Administration publique, mais aussi gestion privée

Pourrait-on aller jusqu’à dire que l’Administration publique devrait être purement et simplement démantelée pour être refondue sur de nouvelles bases. Affirmation trop extrême, s’il en est. Il ne s’agit pas, bien entendu, d’un démantèlement matériel – le service public ne pouvant pas s’arrêter – mais de revoir les fondements idéologiques hérités du colonialisme et de quelques nouveautés organisationnelles, qui sous-tendent notre administration et qui réduisent son efficience.

Opérer cette rupture est maintenant possible, tant la volonté royale vient de s’exprimer, on ne peut plus, clairement et de manière exhaustive.

N’est-il pas, en effet, trop  coûteux, économiquement, socialement et politiquement, que continuent à se cacher dans notre administration des intérêts individuels ou sectaires qui décrédibilisent l’action étatique.

A titre d’exemple, actualité oblige, les récentes élections législatives, constituent incontestablement une réussite pour le Maroc et une montée en puissance de notre démocratie. Mais il s’agit-il plus d’une réussite administrative de court terme.  Car il faudrait,incontestablement,tirer les conséquences des débordements sans précédent de l’argent, des comportements voyous électoraux dans un «marché» structuré, des agissements individuels de certains agents administratifs, et, fait nouveau, du déferlement des «hooligans» des réseaux sociaux. Autant de comportements qui devraient être rapidement circonscris, sous peine d’être interprétés par leurs auteurs comme normaux, vu la neutralité observée face à ces actes antidémocratiques.

C’est dire, qu’Il est nécessaire de continuer les réformes structurelles que connaissent ces derniers temps les affaires étrangères et les affaires islamiques, de les approfondir et de les étendre à l’intérieur, la justice, les finances, l’équipement et, bien entendu, l’éducation nationale, la formation professionnelle et la recherche scientifique, ainsi que  les secteurs sociaux et culturels.

Car c’est juste, la problématique est essentiellement humaine. La ressource humaine constitue le fondement numéro un sur lequel devrait se baser la profonde rupture à opérer dans nos administrations.

Afin d’en finir avec ce qui est devenu une véritable idéologie bureaucratique, calcifiée autour d’une culture de rente salariale, sécurisée à vie par des postes rémunérateurs donnant accès à tous les droits et à une image sociale qui fait tant rêver nos  jeunes diplômés. Il faudrait se garder de prendre encore plus de temps  pour inculquer effectivement l’esprit du mérite, l’égalité parfaite des chances, la formation tout au long de la vie  et la reddition des comptes. Car, il ne suffit pas de sélectionner les hauts responsables par voie de concours publics, quand chacun sait que la pratique a complètement détournée les nobles objectifs recherchés à cause des multiples interférences dans le processus.

Aussi, le démembrement excessif de l’administration, est-il une fausse bonne idée. On comprend bien que face à l’inefficience d’exécution ambiante dans certaines administrations, on recourt  à la création de structures plus ou moins indépendantes, du genre agences et autres formes juridiques souples et surtout dotées de compétences humaines et de moyens matériels et de rapidité de décision. Mais cela, d’évidence coûte cher, et crée des dysfonctionnements supplémentaires. La gouvernance, entendez, la gestion efficiente, exige une responsabilisation politique de l’Administration, et non pas dans l’émiettement des moyens, le gonflement des effectifs et des budgets de fonctionnements, et la multiplication des statuts.

Car, en plus, la réflexion devrait être globale, administration centrale, régionale et locale. Autant de niveaux entre lesquels l’harmonie et la fluidité devrait exister.

Mais si l’administration publique devrait, à juste titre, être en tête de l’intérêt, la gestion privée de nos associations et entreprises, devrait l’être aussi.  Car, au moment où on cherche à « privatiser » les méthodes de gestion de l’administration publique, beaucoup de nos opérateurs privés, à contre courant, s’administrativisent à outrance. Bien plus, beaucoup d’entre eux, cherchent à se valoriser davantage dans des postes ministériels ou administratifs, plutôt que dans leur métier de création de valeur ajoutée dans des entreprises structurées et bien gérées.

En définitive, s’il y a du bon et du mauvais partout, et s’il faudrait se garder des généralisations abusives, il faudrait reconnaitre que l’Administration publique a fait ses preuves dans des moments décisifs et continue à le faire. Réformons-là, valorisons les fonctionnaires par le mérite, dotons- les des moyens techniques et de gestion suffisants et  évaluons continuellement leurs performances.  Le tout moyennant  un cadre juridique rénové, des stratégies claires et une souplesse de décision, au plan national et local.

Il y va de l’attractivité de notre Pays et de   la compétitivité de notre économie. Du ressort  de mieux de secteur public et de mieux et plus de secteur privé.

Ahmed Azirar

(Economiste, Professeur à l’ISCAE)

AA/20 Octobre 2016

Top