquis des élèves,  plus connu sous l’acronyme PISA (Program for International Student Assessment). Ce classement découle d’une vaste enquête auprès de  600 000 élèves représentatifs de quelques 32 millions d’élèves  âgés de 15 ans dans les 72  pays composés de pays membres de l’OCDE (37)  et de pays partenaires(32). L’enquête consistait en une épreuve de 2H portant sur  trois domaines : la compréhension de l’écrit, les mathématiques et les sciences.

Dans le cadre de PISA 2018, «comprendre l’écrit, c’est non seulement comprendre, utiliser et évaluer des textes, mais aussi y réfléchir et s’y engager. Cette capacité devrait permettre à chacun de réaliser ses objectifs, de développer ses connaissances et son potentiel, et de participer activement à la vie de la société». Le rapport structuré en trois volumes (savoir et savoir-faire des  élèves, et si tous les élèves réussissaient, la place de l’école dans la vie des élèves) est plein d’enseignements et aboutit à des résultats qui donnent à réfléchir.

Les résultats sont analysés par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE dont le score est le suivant : 487 pour la compréhension du texte, 489 pour les mathématiques et idem pour les sciences. Dans ce groupe, c’est un petit pays, l’Estonie en l’occurrence,  qui se place en tête suivi par le Canada et la Finlande. Par ailleurs, c’est notre voisin et partenaire du Nord, l’Espagne, qui ferme cette liste de 37 pays qui composent l’OCDE.

Au niveau des pays partenaires, la Chine et Singapour, non seulement ils  tiennent le haut du pavé, mais dépassent de loin le premier de l’OCDE avec des scores respectifs pour la Chine de : 555, 591 et 590, talonné de près par Singapour. Qui plus est, 50% des jeunes Chinois sont classés parmi les plus performants contre une moyenne de 15,7% au niveau de l’OCDE.  Cet exploit de la Chine, deuxième puissance mondiale qui ambitionne de damner le pion à l’Oncle Sam d’ici 2030, n’est pas passé inaperçu. Des commentaires élogieux lui ont été consacrés dans la presse occidentale. L’éditorial du Monde intitulé «Quand  la Chine qui s’éduquera» se termine en ces termes : «C’est un défi dont nous devons être pleinement conscients si nous voulons rester compétitifs dans un monde où l’éducation et la formation vont devenir plus que jamais les moteurs de la puissance et de l’influence d’un pays». (cf. Le Monde du 4 décembre).

Venons-en à présent aux «performances» réalisées par le Maroc. Les scores obtenus par nos jeunes sont loin des espérances : 359 pour la compréhension de l’écrit, 368 en maths et 377 en sciences. Avec un rang peu honorable, 68ème  sur 72 pays, le Maroc devance 4 pays à peine : Liban, Kosovo, République Dominicaine et Philippines.  Plus grave est le fait que pratiquement nous n’avons plus d’élèves parmi les plus performants(0,1%) contre une proportion de 60% des moins performants. C’est dire clairement et cruellement que nos jeunes élèves ne savent,  en définitive,  ni comprendre le sens des phrases, ni faire correctement  une opération mathématique et encore moins savoir interpréter les phénomènes scientifiques.

Comment est-on arrivé à ce stade de médiocrité ahurissantealors qu’il y a quelques années nos jeunes raflaient au niveau international des médailles dans les concours des mathématiques entre autres ? La responsabilité d’une telle dégénérescence  est partagée. Celle de l’Etat d’abord, qui a laissé le bateau couler sans réagir à temps.  On se contentait au mieux  de faire les bilans et de constater les dégâts, et ce depuis l’adoption de la Charte Nationale de l’Eduction-Formation (COSEF) en passant par le «Programme d’Urgence» pour parvenir à la « Vision 2030 ». On attend ce que va donner la loi-cadre récemment adoptée par le parlement dans des conditions que l’on sait.  Celle des autres acteurs politiques et sociaux : partis politiques, organisations syndicales, familles. Celle de l’élite qui s’est entièrement retirée de la chose publique privilégiant ainsi la stratégie individuelle à l’engagement collectif.

Mais nous n’avons nullement le droit de démissionner. On doit se ressaisir et rectifier le tir. C’est une question existentielle pour notre pays tant Il y va de son avenir. Laissons de côté les calculs politiciens et concentrons-nous sur ce qui nous unit en tant que Nation dans la perspective,  à moyen terme,  de renouer avec le progrès qui passe nécessairement par l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité et en promouvant les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie. En somme, nous avons besoin de rétablir la confiance et de promouvoir l’engagement citoyen.

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