Ramadan et grossesse: être à l’écoute de son corps

Le mois de Ramadan au cours duquel tous les fidèles pratiquent le jeûne occupe une place à part dans nos cœurs. Le principe de ce mois si particulier est de se purifier le corps et l’esprit, pour se rapprocher encore plus de Dieu.

Mais le jeûne de Ramadan par ces longues journées, marquées par la chaleur  peut représenter une épreuve difficile pour les femmes enceintes et celles qui allaitent. La grande majorité des femmes enceintes tiennent coûte que coûte à pratiquer le  jeûne du mois de Ramadan. Certaines ne veulent rien entendre malgré les conseils éclairés de leur médecin traitant,  même quand leur état de santé est faible. Ce qui les expose à des risques de santé avérés pour elle-même et pour leur fœtus. Pourtant l’Islam est très clair sur cette question.

Pour en savoir davantage sur le Ramadan et la grossesse, nous avons rencontré le docteur Jai Hokimi Amina, une praticienne très imbue de ses connaissances tant médicales que religieuses.

Al Bayane: Est – il risqué pour une femme enceinte de jeûne durant ce mois de Ramadan?

Docteur Jai Hokimi Amina: Il est très important de rappeler si besoin est que  l’Islam est une religion de tolérance, de paix, de justice, d’amour. C’est pourquoi la pratique du jeûne est interdite par l’Islam dès que l’individu encourt le moindre danger, l’Islam est sur ce point on ne peut plus clair. Dans le saint Coran Allah, Exalté soit-il, dit : «Allah veut pour vous la facilité» (Coran 2/185)
«Allah veut vous alléger (les obligations)» (Coran 4/28)
«Il ne vous a imposé aucune gêne dans la religion» (Coran 22/78)
Le Prophète Sidna Mohamed, paix et salut soient sur lui, a dit : “Allah aime que l’on use de Ses dispenses comme Il déteste qu’on Lui désobéisse. »

Donc, comme on le voit tout est clair. Il faut s’en remettre à l’avis de son médecin traitant, à son gynécologue qui sait très bien ce qui convient le mieux à la femme qui est enceinte, si cette dernière doit ou ne doit pas jeûner.

Faut – il comprendre par là que ce n’est pas une règle générale?

Oui, bien entendu, ce n’est pas une règle générale. Il n’est pas dit que toutes les femmes qui sont enceintes doivent du jour au lendemain cesser la pratique du jeûne durant le mois sacré de Ramadan. Je dirais plutôt que la pratique du jeûne lors d’une grossesse est à étudier au cas par cas.

Le médecin doit examiner sa patiente, écouter celle – ci, prendre en considération son désir de jeûner, celui de respecter le Ramadan, qui est le quatrième pilier de l’Islam. Il faut accompagner médicalement et psychologiquement cette femme enceinte.

Grace à cette relation de confiance entre la patiente et son médecin, la femme enceinte suivra plus sereinement les conseils éclairés qui sont motivés pour son bien être physique et psychique.

Vous savez la grande majorité des femmes enceintes, que je vois lors de mes consultations, celles qui sont suivies régulièrement en prénatal, ne souffrent d’aucune pathologie, et de ce fait, peuvent très bien supporter la pratique du jeûne durant ce mois sacré de Ramadan. Il serait aberrant de vouloir priver ces femmes d’accomplir l’un des piliers de l’Islam.

Quelles sont les périodes les plus sensibles lors de la grossesse?

Votre question met le doigt sur un point essentiel et fondamental car la grossesse, qui dure 9 mois n’est pas synonyme d’un fleuve tranquille. Il y a différentes phases marquées par l’évolution du fœtus, sa croissance, les modifications du corps de la femme qui sont intimement liées à l’alimentation, à l’hydratation, à l’environnement dans lequel évolue la femme enceinte.

Il n’y a aucun secret. Tout est clair, nous savons tous, qu’une femme enceinte doit observer certaines règles hygiène – diététiques. Elle doit  bien se nourrir pour pouvoir supporter convenablement  sa grossesse. Son alimentation doit donc être saine et équilibrée pour permettre à son fœtus de se développer dans de très bonnes conditions. Mais est – ce le cas durant les longues journées de Ramadan ?

Il est démontré scientifiquement que la pratique du jeûne de Ramadan (15 à 17 heures sans boire ni manger) aura des conséquences sur l’état de santé de la femme enceinte et partant, sur son fœtus. Pour répondre à votre question, et de par ma longue expérience, je déconseille aux femmes enceintes de pratiquer le jeûne du Ramadan, surtout pendant le premier et le troisième trimestre.

Pourquoi le premier et le troisième trimestre de la grossesse?

Il est important de savoir que les besoins énergétiques et en nutriments sont augmentés pendant la grossesse. Au cours des trois premiers mois de grossesse, l’embryon a besoin de nutriments spécifiques pour se former. De ce fait, une carence, c’est-à-dire un manque, peut entrainer une malformation. En outre, pour de nombreuses femmes enceintes,  le premier trimestre de la grossesse c’est généralement un peu plus de fatigue, l’apparition de nausées, parfois des vomissements, des vertiges, des envies de dormir. Bref, le premier trimestre est marqué par de grands bouleversements et donc, il faut savoir écouter son corps et être très vigilante.

En ce qui concerne les trois derniers mois de grossesse, c’est la phase de croissance rapide. Une carence peut entrainer un retard de croissance. Et puis, il faut dire aussi que le troisième trimestre, c’est celui où le ventre de la femme est développé. Il augmente de volume, avec tout ce que cela signifie comme gène : fatigue, œdèmes des membres inférieurs, ce qui peut rendre la pratique du jeûne relativement  difficile.

Au regard de tous ces éléments et d’autres, il est  tout à fait compréhensible de dire que ces deux périodes ne sont donc pas propices au jeûne. Il ne faut pas croire que le médecin décide à la va vite, de conseiller ou de déconseiller à sa patiente enceinte de faire ou ne pas faire le jeûne. Cette question a fait l’objet de nombreuses études  qui se sont penchées sur les risques que peut encourir une femme enceinte.  Nous avons tous notre propre expérience avec la grossesse. Certaines femmes enceintes souffrent d’un manque d’appétit et boivent peu,  autant de facteurs qui peuvent  entrainer une déshydratation surtout par ces chaleurs, ce qui fait courir au fœtus le risque d’une mauvaise prise de poids, d’une naissance prématurée.

Sur ce dernier point, il a été démontré par exemple que les risques de fausses couches, de venue au monde de bébés prématurés ou ayant un poids de naissance inférieur à la moyenne, sont en rapport avec la pratique du jeûne du Ramadan. C’est d’autant plus vrai surtout chez des femmes ayant eu un mauvais régime alimentaire et dont les apports caloriques et l’hydratation étaient insuffisants.

Par conséquent, je veux encore une fois de plus déconseiller aux femmes enceintes de pratiquer le jeûne du Ramadan, surtout pendant le premier et le troisième trimestre. Ceci étant dit, il y a lieu de consulter son médecin traitant et de ne pas s’enfermer dans une attitude négative qui peut s’avérer lourde de conséquences.

Quels sont les maux qui peuvent être aggravés par le jeûne?

Dans leur  grande majorité des cas, les grossesses se passent sans aucun problème, mais il faut dire que dans certains cas, la femme enceinte ressent des faiblesses passagères, des céphalées, des sensations de vertige,  des brûlures d’estomac, la constipation ……

Ces maux courants lors d’une grossesse, varient d’une femme à l’autre. Ils sont identifiés et sont très bien suivis par le médecin traitant en temps normal, et tout rentre dans l’ordre. Mais il faut dire que ces  maux de la grossesse sont susceptibles d’être aggravés par le jeûne. Ainsi, des brûlures d’estomac intense, des nausées, des vomissements répétés, une chute de la tension artérielle peuvent apparaitre….

Que pouvez – vous nous dire au sujet du diabète et de la grossesse?

Personnellement, je reste imperturbable pour déconseiller la pratique du jeûne à toute femme enceinte qui présente un diabète gestationnel, c’est-à-dire qui est en relation avec la grossesse de la femme.
Il est clair que jeûner dans ce cas précis rendra difficile l’équilibration des glycémies tout au long de la journée. Le fœtus risque lui aussi une mauvaise croissance pendant la grossesse et une hypoglycémie à la naissance et la femme enceinte risque de développer un diabète avéré plus tard. Etant donné que ce diabète ne se traite que par insuline, il vaut mieux éviter de jeûner et se concentrer sur l’équilibre de son alimentation afin de veiller à avoir des glycémies correctes toute la journée.

Que pouvez – vous conseiller aux femmes enceintes qui désirent pratiquer le jeûne du mois de Ramadan?

Mon premier conseil est de dire  à chaque femme  enceinte qui désire pratiquer le jeûne du mois de Ramadan de consulter son médecin, et ce, pour sa sécurité et celle de l’enfant qu’elle porte.

Concernant le volet relatif à l’alimentation, la femme enceinte veillera à avoir une alimentation variée, éviter les sucres rapides, ne pas négliger les protéines, acides gras et le fer dont le bébé a besoin, notamment au 3e trimestre (haricots secs, viande bien cuite, noix…).
Il ne faut pas commettre les erreurs qui consistent à sauter le repas du Shour. C’est lui qui prodiguera les féculents sources d’énergie pour la journée, et l’eau pour éviter la déshydratation.
La grossesse est une étape durant laquelle la femme enceinte devra faire plus attention aux activités qu’elle a l’habitude de réaliser et ne pas forcer ou soulever de lourdes charges, des couffins, rester debout des heures. La femme enceinte devra se ménager un temps de sieste pendant la journée.
Par la chaleur que connaissent certaines villes où le thermomètre enregistre des températures élevées,  la femme enceinte devra faire attention et rester au frais, s’organiser pour limiter les sorties non indispensables, essayer d’éviter les grandes invitations et veillées tardives, savoir accepter l’aide de l’entourage.
La femme enceinte ne doit pas hésiter un seul instant pour interrompre le jeûne au moindre signe de déshydratation tels que la soif intense, des urines plus sombres et plus odorantes, des vertiges, des épisodes de fatigue voire d’évanouissement, maux de tête, douleurs diffuses. En effet, la femme enceinte risquerait de chuter si elle est debout, ou de perdre connaissance au volant de sa voiture.

Dans tous les cas, il faut savoir écouter son corps.

Abdelaziz Ouardirhi

One Comment;

  1. Assia a dit:

    Très bon article, intéressant et éclairant. Bravo au docteur qui semble être une spécialiste

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