«Adam Bofary» de Jean Zaganiaris. Ed Onze, 2020
Par Mamoun Lahbabi
Après un détour par un recueil de chroniques, «Parlez-moi de littérature», Jean Zaganiaris revient avec un troisième roman qui a pour décor Marrakech : «Adam Bofary».
Retour sur ce roman qui, d’emblée, lance un clin d’œil à la grand-œuvre de Flaubert. Dans ce roman truculent, chevillé au réel, Jean Zaganiaris nous rappelle une nouvelle fois ses capacités d’immersion dans les arcanes de la société. Il est vrai qu’il dispose d’atouts dont l’écrivain est toujours friand : l’analyse sociologique et le regard philosophique.
«Adam Bofary» est un roman qui prend son temps, mais toutefois sans jamais manquer de vitesse. Au fil des pages, qui sont une plongée dans la ville de Marrakech -avec certes de petites escapades-, il reste compact en dépit des événements qui l’agitent. Car l’auteur est un inventeur insatiable de situations, qui ose défier les idées reçues et les partis-pris afin de mieux sonder les mécanismes sociaux et psychologiques.
Jean Zaganiaris n’est pas avare de mots. Plume aux doigts, il crée un univers dont nous apprécions la fréquentation à partir des premières pages, et jusqu’aux dernières. Il écrit comme s’il écoutait une voix, et son écriture semble émerger d’une longue nuit de réflexion où se croisent tous les sentiments : la solitude, la passion, la générosité, l’amitié, la compassion, l’amour. «Adam Bofary» est tout cela à la fois.
Le lecteur aura alors tout loisir de partager ces sentiments à travers des personnages si attachants qu’ils donnent envie d’une rencontre concrète.
«Une larme coula silencieusement sur la joue d’Adam, celle que Maria ne pouvait voir en conduisant. La souffrance est devenue une maladie honteuse aujourd’hui. Nous vivons dans un monde marqué par l’efficacité et la quête des performances», écrit l’auteur.
Jean Zaganiaris n’échappe pas à sa condition ontologique qui est d’être un écrivain qui marche toujours sur le fil du roman sans perdre le sens de la réalité. C’est un auteur serein qui ne se départit aucunement de la quiétude nécessaire au récit de la vie dans ses versants heureux ou douloureux.
A travers toute son œuvre, qui visite l’essai, la chronique littéraire et le roman, Jean Zaganiaris nous rappelle à chaque fois que son écriture, éprise autant d’efficacité que d’esthétique, est une aventure dans la littérature.
Mais une aventure dont la principale préoccupation est l’Homme. «Etre humain est une conquête, pas un fait naturel», disait Platon.