Chili : Un pays profondément divisé 50 ans après la mort d’Allende

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

C’est sur fond de divisions sociales et politiques sur l’héritage de sa propre histoire que, lundi dernier, 11 Septembre 2023, le président chilien Gabriel Boric, avait présidé, depuis le Palais de la Moneda, bombardé cinquante ans auparavant par l’armée de l’air chilienne, avec l’aide de la CIA, aux commémorations, placées sous le signe «Démocratie toujours », du cinquantenaire du coup d’Etat qui avait coûté la vie au président Salvador Allende et amené au pouvoir le général Augusto Pinochet.

En rappelant, dans son discours, que « quelle que soit la couleur du régime qui viole les droits de l’Homme – qu’il soit rouge, bleu ou noir – les droits de l’Homme doivent toujours être respectés et leur violation condamnée sans aucune nuance », le président Boric a tenu à préciser que le putsch du général Pinochet reste « indissociable de ce qui s’en est suivi (car) les droits de l’Homme ont été violés dès le début ».

En s’adressant, à l’assistance, au premier rang de laquelle était assise Maya Fernandez, l’actuel ministre de la Défense qui est aussi la petite-fille de Salvador Allende, la sénatrice socialiste Isabel Allende, fille du défunt président, a raconté, avec force détails et la voix nouée par l’émotion, ce qui s’était passé le 11 septembre et rappelé qu’au moment où « la démocratie dans le monde est confrontée à de nouvelles menaces, il est plus que jamais nécessaire de renouveler l’engagement de chacun en faveur de la démocratie ».

Parmi les festivités, notons que, dans la nuit du lundi, des milliers de personnes avaient organisé une veillée aux chandelles au stade de Santiago qui avait servi, pendant la dictature, de centre de détention et de torture et qu’une minute de silence avait été observée, par l’assistance, à 11 H 52, soit à l’heure exacte où le Palais de la Moneda avait été bombardé par l’aviation chilienne.

Ce bombardement est très important dans l’histoire du Chili dès lors qu’il avait ouvert la voie à une dictature qui a duré 17 années pendant lesquelles 1.747 personnes ont été tuées et 1.469 portées disparues.

Mais, quand 79% des 20 millions de chiliens qui peuplent, aujourd’hui, le pays, sont nés après 1973 et qu’ils sont plus préoccupés par l’économie et l’insécurité que par l’Histoire, il est normal que le pays soit profondément divisé sur le sens à donner à cette commémoration car celle-ci ne suscite, désormais, que très peu d’intérêt.

L’enquête effectuée, récemment, par l’Institut « Activa Research », ayant révélé que 40% des chiliens estiment que Salvador Allende était responsable de ce qui était arrivé au Chili le 11 Septembre 1973 et que 50% ont une sainte horreur de Pinochet et de sa dictature, c’est donc que la fracture qui divise le peuple est encore profonde.

C’est à ce titre, d’ailleurs, que, dans son communiqué, l’Union Démocrate Indépendante (UDI), extrême-droite, avait tenu à préciser que le renversement d’Allende était « devenu inévitable » du fait de la « situation extrême » dans laquelle se trouvait le pays et que, pour ne point se joindre à l’engagement de « défendre la démocratie contre les menaces autoritaires » pris par le président Gabriel Boric, aucun représentant de l’opposition de droite n’a assisté à la cérémonie commémorant le cinquantenaire de l’attaque du Palais de la Moneda.

Même si, dans son discours le président Gabriel Boric a reconnu, sous les applaudissements nourris de l’assistance, que, pour sortir le pays de la crise où l’avait plongé Allende, « il y avait une autre alternative » que l’attaque du Palais de la Moneda, les chiliens sont encore très divisés sur la question.

Sachant, enfin, que, bien que ce soient les héritiers du président Allende qui gouvernent, actuellement, le pays, c’est le Parti républicain, formation d’extrême-droite nostalgique de Pinochet, qui, en mai dernier, était arrivé en tête de l’élection du Conseil chargé de rédiger une nouvelle Constitution censée amender celle qui avait été rédigée sous la dictature (1973-1990), on est amené à croire que le nouveau texte constitutionnel ne va pas trop s’éloigner de l’ancien mais attendons pour voir….

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