Mondiaux d’athlétisme
« USA baby! » Avec leur sens du show habituel, les sprinteurs américains ont confisqué le podium du 100 m des Championnats du monde d’athlétisme de Eugene, consacrant à Eugene la nouvelle star de la ligne droite Fred Kerley.
« On l’avait annoncé et on l’a fait, USA baby! ». Fred Kerley a su faire vibrer la foule du Hayward field à peine son 100 m achevé, lui arrachant des « U-S-A, U-S-A ». Après avoir prédit avec leur pointe d’arrogance naturelle ce « sweep » (coup de balai, l’expression d’usage outre-atlantique), les Américains ont tenu parole sous le soleil couchant de l’Oregon.
Pour la première fois depuis 1991, ils ont réussi ce triplé sur la distance reine, succédant aux légendes Carl Lewis, Leroy Burrell et Dennis Mitchell. Après l’ère Usain Bolt, c’est le troisième titre consécutif sur la distance avec trois vainqueurs différents pour les USA, suivant les victoires de Justin Gatlin en 2017 et de Christian Coleman, 6e samedi, en 2019.
La finale du 100 m, annoncée par deux avions de chasse en rase-motte au dessus du stade, a permis au « top gun » Fred Kerley de faire parler sa fin de course pour revenir sur le fil sur Bracy, spécialiste du 60 m en salle (en bronze aux Mondiaux cet hiver) auteur d’un meilleur départ.
Sa puissance et le maintien de sa vitesse maximale, Fred Kerley les tient de sa polyvalence, lui qui était un spécialiste du 400 m jusqu’à l’an dernier, distance sur laquelle il avait décroché le bronze aux derniers Mondiaux de Doha en 2019.
Le costaud de 27 ans, a définitivement réussi sa transition sur les distances courtes après l’argent olympique du 100 m l’été dernier à Tokyo, même s’il assure ne pas avoir abandonné le tour de piste.
Il rêve en effet de marquer l’histoire et de records du monde du 100 au 400 m en passant par le 200 m, distance sur laquelle il est prévu dès lundi à Eugene, où il a les moyens de réussir un carton avec le 4×100 m en plus.
« C’est un mec à part, un talent rare capable de courir les trois distances (du sprint), il a un éventail sans limite. Il est de la trempe des tous meilleurs comme les Bolt et Van Niekerk », a salué son compatriote Marvin Bracy.
Kerley, qui a grandi à Taylor, près d’Austin au Texas, a cru en son destin après une enfance dans un environnement difficile, avec notamment un père en prison lorsqu’il était bébé. Il a été élevé sous le même toit que douze autre enfants, dont ses quatre frères et soeurs, par sa tante Virginia, dite « Meme », surnom inscrit sur sa peau parmi ses nombreux tatouages.
« Je pense à elle tous les jours, parce que sans elle, je ne serais pas en train de vous parler maintenant. Elle a sacrifié sa vie pour moi, mes frères, mes soeurs et mes cousins. Je la remercie de m’avoir donné les moyens de réussir ma vie », a raconté le sprinteur en zone mixte.
Très pieux, ce talent s’est d’abord exprimé au football américain et au basket au lycée, avant qu’une fracture d’une clavicule ne le pousse définitivement sur la piste, où il avait réussi des merveilles dès ses années universitaires avec la fac Texas A&M.
Derrière lui, le méconnu Bracy (28 ans) a gagné sa première médaille internationale en plein air. En larmes, Trayvon Bromell a lui décroché à 27 ans un nouveau bronze mondial sur la ligne droite après 2015. Entre-temps, d’importantes blessures lui avaient presque coûté sa carrière.
En 9 sec 86 (-0,1 m/s de vent), Kerley (27 ans) a devancé Marvin Bracy (9.88) et Trayvon Bromell (9.88), départagés au millième de seconde, alors que le champion olympique italien Marcell Jacobs a dû déclarer forfait pour blessure à quelques heures des demi-finales.