Un vibrant hommage a été rendu vendredi soir à Rabat au dramaturge, critique et ancien directeur de l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle (ISADAC), l’écrivain Ahmed Massaia lors de l’ouverture de la troisième édition du Festival international des écoles supérieures d’art dramatique (FIESAD) qui se poursuivra jusqu’au 6 décembre. Cet hommage se veut une reconnaissance des efforts déployés par Massaia dans le domaine du théâtre et de la création.
Al Bayane: Que représente cet hommage pour vous?
Ahmed Massaia: Beaucoup de choses. J’ai déjà été honoré un peu partout, ça m’a fait plaisir. Mais cet hommage est tout à fait particulier parce qu’il émane de gens que j’ai côtoyés pendant de longues années, des gens que j’ai formés au sein de cette institution extraordinaire qu’est l’ISADAC. Ce festival est très intéressant parce que notre pays comme la plupart des pays en voie de développement n’ont pas assez de moyens pour faire circuler notre art, notre théâtre, et surtout pour permettre à ces jeunes d’aller voir d’autres spectacles et de rencontrer d’autres expériences dans les autres coins du monde. Ce festival en effet le permet en drainant des dizaines d’écoles de théâtre. C’est important pour que les étudiants et les lauréats de l’ISADAC puissent connaitre d’autres expériences. Cet hommage est pour moi un honneur, moi qui ai dirigé cette institution, et qui ai toujours voulu l’ouvrir au monde extérieur, à d’autres écoles et à d’autres expériences.
Vous avez dirigé l’ISADAC pendant des années. Que pensez-vous de cette institution ? Joue-t-elle son rôle dans la promotion du théâtre marocain, son enrichissement et épanouissement?
Il m’est très difficile de porter un jugement sur l’ISADAC puisque je n’y vais que très rarement. Mais étant donné ce cordon ombilical que j’ai entretenu et que j’entretiens toujours à travers les productions théâtrales, à travers tout ce que j’entends ici et ailleurs sur l’institution, ce cordon ombilical, je ne l’ai jamais coupé. Ce qui fait, j’ai un point de vue sur la marche de cet institut. Il me semble d’après ce que j’entends que cette institution a besoin d’une «main de fer» pour pouvoir lui donner toute la place qu’elle mérite puisque c’est la seule pépinière de formation de comédiens, d’artistes, de scénographes et de tous les techniciens du théâtre et du cinéma. Etant donné que la plupart des lauréats verse souvent vers le cinéma, cette institution a besoin d’être revue au niveau de la formation.
Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur la jeune génération de comédiens, d’artistes…?
La nouvelle génération est éclectique tant au niveau quantitatif que qualitatif. C’est vrai parce qu’on l’oublie souvent. N’importe quelle institution de ce genre dans le monde, même le conservatoire de Paris avec une dizaine par promotions, ne donne pas beaucoup de bons comédiens qui vont réussir. Cependant, il y a un autre problème qui se situe au niveau de la pratique théâtrale. Ce que j’ai remarqué depuis les années 90 avec la formation en théâtre jusqu’ aujourd’hui, c’est qu’il y’a eu un glissement progressif du niveau esthétique vers la postmodernité. Je ne dis pas que ces spectacles que nous présentons sont mauvais ou ils ne sont pas la hauteur. Il y a d’excellents spectacles. Seulement, tout le patrimoine que les anciens ont mis en place avec leurs moyens… on l’a tout oublié. Je pense que cette rupture est souhaitable dans chaque société, mais il ne faut pas couper avec les acquis.
Mohamed Nait Youssef