COP 26
La Chine et les Etats-Unis, premiers émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre, ont annoncé mercredi à la COP26 un accord surprise, relançant les espoirs à deux jours de la fin de cette conférence cruciale sur le climat.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson, hôte de la conférence de Glasgow, venait à peine de lancer un appel à une « impulsion forte » dans les discussions, assurant qu’il n’y aurait « pas d’excuses » pour échouer, lorsque Pékin et Washington ont annoncé une « déclaration conjointe sur le renforcement de l’action climatique ».
« Ce document contient des déclarations fortes sur les études alarmantes des scientifiques, la réduction des émissions de carbone, et le besoin urgent d’accélérer les actions pour y parvenir », a déclaré l’envoyé spécial américain John Kerry aux journalistes. « Il s’engage à une série d’actions importantes sur cette décennie, au moment où elles sont nécessaires », a-t-il ajouté.
« Nous pouvons tous nous engager sur la voie d’un développement vert, à faibles émissions de carbone et durable », a déclaré de son côté le président chinois Xi Jinping, au cours d’une conférence virtuelle jeudi en marge du sommet du Forum de Coopération économique Asie-Pacifique (Apec), sans mentionner explicitement cet accord.
Dans leur déclaration conjointe, les deux principales puissances mondiales, dont la rivalité avait semblé ces derniers mois déborder sur le terrain de la diplomatie climatique, s’engagent à faire plus pour lutter contre le réchauffement, dont les conséquences se font de plus en plus sentir à travers le monde: sécheresses, inondations, méga-feux, avec leur cortège grandissant de victimes et de dégâts.
Elles promettent, sans détails très précis, de « prendre des mesures renforcées pour relever les ambitions pendant les années 2020 », réaffirmant leur attachement aux objectifs de l’accord de Paris, un réchauffement limité « bien en deçà » de 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle, et si possible à 1,5°C.
Or le monde se trouve toujours selon l’ONU sur une trajectoire « catastrophique » de réchauffement de 2,7°C, et la COP26 est jugée cruciale pour remettre la lutte climatique sur les rails.
Pékin et Washington s’engagent aussi à oeuvrer à Glasgow pour « une issue ambitieuse, équilibrée et inclusive sur l’atténuation (baisse des émissions), l’adaptation et le soutien » financier aux pays pauvres.
Un accord salué comme « un pas important dans la bonne direction » par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.
« Au delà de la COP, c’est important pour le monde », a de son côté déclaré à l’AFP le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans.
Tôt mercredi, après 10 jours de discussions, la présidence britannique de la COP avait diffusé un premier projet de déclaration finale appelant à renforcer et accélérer le rythme des engagements climatiques de tous les pays pour tenir les objectifs de l’accord de Paris.
Ce texte a provoqué des réactions mitigées, notamment des pays pauvres, qui insistent pour que les plus riches tiennent leur promesse d’aide.
Le projet, qui fera encore l’objet de négociations et peut changer d’ici la fin de la COP (Conférence des parties à la Convention de l’ONU sur le climat), prévue vendredi mais qui peut se prolonger, appelle les pays à « réviser et renforcer » dès 2022 les contributions nationales (NDC) qui fixent leurs engagements à court terme.
L’accord de Paris de 2015 fixe leur révision à tous les cinq ans, mais de nombreux pays demandaient qu’elles le soient plus fréquemment.
Il s’agit, selon le texte, de rendre ces engagements « compatibles avec les objectifs de réchauffement de l’accord de Paris », c’est-à-dire « bien en deçà » de +2°C par rapport à l’ère pré-industrielle, si possible +1,5°C.
Car les dernières estimations de l’ONU sont alarmantes avec un monde toujours sur la trajectoire d’un réchauffement « catastrophique » de +2,7°C d’ici la fin du siècle.
Le projet encourage également les pays à « accélérer la sortie du charbon et des financements des énergies fossiles ».
Une telle mention explicite des énergies fossiles, responsables de la plupart des émissions, est inédite, et ne figure notamment pas dans l’accord de Paris. Mais elle promet d’être âprement disputée jusqu’à la conclusion du texte final, notamment par les pays producteurs.
Sur le dossier brûlant du financement, le texte « relève avec regret » l’échec des pays développés à tenir leur promesse de mobiliser à partir de 2020 quelque 100 milliards de dollars par an d’aide climatique aux pays pauvres.
Souvent les moins pollueurs, ils sont aussi les plus exposés aux ravages du changement climatique, comme l’a rappelé le ministre des Affaires étrangères de l’archipel des Tuvalu, lançant aux délégués de la COP « nous sommes en train de couler », dans une vidéo filmée debout jusqu’à mi-cuisse dans l’océan.
Le texte n’avance aucune solution concrète sur le financement, mais appelle au renforcement des mesures « d’adaptation » aux effets du changement climatique.
L’adaptation ne représente actuellement qu’un quart environ de cette aide, contre 75% consacrés à la réduction d’émissions. Les pays pauvres revendiquent au minimum la parité.
Concernant l’autre question très controversée des « pertes et dommages » déjà subis par les pays les plus exposés, le texte « reconnaît » le problème et son « urgence ». Mais là encore sans modalités concrètes d’actions.
Les groupes de négociations des pays pauvres et émergents ont exprimé une inquiétude quasi-unanime lors d’une réunion organisée pour recueillir les premières réactions au projet.
Côté sciences, Joeri Rogelj, membre du groupe des experts ONU sur le climat a salué des « progrès », mais relevé que les engagements étaient pour l’heure « loin des objectifs de l’accord de Paris ».