Chili: La troisième mort de Pinochet

Nabil El Bousaadi

Une année après le grand soulèvement populaire par lequel ils avaient réclamé la mise en place d’une nouvelle Constitution pour se défaire de Loi suprême héritée de l’ère Pinochet, les chiliens qui ont afflué en masse, ce dimanche, vers les bureaux de vote tout en respectant les mesures-barrières et de distanciation physique imposées par la pandémie du Covid-19 ont approuvé, avec près de 79% des voix, la rédaction d’un nouveau texte constitutionnel.

Pour rappel, le remplacement de la Constitution datant de la dictature d’Augusto Pinochet qui avait duré de 1973 à 1990, qui limitait fortement l’action de l’Etat en encourageant l’activité privée dans tous les secteurs – notamment l’éducation, la santé et les retraites – va permettre de procéder aux profondes réformes sociales dont a besoin le Chili qui reste un des pays les plus inégalitaires d’Amérique latine. Aussi, la mise en place d’une nouvelle Constitution était-elle la principale  revendication du mouvement de révolte lancé le 18 Octobre 2019 à l’effet de réclamer une société plus juste.

Si donc, ce dimanche, 14,7 millions d’électeurs ont été appelés à répondre à deux questions ; à savoir « Souhaitez-vous une nouvelle Constitution ? » et « Quel organe devra rédiger la nouvelle Constitution ? », l’option d’une « Convention constituante » uniquement formée de citoyens l’a emporté par 79% des voix alors que 21% des électeurs étaient pour une « Convention mixte » composée de citoyens et de parlementaires.

Aussi, dès la proclamation de ce résultat qui a dépassé les plus folles espérances des chiliens qui, depuis une année, dénoncent les inégalités sociales qui sévissent dans le pays, ces derniers ont investi les rues des principales villes du pays en bravant l’interdiction des regroupements faite à la population en raison de la pandémie du nouveau coronavirus qui a durement frappé le Chili puisque 500.000 personnes ont été contaminés par le virus et que 14.000 en sont mortes.

A Santiago, la capitale, ce sont des dizaines de milliers de chiliens qui, pour manifester leur joie, se sont regroupés, dûment masqués, en plusieurs endroits de la ville et notamment à la Plaza Italia, qui fut l’épicentre de la contestation contre les inégalités et qui, depuis lors, a été rebaptisée « Place de la dignité ».

«Nous célébrons une victoire remportée sur cette place plus digne que jamais» s’est écrié, au milieu des chants, des pétards et des coups de klaxons, Graciela Gonzalez, une jeune femme de 35 ans. Non loin d’elle, Maria Isabel Nunez, 46 ans, accompagnée de sa fille de 20 ans déclarera «Je n’ai jamais imaginé que nous Chiliens serions capables de nous unir pour un tel changement !».

Felipe, un ingénieur de 35 ans évoquera, de son côté, un scrutin «historique» pour le Chili pouvant être le «début» d’une «catharsis nationale» amplement méritée. Rappelant, dans une allocution télévisée, que l’ancienne constitution avait divisé le pays, le président Sebastian Pinera a félicité ses compatriotes puis les a invité à s’unir pour rédiger cette nouvelle Loi fondamentale qui se devra d’être «un espace d’unité, de stabilité et d’avenir».

Le référendum de ce dimanche qui intervient trente années après qu’Augusto Pinochet ait été contraint d’abandonner le pouvoir à l’issue du référendum révocatoire du 11 mars 1990 et 14 ans après que sa dépouille ne fut incinérée conformément à ses dernières volontés après sa mort le 20 décembre 2006 pour que sa tombe ne soit point profanée constitue-t-il la troisième et dernière mort du dictateur ? Il semble bien que cette fois-ci soit la bonne mais attendons pour voir…

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