La liste des victimes s’allonge ……..

Avortement clandestin

Ouardirhi Abdelaziz

Les drames inhérents aux avortements clandestins pratiqués dans des conditions très dangereuses, par des apprentis sorciers, des matrones, est un sujet qui revient de nouveau au devant de la scène. Le mardi 31 janvier 2023, la police judiciaire d’Agadir a procédé à l’arrestation de quatre individus, dont un médecin, pour leur implication présumée dans une affaire d’avortement clandestin pratiqué sur une femme à Inezgane et ayant entraîné sa mort.

Plus jamais ça

Nous avons tous encore en mémoire le décès de  Meriem survenu la nuit du 6 au 7 Septembre 2022. Une jeune adolescente âgée de 14 ans morte, alors qu’elle subissait un avortement clandestin à Boumia dans la province de Mindel.

Une autre victime vient de connaitre le même sort, il s’agit d’une jeune femme d’Inezgane, qui a été transportée le samedi 28 janvier 2023 à l’hôpital dans un état très critique, et qui est morte.

Les investigations menées par les éléments de la police judiciaire ont révélé que la femme avait subi un avortement clandestin, pratiqué en dehors de l’hôpital.

Ces décès imputables aux avortements clandestins, doivent nous faire prendre conscience, que nous sommes tous concernés, que ce qui est arrivé à cette jeune fille de 14 ans de  Boumia, ou à cette jeune femme d’Inezgane peut arriver demain à n’importe lequel d’entre nous.

Il y a un devoir de sensibilisation de nos jeunes filles et garçons. Il y a un réel problème de communication et d’information, comme il y a aussi beaucoup à faire en termes d’éducation, qui doit commencer au sein des foyers. Les parents doivent assumer pleinement leur rôle.

L’école a aussi un rôle dans l’éducation de notre jeunesse, de même que les associations.

La presse écrite, audio-visuelle, électronique doivent aussi participer à ce grand projet, qui est celui de toute notre société, pour que plus jamais de tels drames ne se reproduisent.  

Des chiffres ahurissants

De pareils cas, de telles situations sont malheureusement très récurrentes. Et si on se réfère aux chiffres, qui faut-il le rappeler ne sont pas officiels, mais qui ont été présentés par le Pr Chafik Chraïbi, président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC) ; on apprend que chaque jour, pas moins de 800 avortements clandestins sont pratiqués par des réseaux spécialisés dans les avortements. Ces réseaux font appel pour leurs sales besognes à certains professionnels de santé peu scrupuleux, du secteur public et privé. Mais plus grave, plus dangereux, mais condamnables, de nombreuses femmes ont souvent recours à l’avortement clandestin. Une pratique dangereuse que pratiquent certaines matrones dans leurs maisons, ou des apprentis sorciers dans des arrières boutiques.

Qu’est-ce qu’un avortement ?

Un avortement est une interruption prématurée d’une grossesse.

Si l’interruption intervient spontanément, on parle d’une fausse couche. Si elle se fait artificiellement pour des raisons strictement médicales, on dit que c’est un avortement provoqué.

S’il s’agit de raisons non exclusivement médicales, on parle alors d’une interruption volontaire de grossesse(IVG). Elle est généralement pratiquée si la poursuite de la grossesse met la vie de la mère en danger ou si l’enfant risque d’être victime d’une maladie particulièrement grave ou incurable.

Avortement clandestin

Lorsque l’avortement est fait de façon clandestine en dehors de tout contrôle médical, on parle alors d’avortement provoqué clandestin, une pratique illégale.
Des femmes mariées ou divorcées, des veuves et même des jeunes filles parfois mineures, qui se retrouvent enceintes après avoir été abusées par des individus peu scrupuleux, des jeunes filles qui  n’hésitent pas un seul instant à se faire avorter n’importe où, au mépris de toutes les conditions sanitaires qu’exige la pratique médicale…


Sans chercher à blâmer quiconque, ou à jeter en pâture, ces femmes et ces jeunes filles, qui sont en réalité les victimes de la société dans laquelle nous vivons, et où il est impensable, inimaginable, et malsain pour une femme ou une jeune fille d’avoir des enfants en dehors des liens du mariage.

Pour beaucoup, l’honneur reste une question primordiale, et tous les moyens sont bons pour le sauver, même  si pour cela, on doit utiliser des moyens contraires aux lois.

Nombreuses sont celles qui ont recours à une interruption de grossesse médicalisée, en milieu surveillé ou toutes les conditions de sécurité pour la femme et d’hygiène sont réunies. Ces actes nécessitent des moyens.

Un regard coupable

Mais pour celles qui se retrouvent enceintes, sans moyens, et souvent abandonnées à leur triste sort, pour ces jeunes filles, la société est souvent sans pitié, la famille aussi. Le fait de parler de l’avortement n’est pas chose aisée, car cette pratique est entourée de plusieurs interdits, de tabous et autres barrières enchevêtrées et complexes. On trouve côte à côte la religion qui bannit l’avortement, la loi qui l’interdit, le regard de la société et celui du voisinage…

Il est vrai que dans une société comme la nôtre, il est impensable et malsain d’avoir des enfants en dehors des liens du mariage.

Etre enceinte sans mari, est quelque chose d’inconcevable, et dans la plupart des familles, mêmes celles qui sont dites modernes, tolérantes,  il n’est absolument pas question que la jeune fille puisse être vue dans cet état par son père ou ses frères. Elle sera considérée comme une prostituée, et sera rejetée, exclue ….

Des pratiques dangereuses

On comprend dès lors mieux, que l’anathème, la condamnation et la réprobation, voire même la malédiction qui est jetée sur ces jeunes filles ou ces jeunes femmes, sans soutien, va les pousser à se tourner vers des méthodes dites traditionnelles pour se débarrasser du fœtus, fruit de l’inceste. C’est ainsi que la société le juge.

Il s’en suit l’intervention de matrones connues pour ces basses besognes, qui utilisent des décoctions à base de différentes herbes souvent toxiques, injection d’eau de javel dans l’utérus de la femme, introduction d’aiguilles à tricoter, de sondes et autres ustensiles….

Ces auto-avortements ont des conséquences terribles sur la santé des femmes, qui dans la grande majorité des cas arrivent dans un état critique à l’hôpital avec une rupture de l’utérus, des déchirures du col de l’utérus ou du vagin, des infections sévères, septicémies des hémorragies et malheureusement la mort.

En conclusion, il est de notre devoir de rappeler ici que les avortements clandestins dans notre pays, sont une réalité amère, un phénomène qui prend de l’ampleur au fil du temps, et qui ne semble pas s’arrêter. Allons-nous rester inactifs, regarder en spectateurs passifs ce drame que beaucoup veulent occulter ?

Faut-il laisser les différentes associations de soutien à l’IVG se débattre toutes seules avec leurs moyens très modestes ou au contraire l’Etat doit-il s’investir et assumer pleinement, entièrement et totalement ses responsabilités au lieu d’appliquer la politique de  l’autruche.

Il y a à l’évidence une nécessité de relancer aujourd’hui le débat,  combien même le risque est envisageable d’assister une nouvelle fois à un blocage ou à  aucune réalisation concrète. Mais on ne doit pas baisser les bras car après tout, il s’agit de libertés individuelles.

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