Interview avec Lamiaa Boumehdi, coach du TP Mazembe
Oussama Zidouhia
Lamiaa Boumehdi à de nouveau écrit l’histoire du football féminin en remportant avec le TP Mazembe la Ligue des Champions africaine, pour la première fois dans l’histoire du club congolais. Une victoire méritée obtenu face à un adversaire redoutable, à savoir l’AS FAR, au Stade El Abdi d’El Jadida.
Lamia Boumehdi est une figure emblématique du football féminin marocain. Née le 27 septembre 1983 à Berrechid, elle a très tôt montré un talent exceptionnel pour le ballon rond. En tant que joueuse, elle a porté les couleurs de plusieurs clubs, notamment au Maroc, en Lybie, en Norvège et en Italie, où elle a également pratiqué le futsal.
Après onze années passées au cœur du FC Berrechid, Lamia Boumehdi a tenté l’aventure en Europe dès 2003, effectuant des essais au Paris Saint-Germain puis en Norvège l’année suivante. Malheureusement, une blessure à la mâchoire a interrompu prématurément son séjour scandinave.
Après avoir goûté au football italien à Pérouse, Lamia Boumehdi a décidé de revenir à ses racines et de rejoindre le FC Berrechid. Un choix payant puisqu’elle a remporté de nombreux titres régionaux et nationaux avec son club de cœur.
En effet, l’été 2007 a été marqué par un exploit historique pour le football féminin marocain. Lamia Boumehdi et ses coéquipières du FC Berrechid ont dominé le Championnat d’Afrique des clubs féminins organisé par l’UNAF, offrant au Royaume Chérifien son premier titre continental dans cette discipline, après un nul face à Al-Amir Abdelkader d’Algérie, 1-1 et deux victoires face au Caire d’Égypte 2-1 et contre l’équipe de Tunsair de Tunisie 5-1.
Les succès de Lamia Boumehdi se sont poursuivis au Liban. En 2008-2009, elle a conquis le cœur des supporters du Sadaka SC en remportant le championnat et la coupe nationale. Ses 14 réalisations lui permettent de décrocher le titre de meilleure buteuse de la compétition.
En 1999, à l’âge de 16 ans seulement, Boumehdi est propulsée sur la scène internationale, devenant la plus jeune joueuse à porter le maillot du Maroc. En 2000, elle participe aux éliminatoires de la CAN face à l’Algérie et contribue largement aux deux victoires du Maroc (3-0 puis 3-1), assurant ainsi la qualification de son pays pour la phase finale en Afrique du Sud.
En 2001, elle joue un rôle déterminant dans le sacre de l’équipe nationale des moins de 19 ans au Championnat arabe junior. Grâce à son talent, elle contribue grandement aux victoires du Maroc, notamment en finale face à l’Égypte.
Après avoir raccroché les crampons, la Lionne de l’Atlas s’est naturellement tournée vers l’entraînement. Son expérience en tant que joueuse, associée à une vision moderne du football, lui a rapidement permis de se faire une place dans le monde du coaching.
Soucieuse de parfaire sa formation, Lamia Boumehdi obtient en 2012 le diplôme CAF de licence C. Elle poursuit ensuite ses études en Allemagne, à l’Université de Leipzig, où elle se spécialise en sciences du sport. Cinq mois plus tard, elle obtient sa certification. Par la suite, Boumehdi dirige avec succès le Wydad de Casablanca.
Suite à son passage chez le club casablancais, elle poursuit sa formation d’entraîneur en obtenant sa licence B de la CAF. Elle se perfectionne ensuite au Cameroun en décrochant un diplôme d’instructeur, élargissant ainsi ses compétences, avant d’être nommé par la FRMF sélectionneuse des équipes du Maroc des moins de 17 ans puis des moins de 20 ans.
Lamia Boumehdi inscrit son nom au palmarès du football féminin marocain en remportant la Girls Alsace Cup avec les moins de 17 ans. Une victoire historique face à des équipes européennes de premier plan. En 2019, la native de Berrechid signe un doublé avec les moins de 20 ans, en remportant la médaille de bronze aux Jeux africains et le tournoi UNAF.
Suite au départ de Lelly Lindsey, Lamia Boumehdi assure l’intérim à la tête de l’équipe nationale du Maroc en 2020. Elle dirige les Lionnes de l’Atlas lors d’un stage au Ghana, où elles affrontent les Black Queens à deux reprises.
En 2023, elle rejoint le prestigieux club congolais du TP Mazembe. Dès sa première saison, elle remporte le championnat national et offre au club un titre historique en battant l’AS FAR en finale de la Ligue des champions féminine de la CAF.
Pour conclure, Lamia Boumehdi est une véritable inspiration pour les jeunes marocaines. Ses succès, tant au niveau national qu’international, ont mis en lumière le potentiel du football féminin au Maroc et ont ouvert de nouvelles perspectives pour les générations futures. En franchissant les frontières et en remportant des titres prestigieux, elle a démontré que les femmes marocaines peuvent exceller dans le monde du football et ainsi inspirer de nombreuses filles à suivre leurs rêves.
Questions pour une Championne !
Albayane. Quelle émotion avez-vous ressentie en remportant la Ligue des Champions avec le TP Mazembe sur le sol marocain ?
Lamiaa Boumehdi. Je suis très heureuse d’avoir remporté la ligue des champions africaine dans mon pays et devant mon peuple. Je suis également fière d’être la première entraîneuse marocaine, arabe et africaine a remporté ce titre.
Votre mère a été à l’origine de la création de la section féminine du FC Berrechid en 1997. Comment a-t-elle contribué à façonner la femme, la joueuse et le coach que vous êtes aujourd’hui ?
La femme que je suis aujourd’hui, c’est en grande partie grâce aux sacrifices de ma mère. Quand j’étais petite, ma passion pour le football, un sport encore peu ouvert aux filles, a rencontré l’incompréhension de beaucoup. Mais ma mère, loin de me freiner, a tout mis en œuvre pour que je puisse réaliser mon rêve. C’est ainsi qu’elle a créé l’équipe féminine de football de Berrechid, ouvrant ainsi la voie à de nombreuses autres jeunes filles.
Comment avez-vous vécu votre expérience en tant que joueuse internationale, et en quoi cela a-t-il influencé votre vision du coaching ?
Mon parcours en équipe nationale marocaine a été déterminant dans ma carrière. À 16 ans, devenir la plus jeune joueuse de l’histoire de la sélection féminine a été un honneur immense, c’est d’ailleurs un record que je tiens toujours. A cet âge, j’avais participé aux éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations, en battant au passage l’Algérie lors d’une double confrontation pour valider notre qualification pour la CAN en Afrique du Sud. J’ai pu acquérir une grande expérience avec la sélection nationale qui m’a permise de côtoyer de grands entraineurs, ce qui a été déterminant dans mon parcours pour devenir l’entraineuse que je suis aujourd’hui.
Selon vous, quels sont les principaux obstacles à surmonter pour développer le football féminin sur le continent ?
Afin de développer le football féminin en Afrique, on a besoin d’encore plus de compétitions de haut niveau, la LDC est une excellente initiative de la part de la CAF, cependant, l’instance africaine de football devrait s’investir encore plus dans le développement des jeunes, en mettant en place la CAN U17 et U20, vu que ses derniers ne peuvent que participer aux éliminatoires de la Coupe du Monde. La création de ses compétitions serait une initiative essentielle pour le développement du football féminin en Afrique. En offrant aux jeunes joueuses la possibilité de se confronter à un haut niveau de compétition, la CAF contribuerait à renforcer le football féminin sur le continent et à révéler de futurs talents.
Si vous deviez donner un conseil à une jeune fille qui souhaite devenir joueuse ou coach de football, quel serait-il ?
Mon conseil pour toute fille qui souhaite jouer au football Pro ou devenir entraineuse serait de ne jamais abandonner son rêve, elle doit affronter les difficultés sans donner d’importance a ce que pense les gens, croit en t es rêves !
Un message pour vos fans ?
Tout d’abord, je souhaite exprimer ma profonde gratitude à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, pour son engagement en faveur du développement du sport féminin au Maroc. Mes remerciements vont également à la Fédération Royale Marocaine de Football et à son président de M. Fouzi Lekjaa. J’ai été agréablement surprise par l’amour que m a montré le public marocain. Les messages de félicitations que j’ai reçus m’ont profondément touchée. Je me suis sentie soutenue, aimée et incroyablement fière de représenter mon pays. Le soutien inconditionnel du public marocain m’a donné la force de me surpasser et de réaliser mes rêves. C’est grâce à eux que je suis devenue la sportive que je suis aujourd’hui.