Décidément, la réforme de l’école marocaine passe par la généralisation de l’enseignement préscolaire, placé au rang des chantiers clés pour relever le défi de la mise à niveau du système éducatif. C’est la raison pour laquelle un accent particulier a été mis sur le préscolaire, appelé à devenir obligatoire pour l’Etat et la famille, comme l’a appelé de ses vœux SM le Roi Mohammed VI dans un message à l’occasion de la Journée nationale sur l’enseignement préscolaire.
L’importance accordée à ce secteur a été illustrée dans le discours du Trône de cette année dans lequel le Souverain a insisté sur le préscolaire en tant que l’une des mesures d’urgence pour donner une impulsion vigoureuse aux programmes d’appui à la scolarisation et de lutte contre la déperdition scolaire. Conformément à l’appel royal, le Conseil des ministres a approuvé lors de sa réunion du 20 août 2018 le projet de loi-cadre 51.17 relative au système de l’éducation, de formation et de recherche scientifique qui s’appuie sur un nombre de leviers dont la généralisation d’une éducation intégrée et solidaire au profit de tous les enfants, loin de toute discrimination.
Le texte tend à rendre l’enseignement primaire obligatoire aussi bien pour l’Etat que pour les familles, une discrimination positive au profit des enfants issus des régions rurales et semi-urbaines, mais aussi pour les régions accusant un déficit ou un manque. Il s’agit également de garantir l’accès à l’éducation et à l’enseignement aux enfants en situation de handicap ou aux besoins spécifiques et lutter contre la déperdition scolaire et l’analphabétisme. Le préscolaire se trouve, à l’aube du 3e millénaire, parmi les préoccupations de l’Etat et de tous les acteurs œuvrant dans ce domaine, conformément à la Charte nationale de l’éducation et de la formation visant notamment son intégration dans le cycle de l’enseignement primaire.
Cette question a été retenue aussi parmi les priorités du Programme d’urgence 2009-2012 destiné à l’élargissement et la modernisation de l’offre pédagogique et sa généralisation globale en 2015, se focalisant sur trois axes principaux à savoir la promotion de l’offre actuelle, l’amélioration de sa qualité et la formation des éducateurs. En dépit des programmes adoptés et des efforts déployés dans ce domaine, le défi de la généralisation globale de l’enseignement préscolaire constitue toujours l’une des entraves à la réforme du système éducatif.
L’étude élaborée par le ministère de tutelle, en partenariat avec l’UNICEF en 2013, a démontré que 40% des enfants âgés de 4 à 5 ans n’ont pas accès à l’école, soit un total de 458.000 élèves. En effet, plusieurs facteurs peuvent expliquer ce constat, notamment la non-intégration du préscolaire dans le cadre de l’enseignement obligatoire et l’absence de mécanismes de contrôle et d’évaluation, ainsi que le manque d’un exemple pédagogique relatif à ce genre d’enseignement surtout dans le milieu rural.
Eu égard à son importance, une série d’initiatives ont été adoptées pour en faire un dossier prioritaire, la meilleure illustration étant la proclamation d’une Journée nationale à l’enseignement préscolaire, célébrée le 18 juillet 2018. A l’occasion de cette Journée, SM le Roi a adressé un message aux participants dans lequel le Souverain a souligné l’importance de la prescolarité qui constitue le socle de toute réforme, affirmant que « l’enseignement fondamental est un droit de l’enfant et une obligation de la famille et de l’État ».
La préscolarisation a été aussi inscrite au cœur de la Vision stratégique de la réforme de l’éducation et de la formation 2015-2030, élaborée par le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, qui a érigé cette question comme la base essentielle de toute réforme éducative favorisant l’équité et l’égalité des chances et facilitant les parcours scolaire et de formation.
Le ministère de tutelle a, par ailleurs, élaboré, avec le soutien de l’UNICEF, un modèle pédagogique qui a servi de document de référence pour la mise en place du cadre pédagogique de l’enseignement préscolaire de 2018.
Le gouvernement s’engage en effet à ouvrir, à l’horizon 2027-2028, quelque 57.000 classes supplémentaires et recruter 56.000 éducateurs, tout en assurant la formation d’environ 27.000 animateurs pédagogiques et la réhabilitation des espaces dédiés à l’enseignement préscolaire. Ce bilan a été dressé par le ministre de l’Éducation nationale, Saïd Amzazi lors d’une rencontre dédiée au lancement du Programme national de généralisation et de développement du préscolaire, tenu à Skhirat. Le programme national, dont la mise en œuvre a nécessité une enveloppe budgétaire moyennant 30 milliards de dirhams, sur les dix prochaines années, se fixe pour objectif de garantir la scolarisation préscolaire à environ 700.000 enfants annuellement.
La rentrée scolaire actuelle demeure une occasion idoine pour se pencher sur l’adéquation des ressources allouées, des moyens et des plans mis en place avec les aspirations des différents acteurs et partenaires dans la mise en œuvre du Programme national de généralisation et de développement du préscolaire et de la Vision de la réforme du secteur éducation, en particulier les attentes d’un pan entier de la société qui a été privé de l’enseignement en âge préscolaire.
Khadija Tahiri (MAP)