Trois questions à Abdelouahed Souhail, ancien élu de Casablanca et membre du BP du PPS
Le mode de gouvernance de Casablanca devrait être revu pour mieux répondre aux aspirations de la métropole et assurer son développement durable. A ce propos, il faut agir, quitte à faire un statut particulier pour la ville, souligne Abdelouahed Souhail, ancien ministre, ex-élu de la mairie et membre du B.P du PPS. Les propos.
Al Bayane : Casablanca serait-elle sur la voie de la dépolitisation ? La métropole, qui était le théâtre de grandes manifestations politiques, syndicales, de congrès internationaux, de congrès des partis politiques, d’événements politiques, et une école d’élites politiques, s’est réduite aujourd’hui au rôle de «figuration» politique. Sur tout cet axe, c’est le silence radio. Même ses députés et ses élus locaux ne font plus la différence comme leurs aînés des années quinte-vingt, quatre-vingt dix et du début de ce millénaire? Qu’est ce qui a changé ?
Abdelouahed Souhail : Je pense que la ville de Casablanca produit toujours. Elle produit une bonne partie du PIB marocain. De même, elle représente presque 10% de la population du Maroc. En fait, la ville produit toujours des femmes et des hommes, des services, des biens, des idées, abrite des activités dans tous les domaines, contribue au développement du pays. Elle a produit de meilleurs intellectuels, de meilleurs avocats, de meilleurs médecins, des écrivains. La ville dispose des écoles parmi les plus prestigieuses du pays, des universités, des institutions, etc. Il y a une vie intellectuelle et des activités dans ce sens. Evidement la capitale politique du pays, c’est Rabat. Donc naturellement, des activités sont centrées à Rabat. Mais, Casablanca bouge. Je pourrais dire que cela ne correspond pas à la taille de la ville. C’est un fait. Il faut die que c’est une ville qui a été un peu ruralisée. Surtout avec l’explosion démographique et la gestion qui est suivie dans la ville. Du coup, la ville a souffert de l’anarchie de son développement, de la très très mauvaise gestion de ces élus au niveau des différents conseils municipaux qu’elle a connu depuis les années soixante-dix et une tutelle qui a fait prévaloir le volet sécuritaire que le développement de la Métropole. Aujourd’hui, l’identité de Casablanca n’est plus visible à travers un certains nombre d’éléments.
Lorsque vous étiez membre de la communauté urbaine de Casablanca et par la suite élu de la mairie de Casablanca, vous aviez toujours pointé du doigt les défaillances de la gestion de la chose locale et critiqué les formules de société d’économie mixte et de SDL (société de développement local) dans la gouvernance locale. La bonne formule consiste en quoi ?
Cette question devrait être abordée dans son contexte, celui de la gouvernance de la ville. Dans ce contexte, en fait, on essayé d’enlever toute unité à la ville depuis longtemps. Elle était gérée par cinq communes au départ, puis par un nombre impressionnant de collectivités par la suite, avec une communauté urbaine, qui assurait la coordination, que la gestion. Et puis on a instauré un conseil de la ville en 2003. C’est une expérience qui a aujourd’hui seize ans. Durant deux mandats, (2003-2009 et 2009-2015), la ville a été gérée par le même maire avec une majorité assez bricolée. Ceci à cause du système des élections à Casablanca, influencé par l’argent et la culture de «Ouled Derb». Il y a un aspect de gouvernance qui ne favorise pas le développement de la ville. Alors que c’est une ville qui doit avoir une administration solide, des compétences et une direction politique solide. Mais, le système politique de gestion des villes, fait émerger des majorités totalement éclatées, des personnes qui gèrent des problèmes de clientèles que les problèmes de la ville. C’est ainsi que des secteurs ont été cédés dans le cadre de la gestion déléguée, comme le cas de la distribution de l’eau et de l’électricité, l’assainissement et les transports publics. C’est dans ce sens que des SDL, (société de développement local), ont été créées. Ces SDL comme les formules de Régie ou de gestion déléguée, peuvent être des solutions, mais elles devraient correspondre à des visions politiques. Qu’est ce qu’on veut faire de la ville ?
Le mode de scrutin appliqué aujourd’hui sert-il vraiment le pluralisme et la politique de proximité, notamment dans les grandes villes comme Casablanca?
Le mode de scrutin appliqué aujourd’hui ne sert pas la gouvernance de Casablanca et des grandes villes. Et ne permet pas de mettre en place une direction politique solide pour gérer la métropole. De même, le système politique, notamment l’éclatement de la classe politique, ne permet pas de dégager une majorité politique forte. D’ailleurs, on n’a pas fait une évaluation de ce mode de scrutin, de ce mode de gestion, des rapports entre les différents intervenants dans les circuits de la gouvernance. Je pense que tout cela est à revoir. Et s’il fallait faire un statut particulier pour Casablanca, il faut dire que Casablanca le mérite.
Propos recueillis par B.A