En versant 40 millions d’Euros pour l’acquisition d’une nouvelle caisserie à Tanger, International Paper, leader mondial du papier carton, vient de conforter sa présence au Maroc et se montre confiant dans la prospérité de ses activités au Royaume. Retour avec Bertrand Laplaud sur ce deal, sur l’actualité du secteur et sur les perspectives de développement de la société dans un marché national en pleine croissance.
Lors de votre point de presse, vous avez mentionné que « le Maroc pour l’Afrique, c’est un peu comme la Californie pour les États-Unis », pourquoi cette assimilation ?
Le Maroc est une zone de croissance, qui se développe au niveau infrastructurel et énergétique, des autoroutes, le TGV qui arrive, etc. Pour moi, c’est une région où il fait bon vivre. J’ai choisi cette image car l’expansion économique s’y fait rapidement grâce à toutes les mesures prises par le gouvernement, dont je cite les plans Maroc Vert et Halieutis, les actions entreprises envers le secteur automobile avec l’arrivée de Renault en 2012 et Peugeot en 2019. Un troisième, voire un quatrième constructeur automobile… ça draine beaucoup de sous-traitants automobile. Tout cela crée de l’emploi. Dans mon domaine, qui est le papier carton, les chineurs de vieux papier qui pourront agir sous le statut d’autoentrepreneur. Tout ceci est une dynamique très positive.
Quel est votre part du marché marocain du papier carton?
Au niveau du Maroc, il n’y a pas de statistiques officielles mais on estime notre position, terme que je préfère à «part de marché», entre 40% et 45% en intégrant le nouveau site de Tanger.
Revenons sur ce site, vous avez évoqué que cette acquisition permettra à l’entreprise de «réaliser d’importantes synergies dans son système de caisseries au Maroc». Expliquez-nous comment?
Aujourd’hui, à travers nos deux sites de Casablanca et d’Agadir, nous n’avions plus la capacité de croitre et de grandir, d’où l’idée d’un nouveau site, chose faite à travers cette acquisition. Ce qui nous a épargné de procéder à un autre scénario, car nous allions créer une nouvelle caisserie entre Kenitra et Tanger. Après cette acquisition, on va avoir un certain nombre de synergies. Déjà, il y aura des volumes qui vont être fabriqués à Tanger et non plus à Casablanca. Les coûts de transport diminueront, en plus de procéder à une meilleur répartition des volumes entre Agadir, Casablanca et Tanger, et donc on redonnera de l’air aux trois sites pour devenir plus à même de servir nos clients et de récupérer probablement certains volumes avec des économies de transport à la clé.
Vous avez cité qu’une caisserie doit exister tous les 200 km, et actuellement les vôtres sont chacune à 400 km d’intervalle. Votre but est-il atteint ou est-ce que d’autres caisseries verraient le jour?
Pour bien livrer ses clients et être compétitifs, il faut livrer dans un « jardin » d’un rayon de 200 km. Quand on est à 400 km entre deux caisseries, on est parfaitement bien positionné car chacune peut livrer dans son rayon de 200 km. Mais, grâce à la croissance marocaine et à la substitution qui est en train de se produire sur le plastique et le bois, on n’a pas fini de croire au Maroc et c’est notre sentiment, donc oui nous serons amenés à avoir d’autres unités d’emballage au Maroc, c’est trop tôt pour dire où et quand, mais on va continuer à se développer. Sur ces 10 dernières années, et avant l’achat de cette usine, CMCP International Paper a dépensé 60 millions d’euros d’investissements par an au Maroc. Ce n’est pas un chiffre neutre, et là on vient de rajouter 40 millions d’euros pour l’achat de l’unité de Tanger. Le tout s’élève à un milliard de dirhams, et ce n’est pas une fin en soi ; on continuera sur cette lancée, ce n’est que le début de la route.
Un produit échappe cependant à votre intérêt jusqu’à maintenant, c’est le papier très bas grammage. Il gagne en ampleur un peu partout grâce à la stratégie «Zéro mika». Pourquoi ne pas investir dans cette niche prometteuse, même de manière «expérimentale», pour voir sa rentabilité?
En ce qui concerne la matière première, c’est-à-dire le papier, on ne peut pas faire des investissements à titre expérimental. Ce sera forcément un gros investissement. Aujourd’hui, c’est trop tôt pour prendre ce pas. En ce qui concerne les emballages, on utilise aussi de plus en plus du papier à bas grammage, mais on vient de racheter une papeterie à Madrid qui n’est pas si loin, et qui va être capable de produire du papier bas grammage.
Donc ce n’est pas loin de vos plans de développement…
Ce n’est pas loin de nous, ça va déjà servir nos caisseries. Quant aux sacs papier, c’est encore d’un grammage plus bas, et pour cela, il faut que le marché se stabilise. Peut-être à l’avenir, mais ce n’est pas prévu à cet instant T.
Qui sont vos principaux clients aujourd’hui?
Les deux tiers des volumes sont écoulés dans le secteur agroalimentaire, où l’on retrouve l’emballage des fruits et légumes, mais également le thé, le sucre, la viande, les biscuits, l’eau, les sodas… Bref, un panel de grands industriels y recourent au vu de leur qualité optimale. Au-delà de cette partie, 30% de nos volumes que je qualifierais d’industriels se dirigent vers l’industrie automobile, mais on les retrouvera également dans l’industrie des détergents. On livre tous les secteurs d’activités, c’est difficile de tout cerner.
Vous employez quand même près de 1400 Marocains, un chiffre appelé à grandir au fil des expansions. Estimez-vous que la formation de la main d’œuvre marocaine soit performante dans votre secteur d’activité?
Oui. On trouve sur le marché du personnel formé, mais on est dans un domaine très spécifique qu’est le papier carton. Cela veut dire qu’il faudra continuer à les former aux méthodes d’International Paper, à leurs métiers, à leurs matériaux, à la sécurité, etc. On investit beaucoup dans la formation en interne qui se passe dans toutes les filiales d’International Paper, et certaines de nos formations sont diplômantes. Historiquement, CMCP est une bonne pépinière dans son domaine d’activité. Même avant l’avènement d’International Paper, on a trouvé un personnel très bien formé. On va continuer dans ce cadre, poursuivre la croissance marocaine et la technologie qui l’accompagne.
Vous êtes également friand de papier carton recyclé comme tout industriel de votre activité, quels standards exigez-vous dans ces produits?
Le papier recyclé qu’on utilise vient principalement de notre usine de Kenitra, qu’on peut tout à fait comparer à une papeterie européenne en ce qui concerne les standards de qualité.
Et il y a également un réservoir de matière première à recycler, dont seulement 30% l’est au niveau national, et le reste demeure dans la nature. Où réside le problème?
Un des problèmes est l’organisation de la filière Vieux papier. L’État marocain prend ce sujet à bras-le-corps, via des mesures qui verront le jour comme la création du statut d’autoentrepreneur pour les chineurs, ce qui est en train de se faire. Cela nécessite aussi un effort de sensibilisation, car on ne plus se permettre de jeter des emballages dans la nature, mais on a besoin de les trier à la source. Pour ce faire, il faut leur donner différentes poubelles : une pour les emballages, une pour les métaux, etc.
Cette récente acquisition désormais complétée, quels sont vos perspectives pour l’année à venir?
On est déjà très contents de cette acquisition, et il va falloir la digérer ; n’allons pas trop vite. On intègre 90 personnes à ce site qu’il faudra former à nos méthodes. Tout cela va bien nous occuper pour le reste de l’année. Mais à l’avenir, on continuera à investir très clairement et on continuera sur la moyenne de 60 millions de dirhams d’investissement par an au Maroc. Au-delà du Royaume, on réfléchit à d’autres acquisitions ou implantations en Afrique de l’Ouest ou dans la région Nord-Afrique.
Pour l’instant, votre présence en Afrique se résume au Maroc. Quel(s) pays africain(s) vous tente(ent) le plus pour une implantation future?
Si on part sur l’Afrique de l’Ouest, je vais citer comme ça la Côte d’Ivoire ou le Cameroun. Ce sont deux pays très intéressants où l’on retrouve 8% à 10% de croissance. La Tunisie et l’Algérie restent également deux destinations intéressantes à considérer.
Iliasse El Mesnaoui