L’oraison funèbre de l’Association des Barreaux du Maroc
L’Association des Barreaux du Maroc s’est associée au deuil causé par le décès de l’un de ses dirigeants et avocats de grande valeur. C’est le bâtonnier Chahbi qui a donné lecture à l’hommage rendu par l’ABM à Me Abdelaziz Benzakour, l’un des siens les plus marquants de son histoire. En voici une synthèse.
« Abdelaziz n’est pas mort ! Abdelaziz est un professionnel exceptionnel, qui restera présent parmi nous. Ses œuvres, ses sacrifices, son sérieux, sa sincérité, ses efforts déployés pour le bien de la profession d’avocat et les services qu’il a rendus à ses collègues resteront présents dans nos mémoires.
Nous n’oublierons pas, nous en tant que génération l’ayant côtoyé, travaillé avec lui et même étant ses disciples, nous n’oublierons jamais ce qu’il nous a donné, inculqué et fait profiter.
Entre ses mains et auprès de lui, nous avons appris les valeurs professionnelles qui doivent être respectées, le sens de la fidélité à ces valeurs, de l’attachement aux principes et du sacrifice pour le devoir, au détriment de son temps, de son Cabinet d’avocat, de sa famille pour le bien de la profession.
C’est Abdelaziz qui a inculqué, dans l’âme de toute une génération, la notion du devoir, et tout d’abord le devoir professionnel avant tout.
Abdelaziz était connu pour être celui qui entrait dans le bureau du Conseil à huit heures du matin pour n’en sortir qu’après minuit.
A vrai dire, Abdelaziz, le militant politique, le militant professionnel et le défenseur des droits, constitue en fait une école qui a influencé toute une génération et tous ceux qui l’ont côtoyé, notamment ses disciples et ceux qui l’avaient connu et appris, auprès de lui, le sens du sacrifice pour le bien de la profession.
Ce n’est pas la seule profession d’avocat qui a perdu Abdelaziz, mais plutôt sa patrie. Son sérieux, poussé jusqu’au bout, a caractérisé la relation d’Abdelaziz avec sa profession et les tâches qu’il a accomplies depuis son élection en tant que membre du Conseil de l’Ordre des avocats à la fin des années 70, puis son élection pour les années 1983-1984 et 1985, comme Président de l’Association des Barreaux du Maroc pour les années 1986-1987 et 1988, et également à la tête de l’Union Africaine des Avocats, dont il fût le premier président.
Le destin a donc voulu que la maladie l’empêche de poursuivre son combat en 1989. .. Cela ne l’a pas empêché, même de son lit à Paris, de continuer son combat comme nous l’avions constaté, avec nos deux collègues, Me Tayeb Omar et Me Tabih Abdelkébir, et il nous avait affirmé qu’il ne dormait qu’après minuit, occupé à éditer les documents et les rapports de l’Association.
Le même sérieux caractérisa notre défunt lorsque Sa Majesté le nomma membre du Conseil consultatif des droits de l’homme, puis de la Commission indépendante d’indemnisation des victimes de violations graves, puis comme médiateur du Royaume.
Comme chacun le sait, malgré son état de santé lors de la dernière période de sa vie, il s’est distingué par sa résistance et sa fermeté face à la maladie. (…)
Cet homme a énormément donné, selon le témoignage de tous ceux qui ont vécu avec lui et travaillé à ses côtés, que ce soit en tant qu’avocat, ou responsable associatif, ou encore en défenseur des droits de l’homme ou médiateur. Il a fait preuve d’un apport plus substantiel que ce que l’on attend d’un homme qui exerce la même mission, et c’est peut-être ce dont nous sommes tous témoins aujourd’hui.
Cette présence distinguée à ses funérailles et à ce dernier adieu ne sont qu’une preuve supplémentaire de la stature de ce combattant dont l’engagement est rare de nos jours.
Cet homme a apporté une contribution distinguée à tous les principes sur lesquels il a travaillé. Il était présent à toutes les étapes que la profession d’avocat a connues depuis qu’il y est entré. Il était présent à la plupart des rendez-vous d’élaboration de la loi réglementant la profession, de ses amendements protégeant l’indépendance et l’immunité de l’avocat, comme à celles de défense et de consolidation des droits de l’homme. Abdelaziz a été le premier au Maroc à organiser un débat national sur les droits de l’homme, à la frontière orientale du Maroc, pour en faire une leçon pour d’autres, durant ce que l’on appelait les Années de Plomb.
Abdelaziz, grâce à sa personnalité unique et sans précédent, ainsi qu’à son style distingué basé sur la responsabilité et l’engagement clair envers les principes, la sincérité et la loyauté, a préféré, à la fleur de l’âge, de se consacrer entièrement au service de la profession aux dépens de son Cabinet, à une étape importante de l’histoire du Maroc et de la profession en particulier.
Il mérite de nous aujourd’hui, de dire que nous ne perdons pas une personne, mais plutôt une école qui a contribué à la formation, à l’apprentissage et à la qualification de toute une génération d’avocats.
Je peux dire en toute sincérité que j’étais l’un d’entre ceux, qui auprès de lui et grâce à lui, nous avons appris le sens de l’attachement aux valeurs professionnelles et à la fidélité à leur égard.
Croyez-moi, devant cette audience solennelle, je ne trouve pas les mots appropriés pour exprimer à quel point nous sommes tous affectés par cette disparition et les sentiments de loyauté, de sincérité et d’estime que nous éprouvons tous pour notre défunt.
Il est de notre devoir, à nous tous, de profiter de cette triste et douloureuse circonstance pour nous adresser aux jeunes de la profession qui n’ont connu Maître Benzakour qu’à travers d’autres, afin de le prendre comme exemple et phare, dont nos avons si besoin professionnellement.
En l’honneur de son âme pure, l’Ordre des Avocats de Casablanca, le peu d’anciens bâtonniers encore en vie comme l’actuel, ne vous oublieront pas, et votre image, vos œuvres et vos services rendus à la profession resteront présents.
Nous vous promettons de suivre votre chemin et de poursuivre la voie que vous avez choisie.
Que Dieu lui fasse miséricorde !