Un acteur central de la couverture médicale

nationale de sécurité sociale (CNSS) et depuis le lancement officiel par SM le roi Mohammed VI de l’opération de généralisation du régime d’assistance médicale (RAMED) qui devra bénéficier à environ 8,5 millions de personnes économiquement faibles, les citoyens connaissent mieux ce qu’est le RAMED. Mais ce que beaucoup ignorent c’est l’existence de l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM), ses missions, ses compétences… Zoom sur un acteur central dans le paysage de la couverture médicale.

L’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM) est un établissement public marocain à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, et placé sous la tutelle de l’État. Elle a été créée le 26 mai 2005, pour veiller à la bonne application de la loi no 65-00, portant code de la couverture médicale de base.

Une institution responsable

Telle que prévu par la législation en vigueur, l’ANAM a pour missions principales l’encadrement et la régulation du système de l’Assurance maladie obligatoire (AMO), ainsi que la gestion des ressources du Régime d’assistance médicale (RAMED).

La compétence de l’Agence de veiller au respect des dispositions de la loi régissant la couverture médicale de base, l’érige en l’une des institutions responsables de la déclinaison de la constitution dans son volet relatif aux droits fondamentaux du citoyen marocain dont fait partie le droit à la couverture médicale.

À ce titre,  l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM)  est chargée de :

S’assurer, de concert avec l’administration, de l’adéquation entre le fonctionnement de l’assurance maladie obligatoire de base et les objectifs de l’État en matière de santé;

Conduire, dans les conditions fixées par voie réglementaire, les négociations relatives à l’établissement des conventions nationales entre les organismes gestionnaires d’une part, les prestataires de soins et les fournisseurs de biens et de services médicaux d’autre part;

Proposer à l’administration les mesures nécessaires à la régulation du système d’assurance maladie obligatoire de base et, en particulier, les mécanismes appropriés de maîtrise des coûts de l’assurance maladie obligatoire de base et veiller à leur respect;

Emettre son avis sur les projets de textes législatifs et réglementaires relatifs à l’assurance maladie obligatoire de base dont elle est saisie par l’administration, ainsi que sur toutes autres questions relatives au même objet;

Veiller à l’équilibre global entre les ressources et les dépenses pour chaque régime d’assurance maladie obligatoire de base;

Apporter l’appui technique aux organismes gestionnaires pour la mise en place d’un dispositif permanent d’évaluation des soins dispensés aux bénéficiaires de l’assurance maladie obligatoire de base dans les conditions et selon les formes édictées par l’administration;

Assurer l’arbitrage en cas de litiges entre les différents intervenants dans l’assurance maladie;

Assurer la normalisation des outils de gestion et documents relatifs à l’assurance maladie obligatoire de base;

Tenir les informations statistiques consolidées de l’assurance maladie obligatoire de base sur la base des rapports annuels qui lui sont adressés par chacun des organismes gestionnaires;

Elaborer et diffuser annuellement un rapport global relatant les ressources, les dépenses et les données relatives à la consommation médicale des différents régimes d’assurance maladie obligatoire de base.

Et en vertu de l’article 60 de la même loi n°65-00, l’Agence est chargée de la gestion des ressources affectées au régime d’assistance médicale.

Après huit ans de sa création, d’importantes réalisations ont été concrétisées dans le cadre de l’AMO surtout en ce qui concerne les salariés et les retraités des secteurs privé et public ainsi que pour les économiquement démunis dans le cadre du RAMED après sa généralisation sur tout le territoire national. 
La population couverte dans le cadre de la couverture médicale y compris celle régie par l’article 114 de la loi 65-00, jusqu’à fin 2011, est de l’ordre de 16.250.000, soit 51% de l’ensemble de la population marocaine. La contribution à l’économie de santé nationale de l’assurance maladie et du RAMED s’élève à 20%, soit environ 9.2 milliards de Dirhams.

L’ANAM devant  ses responsabilités

Toutefois, en dépit de ces acquis, le défi principal auquel notre système est confronté est celui de la réduction de la part des dépenses directes des ménages, chose qui fait, malheureusement, du Maroc l’un des pays dont la population continue de supporter plus de 50% des dépenses globales de santé. 

C’est pourquoi le défi auquel doit faire face  aujourd’hui l’ANAM, est la généralisation de la couverture médicale de base aux autres catégories notamment les indépendants et les professions libérales tout en accompagnant ce chantier par le renforcement des investissements en matière de santé principalement dans le monde rural et en se dotant de mécanismes efficaces pour bien réguler et encadrer ce système. 
La mise en application de la nouvelle constitution dans son volet relatif au droit d’accès aux soins et à la couverture médicale, la feuille de route Royale adressée aux 2es Assises nationales de la santé tenues à Marrakech les 1, 2 et 3 juillet 2013 et les recommandations qui en ont découlé sont toutes des orientations stratégiques mettant l’ANAM devant de nouvelles responsabilités afin qu’elle contribue de façon efficace et tangible à la concrétisation de la couverture universelle pour laquelle le Maroc s’est engagé, à l’instar des pays membres de l’Organisation mondiale de santé, en 2005 et 2011 et qui est supposée constituer un objectif de développement pour après 2015.

Par conséquent, l’ANAM doit revoir son positionnement stratégique afin de s’acquitter de toutes ses missions particulièrement celle relative à l’extension de la couverture médicale de base en vue d’atteindre toutes les catégories sans oublier le renforcement des mécanismes de contrôle, de régulation et de maîtrise des dépenses et par voie de conséquence des équilibres financiers des régimes existants et futurs.

Un organisme gestionnaire du RAMED indépendant

Qui doit gérer et réguler le Ramed ? C’est une question qui est posée depuis longtemps et qui a fait couler beaucoup d’encre. Au moment où le régime d’assurance maladie pour les économiquement démunis (Ramed) n’a pas encore atteint les objectifs qu’il s’est assigné suscite et au moment où les pouvoirs publics sont en train de mettre tout en œuvre pour concrétiser sa généralisation et ce malgré une multitude d’obstacles, d’écueils et d’embuches qui se dressent sur le chemin du RAMED, le ministère de la Santé et l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM) sont  unanimes pour reconnaître que la gestion du RAMED doit revenir à un organisme indépendant .

Pourquoi en sommes nous arrivés là ?

Tout simplement par soucis du respect de la loi. En effet la loi fait nettement la distinction entre le gestionnaire d’un régime et le prestataire de soins. Autrement dit, un opérateur ne peut pas assurer en même temps les deux rôles pour ne pas être juge et partie. Or, il se trouve justement que le ministère de la santé est dans cette situation : il est prestataire de soins et  ne peut assurer la gestion du Ramed.

L’ANAM dans le cadre de sa mission de gestion des ressources du RAMED, assure le traitement des dossiers des éligibles, leur immatriculation ainsi que la collecte des contributions des personnes en situation de vulnérabilité et l’estimation annuelle des montants des contributions des collectivités locales pour les pauvres absolus.

L’ANAM se retrouve alors gestionnaire des ressources du RAMED et régulateur de l’AMO, deux attributions antinomiques. Choses qui ne lui permettent pas de jouer pleinement son rôle de régulation de la CMB (AMO et RAMED);

D’où la proposition à soumettre au Conseil d’Administration de l’ANAM qui consiste à créer un organisme gestionnaire du RAMED, indépendant du Ministère de la santé et sous le contrôle de l’ANAM pour que cette dernière puisse se focaliser sur la régulation de la CMB.

Cette proposition s’inspire aussi de la recommandation faite par la Conseil économique, social et environnemental dans son rapport relatif aux soins de santé de base : Vers un accès équitable et généralisé.

Et à titre provisoire (2014-2015), l’ANAM continuera à gérer les ressources du RAMED conformément aux dispositions de la loi 65-00 en attendant son amendement;

Nouvelle feuille de route 2014-2018

Par rapport au bilan très modeste de la mise en œuvre de la CMB depuis 2005 en particulier en ce qui concerne la manière dont a été conduit et gouverné à la fois la CMB et l’ANAM, et compte tenu du benchmark opéré, un repositionnement stratégique de l’ANAM s’avère impératif.

Pour contribuer à la concrétisation de l’objectif de la couverture sanitaire universelle au Maroc, L’ANAM doit s’inscrire dans une nouvelle vision permettant de la repositionner de manière stratégique sur l’échiquier de la couverture médicale de base.

Cette vision s’appuie sur cinq axes stratégiques et portée par une feuille de route pour la période 2014-2018 déclinée en plan d’actions.

Accompagnement des réformes de santé

Il s’agit d’accompagner surtout les réformes suivantes :

• La réforme du financement, par une implication très forte de l’ANAM aux projets structurants relatifs à la CMBIII et au PA RCOUMIII, financés respectivement par un don de la Commission Européenne et un prêt de la Banque Africaine de Développement.

• La réforme hospitalière, par un appui au management des hôpitaux et des cliniques privées notamment en ce qui concerne le système d’information hospitalier y compris le système de facturation et la formation des professionnels de santé en particulier sur les outils de régulation.

• La politique du médicament, en vue de rendre les produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux accessibles à la population assurée (liste des médicaments et dispositifs médicaux remboursables, génériques, prix,…).

• La politique de préventions en vue de contribuer avec les organismes gestionnaires de l’AMO à la mise en œuvre des actions de santé publique.

Harmonisation des régimes

Il est nécessaire de converger vers un même panier de soins essentiels ; mêmes taux de cotisation et de couverture et à des modalités de rémunération des prestations normalisées et équitables.

Pour débloquer les négociations sur la tarification nationale de référence (TNR), il est prévu de rendre la durée des conventions souple; rendre sectorielle la négociation des conventions nationales des médecins libéraux, séparer le conventionnement entre les professionnels de santé et les établissements de soins, légitimer les responsables chargés de la négociation, etc.; aussi, et pour plus de transparence, est-il nécessaire de formaliser le ticket modérateur et les frais liés au confort, et, ce en vue de lutter contre le noir et la pratique des chèques de garantie.

Il est important aussi de fixer le cadre financier de la consommation médicale sur la base d’une indexation annuelle sur quatre ans et édicter de nouvelles règles pour responsabiliser les prestataires par rapport à ce cadre;

En fin, le rôle des régimes transitoires est à clarifier : gestion déléguée de l’AMO de certaines catégories et/ou couverture complémentaire.

Cet axe se décline en actions comme suit :

• Adopter un panier de soins essentiels et un autre pour la complémentaire ;

• Rendre équitable les taux des contributions, Taux de couverture/ tickets modérateurs;

• Adopter des modalités de rémunération des prestataires de soins normalisées et équitables;

• Rendre les conventions tarifaires opposables en adoptant le principe du volontariat d’adhésion;

• Accélérer l’élaboration des protocoles thérapeutiques notamment pour les ALD et les ALC;

• Identifier les problématiques d’ordre opérationnel des organismes gestionnaires afin d’éviter de leur proposer des projets ne collant pas à leur réalité ou dépassant leur capacité à les gérer.

Accélération de l’extension de  l’AMO aux autres catégories

Le troisième axe prévoit le développement d’une vision de mise en œuvre de l’AMO par un calendrier précis, pour étendre l’AMO aux indépendants, aux étudiants et aux ascendants en les intégrant progressivement aux régimes existants.

Pour pérenniser le régime RAMED en termes de financement, de gestion et de contrôle, il est impératif d’assurer sa gestion par un organisme gestionnaire (nouveau ou existant) indépendant du ministère de la santé et de  l’ANAM

Les actions proposées sont de :

• développer une vision de mise en œuvre de l’AMO ;

• intégrer les assurés de la CNSS aux droits fermés à l’AMO;

• intégrer les indépendants et professions libérales progressivement aux régimes existants;

• intégrer les étudiants et les ascendants immédiatement aux régimes existants;

• confier la gestion du RAMED à un organisme gestionnaire pour être géré selon les normes et standards de l’assurance sociale.

Réforme de la gouvernance de la CMB et de l’ANAM

Plusieurs mesures sont proposées au titre de l’axe concernant la gouvernance, particulièrement :

• La création d’une commission de gouvernance des régimes;

• L’amélioration de l’efficience de la CMB : possibilité de convergence vers deux pôles;

• Normaliser la gestion des ressources de la CMB par la mise en place du système national intégré d’information et de gestion basé sur la dématérialisation des actes et des flux;

• La mise en place d’un système intégré de gestion et d’information de la CMB avec dématérialisation des actes et flux;

• L’accélération de la séparation entre les organismes gestionnaires de l’AMO de leurs services de soins;

Aussi, d’autres mesures sont-elles envisagées pour améliorer le management de l’ANAM. Il s’agit de :

• renforcer le dispositif de régulation, veiller à son application et à son évaluation (protocoles thérapeutique, nomenclature, liste des médicaments et dispositifs médicaux remboursables, démarche coût, etc.)

• développer une stratégie de communication de l’ANAM pour améliorer les relations avec la presse et renforcer la concertation avec les différents acteurs de la CMB en vue de rapprocher l’ANAM de ses partenaires, notamment du Ministère de la Santé.

• réaliser un audit institutionnel organisationnel et de gestion de l’ANAM. l’objectif étant de réadapter les effectifs en quantité et en qualité aux missions de l’ANAM, d’adopter un nouveau statut du personnel permettant une rémunération adéquatement liée à la charge du travail (REC), d’élaborer un budget programme sur trois années, de renforcer l’organigramme de l’ANAM par la création de structures chargée la planification stratégique et de coopération), d’ériger la division de l’information en une direction chargée du système national intégré de gestion et d’information et enfin de mettre en place une organisation dédiée au RAMED.

• institutionnaliser la formation continue ;

• développer les actions des œuvres sociales de l’ANAM (adhésion à la Fondation Hassan II).

Refonte du dispositif juridique

Le plus grand défi auquel sera confrontée la mise en œuvre de la présente feuille de route, reste bien évidemment l’actualisation de l’arsenal juridique

Quatre principaux domaines seront concernés :

• la correction des incohérences dans le dispositif juridique;

• la gouvernance de la CMB;

• la gestion des régimes;

• la gouvernance de l’ANAM.

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