C’est que des nuls qui regardent ça

Sa litière est un obus
Elle heurte le balcon
Le voisin dit son sermon.
Bientôt, ma tisane va gicler
« C’est encore du pipi de chat
y a que les vieilles qui avalent ça ! »
Les murs en sont si imbibés
Pas étonnant qu’ils ne m’aident pas !
La télécommande est lancée
J’évite les tirs, je me déhanche
Mais c’est ma plante qui est fauchée :
Plus de branches
Cette fois elle n’était pas visée !
L’alcool le freine
Je suis en veine.
Il est à court de projectiles
Ses clés m’arrivent en première ligne
Je prends les dernières munitions
À bout portant et en plein front.
Les gendarmes l’ont interrogé
Il a fallu le dessaouler.
Un alcoolique, il n’est pas
Une femme battue, je ne suis pas
Des femmes battues, il en connaît
Il leur distribue des repas
À cet emploi on le connaît
Chacun le recommanderait.
A l’audience je me présente
Ma cicatrice est imposante
Il voudrait être pardonné
Il n’a pas voulu me défigurer.
Au bruit de mon silence, il sait
Vu le courroux du Juge, il sait.

Le juge, encore, a ordonné :
obligation de se sevrer
interdiction de m’approcher.
Je guette encore les bruits de l’escalier
mais j’ai remplacé ma serrure et ma clé
je peux regarder l’émission que je veux
et je peux être aussi nulle que je veux.
Ma plante comme moi reste balafrée
nos ramures se sont étiolées
mais nos racines, elles, sont vivaces.
Ma plante aura de nouvelles pousses
elle sera mon espoir
elle sera mon miroir.

Avocate et poétesse
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