De la légende évoquée dans l’odyssée, lors du voyage d’Ulysse, on retient l’expression «Tomber de Charybde en Scylla!», deux redoutables monstres du conte mythique grec.
En référence à ces écueils messins, on s’accorde à dire que la situation endémique de notre pays conviendrait à ce dilemme antique. On aura, sans doute, évité l’étau de la pandémie pour s’enliser, ipso facto, dans le «bourbier» économique.
Tant bien que mal, il semble que la bataille contre le virus tournerait à notre actif, à seulement quelques mètres du sprint final. Il a fallu se lever tôt pour venir à bout de cette épreuve virale qui a nécessité d’énormes sacrifices afin de s’en sortir avec le moindre dégât. Il est bien évident que notre triomphe qui profile ardemment à l’horizon augure d’un avenir qui n’aurait rien à voir avec le passé auquel on aurait claqué la porte.
En tout cas, c’est le vœu des franges démunies de la société marocaine que l’endémie eut le plus minée. Nonobstant, il n’en demeure pas moins vrai que les poches de résistance qui ont toujours eu le dessus sur l’évolution du pays, aiguiseraient encore davantage leurs armes rétrogrades pour maintenir le statu quo.
La pandémie qui a duré presque trois mois dans nos parages, aurait, à coup sûr, servi de test à la capacité intrinsèque de tous les citoyens. Le temps de crise sanitaire a bien permis de se mesurer de visu, au péril de l’extermination à grande échelle. Il fallait alors s’y intercepter avec les moyens de bord, puisque la l’épidémie fut généralisée et chaque nation ne pouvait compter que sur son propre arsenal.
Sur ce plan où les valeurs humanistes prévalent, le Maroc se fait distinguer en tenant la dragée haute aux pays les plus puissants. Le Capital aura laissé des plumes dans ce combat à armes égales, à l’image des États-Unis dont les tics impérialistes voués à l’échec, font revenir aux nostalgies xénophobes, provoquant de larges manifestations de colère, relayées par les réseaux sociaux du monde entier. La leçon manifeste qu’administre aujourd’hui la pandémie est porteuse d’enseignements que nul ne peut ignorer.
Les vérités dont on se vantait détenir face aux conjonctures ne sont plus aussi certaines. On aura plutôt tendance à se confier beaucoup plus aux valeurs de la solidarité mutuelle qu’à celles fondées sur l’individualité perfide. Le Maroc en avait pris conscience, bien au début de la crise et en avait fait sa devise. Mais, au sortir de la pandémie, il ne pourra plus s’en débarrasser, pour autant.
Dans notre pays, personne n’a plus le droit de «marcher» sur ces acquis profondément ancrés dans nos terres. La crise virale aura révélé qu’on renferme plus 20 millions de concitoyens qui vivotent dans la précarité. La plupart «bricolent» dans l’informel qui ne cesse de ruiner l’économie nationale, sans jamais pouvoir l’insérer dans le formel pour en garantir la force et la pérennité.
Ce déficit que traîne le pays depuis des lustres, le jette dans la vulnérabilité constante, en dépit de l’effort colossal qu’il consent en termes d’infrastructures. Plus on fait le cap sur le bâtiment plus on défait la structure fondatrice de l’essor qu’est l’Homme, dans ses exigences de base que sont l’éducation, la santé, l’emploi, la culture, l’écologie…
Ce gisement humain que la pandémie a forgé, à travers son élan de solidarité, son esprit d’invention et son entrain de fidélité, ne tolérera plus qu’on lui envoie «l’aumône» sur internet pour qu’il puisse subvenir à ses nécessités les plus rudimentaires. Mais, il s’attendra désormais, à une vie décente dans son propre pays, sans avoir l’attention d’aller chercher ailleurs. «Assez, Basta!», diraient ces millions de rescapés de la crise pandémique qui ambitionnent de vivre en permanence, dans une nation égalitaire.
On ne peut plus admettre que la précarité constitue des freins du développement, au service d’une minorité nantie, emmitouflée dans les velours de la rente et du monopole.