Voilà un nouveau rapport sur la fonction publique qui va faire grincer des dents ! Le document, préparé par la Cour des comptes, vient rappeler les maux de l’Administration. Mais au-delà des défaillances relevées, pour la plupart connues de tous, le rapport de Driss Jettou comporte des recommandations à même de susciter l’ire des fonctionnaires et des centrales syndicales.
C’est le cas de la proposition concernant la refonte du système de rémunération. Au moment où les syndicats réclament la hausse des salaires, la Cour considère que le niveau de rémunérations reste élevé, entrainant par conséquent la rigidité des dépenses salariales. Pour convaincre, la Cour des comptes établie une comparaison du salaire net moyen appliqué au Maroc (7.700 DH en 2016) à celui d’autres pays. Il représente au Maroc environ 3 fois le PIB par habitat contre 1,2 en France et 1 fois en Espagne.
En réalité, le ratio élevé du salaire moyen au Maroc s’explique, certes, par la faiblesse du PIB marocain comparativement à ceux des pays cités en référence, mais également, par les multiples revalorisations des salaires décidées dans le cadre du dialogue social. Pour l’équipe de Jettou, «le Maroc s’offre une fonction publique qui dépasse les moyens de son économie et que l’amélioration substantielle des revenus des fonctionnaires ne se traduit pas par une amélioration de la perception de l’Administration chez le citoyen».
La Cour semble toutefois être consciente de la difficulté de revoir à la baisse la grille de rémunérations dans la fonction publique. Pour cela, elle propose comme alternative la maitrise des effectifs. Cela revient en fait à limiter les recrutements au strict nécessaire avec une amnistie pour les départements en besoin pressant. L’impact d’une telle mesure reste toutefois amoindri par l’effet des promotions de grade et d’échelons qui ont mobilisé pas moins de 3,56 milliards de DH en 2015. Une chose est sure : son application conduira à une relation encore plus tendue entre le mouvement syndicat et le gouvernement.
L’autre recommandation qui ne manquera pas de susciter la colère des fonctionnaires porte sur l’augmentation de la durée de travail. La Cour suggère la mise en place de moyens à même de s’assurer que la durée effective de travail corresponde à la durée réglementaire. L’idée est de combattre le phénomène des fonctionnaires fantômes. «À missions inchangées, une augmentation de la durée effective du travail pourrait dégager un potentiel équivalent en jours/hommes et atténuer les besoins en personnel découlant des départs à la retraite pour maintenir les recrutements à un niveau supportable», explique-t-on.
Et d’ajouter que les mesures instaurées récemment pour limiter ce phénomène ne concernent actuellement que les situations extrêmes d’absence totale se révèlent peu efficaces. A titre d’exemple, pour le personnel de l’Éducation nationale, l’ampleur des absences fait perdre au secteur un potentiel important de ses ressources humaines. En effet, selon les chiffres communiqués par le Département de l’Education, les absences enregistrées en 2016, par exemple, avaient atteint un total de 406 890 jours.
En outre, une part importante d’enseignants (90% des enseignants du cycle secondaire qualifiant et 74% du cycle secondaire collégial) n’assument pas la charge horaire qui leur est impartie à cause de l’inadéquation entre le déploiement des enseignants et la taille des structures scolaires. Dans les autres administrations publiques, la durée de travail, fixée à 37,5 heures par semaine, n’est en général pas observée rigoureusement. Il en résulte des marges pour l’optimisation de ce temps. Même pour le temps de travail réglementaire, sa durée hebdomadaire reste, relativement, en deçà de ce qui est pratiqué dans d’autres pays.
Hajar Benezha
Les fonctionnaires mal répartis
En 2016, le secteur public employait un effectif de personnel d’environ 860 253 dont 583 071 fonctionnaires civils de l’Etat, 147 637 fonctionnaires dans les collectivités territoriales et 129 545 agents des établissements publics. Comparé à la population total, l’effectif des fonctionnaires civils n’est pas excessif, comparativement à d’autres pays. Toutefois, la répartition territoriale du personnel connait des disparités entre les régions. En dehors de la région de Rabat-Salé-Kénitra qui connaît un taux d’administration de 27,8% en raison notamment de la présence des services centraux à Rabat, certaines régions se situent sensiblement au-dessus de la moyenne nationale, comme celle de Drâa-Tafilalet qui affiche un taux de 18,3%.